Entre Senghor et Wade Par Abdou Latif Coulibaly

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Le président de la République a contraint l’Etat à investir 5 milliards de francs Cfa sur son propre terrain pour la construction du village qui accueillera les festivaliers attendus en Décembre à Dakar pour le Fesman. Personne ne pouvait imaginer, à l’annonce de l’organisation de ce festival, qu’un affairisme choquant et honteux était l’une des raisons ayant motivé la décision de l’Etat d’organiser un nouveau festival mondial des arts nègres au Sénégal, 44 ans après la tenue du premier sous l’égide du président Léopold Sédar Senghor. La décision qui a amené Me Wade à ordonner à l’Etat d’injecter 5 milliards pour la mise en valeur terrassement et construction d’une plate-forme totalement viabilisée sur son propre terrain n’est ni juste, ni élégant. C’est un euphémisme que de parler ainsi. Cette décision renseigne parfaitement sur la conception que le chef de l’Etat se fait de son sacerdoce qui, en définitive, n’est qu’une sinécure qui lui sert pour assouvir des intérêts particularistes, familiaux, claniques et partisans qui sont toujours en contradiction avec les aspirations et attentes légitimes des citoyens de ce pays par rapport à l’action de l’autorité politique. Il y a une différence fondamentale entre le président Léopold Sédar Senghor, initiateur du premier Festival mondial des arts nègres, et Abdoulaye Wade qui a l’ambition de lui emboîter le pas, 44 ans après. Une différence que l’un et l’autre ont de leur mission, de leur rapport à l’Etat et au bien public.

En 1964, le président Léopold Sédar Senghor a acquis par ses moyens propres auprès de ressortissants français le terrain qui fait face à l’Assemblée nationale pour y édifier sa maison familiale. Il change d’avis. Pour quelles raisons ? Léopold Sédar Senghor expliquait que le Président ne pourrait pas, sans trahir sa mission et l’esprit républicain, construire son domicile, face à la chambre des représentants du peuple. C’est ainsi qu’il décida de proposer à une représentation diplomatique occidentale d’échanger son terrain situé à Fann-Résidence avec le sien qui est au centre ville. Celle-ci accepte. Le président Senghor perd au change dans la transaction. Pour lui c’était le prix à payer pour respecter certains principes républicains qui lui étaient chers et pour être conforme aux convictions nobles qui l’habitaient. Il faisait ainsi preuve d’une élégance à la mesure de la grandeur de l’homme. En tout état de cause il prendra possession de ses terres pour y bâtir quelques années plus tard sa villa : « Les dents de la mer ». C’est ce même terrain du centre ville que l’ambassade occidentale a acquis des mains de Léopold Sédar Senghor, qui été cédé sur intervention de l’Etat, en particulier Me Wade, à un homme d’affaires pour abriter « la tour de la démocratie ».

En fait il s’agit plutôt d’un grand Centre commercial dont la présence sur ce site nous paraît contraire au sens que les vrais démocrates se font des symboles et marques d’un Etat républicain respectueux de ses valeurs fondamentales. De telles valeurs servent à faire la distinction entre les institutions de l’Etat, les sites qui les abritent et les autres lieux ordinaires, certes indispensables à la vie des citoyens, mais qui leur sont inférieurs, en terme de symboles. Comment peut-on édifier un centre commercial sur un site et dans un immeuble plus majestueux (physiquement parlant) que le siège de l’Assemblée nationale qui lui fait face ? Cet immeuble qui sera construit sur le site peut constituer un danger pour l’institution parlementaire sans compter qu’il n’abritera qu’un vulgaire commerce. Senghor tenait à ce qu’un édifice public soit érigé sur le lieu.

En mettant ainsi en évidence les personnalités des présidents Wade et Senghor, on explique en même temps la différence entre les motivations de l’un qui a organisé le festival de 1966 et de l’autre qui tente laborieusement après plusieurs reports, de faire aboutir son projet en 2010. L’un s’était dévoué à la culture et à la grandeur de celle-ci, tandis que l’autre utilise l’évènement pour réussir des opérations et spéculations foncières de haut vol. La culture sert ainsi de paravent pour assouvir un désir d’enrichissement sans cause. Les investissements réalisés sur le terrain du président de la République pour, soi-disant, accueillir les festivaliers en décembre en sont la parfaite illustration. Il s’agit ici, d’un enrichissement sans cause choquant et révoltant que rien ne peut justifier, ni légitimer. Tout ceci n’est pas surprenant avec le régime installé au Sénégal depuis 2000. Les principaux responsables n’ont jamais considérés l’Etat autrement qu’un instrument au service particulier de ceux qui avaient bénéficié, par la magie du suffrage universel, de la confiance du peuple. Ils ont ainsi érigé un système de « prédatocratie » n’ayant rien à envier à celui de Mobutu. Aujourd’hui, il n’est en rien exagéré de comparer ce qui se passe chez nous, en matière de dilapidation de biens publics, avec ce qui était constaté du temps où le défunt dictateur régnait sans partage sur le Congo-Zaïre.

lagazette.sn

Abdou Latif COULIBALY

1 COMMENTAIRE

  1. je dirai que c’est immoral et innacceptable ce que vient de faire wade encore une fois sur le dos des senegalais, c’est vraiment dommage. Cet individu n’a pas de compation pour la souffrance du peuple, c’est le cadet de ses soucis

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