[Guest-Edito Xalima] Contre l’envoi de soldats Senegalais en Arabie Saoudite Par Adama Gaye, journaliste, spécialiste des relations internationales.

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Il est hasardeux de vouloir analyser, à brûle-pourpoint, la décision prise par le Président du Sénégal, et soumise à l’Assemblée nationale, d’envoyer un contingent de 2100 soldats sénégalais pour voler au secours du Yémen, en jouant un rôle de tampon à sa frontière avec l’Arabie Saoudite, afin de prémunir celle-ci d’une menace terroriste qui proviendrait de son turbulent voisin.

Il n’en demeure pas moins que de nombreuses raisons peuvent pousser a s’en démarquer, des maintenant. Déjà un premier constat s’impose: nos soldats sont envoyés, disent les autorités du pays, pour faire acte de solidarité islamique, au nom des normes internationales (ce qui reste à vérifier), en faveur de l’Arabie Saoudite. Question: au nom du parallélisme des formes, pourquoi, alors que depuis 1982 le Sénégal est confronté à une rébellion intérieure, en Casamance, ne s’est-il pas trouvé un seul soldat Saoudien pour venir nous protéger de la menace sécessionniste armée? Qu’est-ce que, concrètement, aussi bien en termes de médiation internationale ou de soutien financier, ce pays a-t-il fait pour nous sortir de cet irrédentisme? Peu, ou rien, disons-le!

L’envoi de nos soldats sur ce terrain particulièrement dangereux, volatile, est par ailleurs de ce type d’équipée qu’on engage, la fleur au fusil, sans jamais savoir ce qu’en seront les conséquences. Alors que notre pays peine à résoudre ses propres urgences, que l’armée a tant à faire pour assumer son rôle dans le génie militaire et à sécuriser le territoire national plus que jamais exposé aux multiples défis transnationaux, dont la menace terroriste régionale et les pandémies émergentes ne sont que des exemples parmi d’autres, comment peut-on se lancer dans une aventure aux antipodes? Je ne trouve aucune explication rationnelle pour justifier ce plongeon, tête basse, dans ce qui est un bourbier, dans ce Moyen-Orient compliqué, selon le célèbre mot du Général De Gaulle. Commencer une guerre peut être facile mais en connaitre les conséquences est plutôt un exercice qui relève de la quadrature du cercle. Pourquoi un engagement aussi précipité? Pourquoi devrions-nous être les preux sauveteurs et autres gardiens des lieux Saints de l’Islam? Pourquoi, si nous nous sentons la mission de redresser les torts dans les conflits ou sévissent les terroristes, ne sommes nous pas au Nord du Nigeria et en Somalie, pays plus proches du notre, ou l’islam est malmené par des hordes terroristes, afin de combattre ces versions tropicales de la bête immonde capable de déployer plus facilement ses tentacules, à partir de là-bas, chez nous?

Les explications données pour justifier cette participation à la guerre me laissent sur ma faim. Surtout que nos soldats, qui ont eu à ce jour toutes les peines du monde à contenir une petite rébellion locale, vont devoir ferrailler dans un conflit aux confins particulièrement flous et divers impliquant aussi bien la géopolitique, le fondamentalisme religieux, les menées terroristes, les divisions ethniques ou encore les rivalités autour des ressources naturelles qui dépassent de loin le cadre du petit Yémen, et même celui de l’Arabie Saoudite qui invite notre pays dans cette pétaudière. Comment ne pas faire appel à l’histoire pour mesurer la gravité de la décision prise sans qu’elle soit débattue publiquement en dehors d’une séance d’explications à l’Assemblée nationale, presque à la hussarde, hier. N’oublions pas comment l’Armée Rouge Soviétique alors au faite de son pouvoir s’était enlisée en Afghanistan ou son entrée le 27 décembre 1979 pour y installer au pouvoir Babrak Karmal, l’homme-lige du Parti communiste Soviétique dans sa splendeur, s’était soldée par une déculottée des soldats soviétiques, ce qui fut le prélude au déclin de l’Empire éponyme. N’oublions pas non plus qu’en 2001 après les attentats du 11 septembre George Bush Junior n’avait pas mesuré les dangers de son intervention dans le même pays. Quelques années plus tard, l’Amérique s’est retrouvée sur-endettée, son armée contrainte de dialoguer avec les Talibans qu’elle croyait pouvoir défaire aisément et, désormais, se voit obligée, queue basse, de quitter l’Afghanistan, elle aussi ! Qui peut aussi oublier le retrait peu glorieux des Marines américains du Liban au début des années 1980, conséquence des attaques terroristes dont ils furent l’objet sur place, lesquelles forcèrent l’Administration Reagan, têtue et vantarde, a lever le drapeau blanc sans demander ses restes?

