En Centrafrique, une situation humanitaire « exécrable » et un conflit qui s’enlise

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Les combats entre groupes armés ensanglantent depuis le début de l’année l’est de la Centrafrique, où l’État est quasi-invisible et l’ONU débordée. Les organisations humanitaires s’alarment de la reprise des massacres interethniques.

« Vous aviez trois missions : mettre fin au chaos, accompagner les forces internationales et permettre la tenue d’élections. Ces trois missions sont remplies, personne ne peut le contester. » Les paroles de l’ex-ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian, le 31 octobre 2016 à Bangui, félicitant les troupes de la force Sangaris qui, après trois ans d’opération de maintien de la paix, se retiraient de Centrafrique, semblent bien loin.

Le chaos en Centrafrique n’est pas fini, il a simplement changé d’emplacement. De l’ouest du pays – où les combats et massacres interethniques entre les milices musulmanes de la Séléka et les anti-balaka, majoritairement chrétiens, avaient choqué la communauté internationale – le conflit s’est déplacé dans le centre et le sud-est. Depuis mai, des centaines de personnes ont perdu la vie dans cet immense territoire, où s’affrontent 14 groupes armés, parmi lesquels des anti-balaka et les différentes factions rivales de l’ex-Séléka.

« Chasse aux musulmans »

« Les groupes armés sont en train de prendre le contrôle de cette zone, qui avait été épargnée par la crise centrafricaine mais qui connaît aujourd’hui le même phénomène qu’en 2014 : une chasse aux musulmans et des affrontements entre factions », observe depuis Bangui Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales. Épisodiques et localisés, les affrontements n’en demeurent pas moins meurtriers, touchant principalement les civils, et même les organisations humanitaires. Le 3 août, six volontaires de la Croix-Rouge centrafricaine ont été exécutés ainsi que des dizaines de civils à Gambo, dans l’est du pays.

« Ils s’étaient réfugiés au centre de santé, n’étaient pas armés. On leur a donné la mort, ainsi qu’à des femmes en train d’accoucher. Le chef de centre a été sauvagement égorgé », raconte, d’après le témoignage de survivants, Antoine Mbao Bogo, président de la Croix-Rouge centrafricaine, à France 24.

Terrain dangereux pour les ONG

Encore sous le choc, le pasteur Mbao Bogo décrit un pays « à feu et à sang » et une situation humanitaire « exécrable » dans l’est, où la nourriture et les médicaments sont par endroits inexistants, où les écoles sont fermées. D’après lui, certaines villes ont même été désertées, comme à Mobaye où les violences interethniques vont crescendo depuis la fin mai. Idem pour Bria, dans le Centre, où les combats ont fait plus de 100 morts en juin, et qui reste aujourd’hui une « ville fantôme », selon l’ONU.

Le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) prévient que le pays compte un demi-million de réfugiés internes, dont 180 000 qui ont fui leur maison cette année. Ils sont souvent dans le dénuement le plus total, les organisations humanitaires s’aventurant de moins en moins dans ce qui est l’un des pays les plus dangereux au monde pour eux. À Zémio, sur la frontière avec la République démocratique du Congo, la mission de Médecins sans frontières a été « forcée de se retirer », déplore la chef de mission Mia Hejdenberg, laissant plus de 20 000 déplacés à la merci des violences. Le 11 juillet, une famille musulmane a été massacrée dans l’hôpital de la ville.

Les Casques bleus à la peine

Les « forces internationales » qu’évoquait Jean-Yves le Drian dans son discours, à savoir les 12 500 militaires et policiers de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca), déployés depuis 2013, sont bien à la peine. « L’ONU sert à faire en sorte que le gouvernement continue de survivre, à éviter qu’il y ait une déflagration générale dans le pays. Elle a une capacité d’endiguement mais ne peut pas résoudre le conflit », lance Thierry Vircoulon. Le chercheur compare les soldats onusiens à des pompiers, « toujours trop lents » contre ces flambées de violences localisées, et « jamais en mesure d’éteindre les braises », malgré son budget de 800 millions de dollars. Neuf d’entre eux, principalement des Cambodgiens et des Marocains, ont été tués depuis mai dans la région de Bangassou, à la frontière congolaise.

L’une des raisons du regain de violences est le retrait, en mai, des troupes ougandaises et américaines déployées initialement dans l’est pour lutter contre les rebelles ougandais de la sanguinaire Armée révolutionnaire du Seigneur (LRA). De fait, ils apportaient un semblant de stabilité dans la région. Leur départ a créé un « vide stratégique », estime Thierry Vircoulon, dans lequel se sont engouffrés les ex-Séléka, suivis par les anti-balaka.

Face à l’urgence, qui ne date pourtant pas d’hier, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Stephen O’Brien, a employé les grands mots lundi 7 août, à New York, prévenant que « les signes avant-coureurs de génocide sont là » et que l’ONU doit « agir maintenant, ne pas réduire l’effort et prier pour ne pas avoir à vivre en le regrettant ».

Gouvernement fictif

Quant au gouvernement de Faustin-Archange Touadéra, élu en 2016 et là aussi évoqué par Jean-Yves le Drian, il est pour ainsi dire absent de la zone de conflit. Tout juste la capitale, Bangui, est-elle relativement sécurisée, comme l’ouest du pays. Le porte-parole du gouvernement Théodore Jousso reconnaît lui-même dans un entretien au Monde que « les groupes armés sont présents dans quatorze des seize préfectures », et qu’ils « forment une menace pour la stabilité de l’ensemble du pays ».

Les forces militaires centrafricaines, désarmées après le conflit et formées depuis par l’Union européenne, ne sont pas opérationnelles et surtout, toujours pas armées.
« Il n’y a pas de capitaine dans le navire, résume Thierry Vircoulon. Ce gouvernement fictif n’est pas capable de prendre le problème à bras-le-corps. Il est préoccupé par une rivalité entre le président et le chef de l’Assemblée nationale [Abdou Karim Meckassoua], accusé de comploter. Le milieu politique est autocentré sur Bangui et ignore le reste du pays. »

La Centrafrique est aujourd’hui un pays coupé en deux, où les perspectives d’accalmie sont bien minces. « Il n’y a pas de solution à la crise à court terme tant que le gouvernement restera fictif et que l’ONU sera impuissante », analyse Thierry Vircoulon. Pendant ce temps, près d’une personne sur deux a besoin de l’aide humanitaire pour survivre dans le pays.

Source: France24

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