C’est dire que l’intervention du Sénégal dans ce conflit Moyen-Oriental est dangereux, problématique et risque de mettre notre pays dans l’œil du cyclone. A-t-on pris le temps de la réflexion? Mesure-t-on l’image de mercenaires qui pourrait coller à notre armée? Les armées d’occupation ou d’intrusion ont rarement connu la réussite. Pire, demain, qui va faire face aux menaces des terroristes de cette région qui nous ont, à ce jour, épargnés, si jamais ils se hasardaient à nous cibler? Que tirons-nous de cette intervention? Au plus, si ça se confirme, nous en récolterions des pétrodollars. Encore qu’il n’est pas impossible, cependant, que nous nous retrouvions, à nouveau, black-boulés, par ces madrés Saoudiens. Surtout que le contexte s’y prête: à la lumière de la baisse vertigineuse des cours du pétrole, l’Arabie Saoudite, déjà légendaire pour son avarice, compte ses sous désormais. Nul ne devrait être étonné si elle nous laissait sur les carreaux après s’être servie de nous. Elle pourrait une fois de plus profiter de notre naïveté pour nous rouler dans la farine d’un discours islamique qui n’est brandi que lorsque cela lui sert. Qui a oublié à quel point les pays arabes avaient été chiches au lendemain du boycott d’Israël, après la Guerre du Kippour, en 1973, quand les pays africains, solidaires, ne purent rien tirer, ou presque, de leurs ‘frères’ arabes? Qui n’a pas aussi en mémoire l’absence de générosité Saoudienne après la mort d’une centaine de nos soldats dans la première Guerre du Golfe quand certains d’entre eux furent tués dans un  »accident » d’avion que pour ma part je considère plutôt comme la conséquence d’un feu ami?

Je suis contre cette participation de notre pays à la guerre qui se passe au Yémen. Nous n’avons rien à y faire. Même si l’Arabie Saoudite devait financer tout le Programme Sénégal Émergent (PSE), au nom de notre dignité, nous ne devrions pas céder à cette sirène qui fleure bon la corruption à mille lieues. On pourra aussi douter de la légitimité de cette guerre. Dire qu’il s’agit d’une coalition internationale alors que seuls quelques pays (8 pays arabes Sunnis en guerre contre la montee de l’Islam Chiite) y prennent part frise le ridicule. Singleton africain du lot, nous retrouvant ainsi dans un groupe de pays qui tente de s’opposer aux prétentions iraniennes, sans validation de l’Union africaine, nous nous retrouvons donc dans une coalition non benie par l’Onu ni par le droit international. Or ce type de coalitions dites des volontaires (coalitions of the willing), comme celles montées en 1990 par James Baker pour la première guerre du Golfe puis en 2003 par l’Administration Bush Junior, sont un forcing pour contourner le consensus international qui est la bonne pratique à l’Organisation des Nations Unies. Et puis le principe d’une guerre dite juste est-il bien en place dans ce conflit ou serions nous simplement en face d’une situation où une monarchie en place depuis les années 1930, ayant perdu le parapluie sécuritaire d’une Amérique désormais proche de l’indépendance énergétique et non plus tenue par la promesse de Franklin Roosevelt au Roi Abdel Aziz, à son retour de Yalta, tente de limiter la casse. Voyant son trône vaciller elle en est réduite, moyennant rétribution financière et se servant de la caution des Lieux Saints de l’Islam, a attirer dans son jeu des pays, comme le Sénégal, plombés par leurs propres difficultés financières?

Nous voici piégés et l’heure est donc grave. La situation n’est pas sans rappeler celle que le monde entier a connue en 2003. A l’époque des foules entières en Grande Bretagne, aux Usa, par dizaines de millions, s’étaient levées pour dire leur opposition à la Guerre qui se préparait contre Saddam Hussein, dans le but de réaliser un changement de régime en Irak, malgré l’absence de preuves tangibles dans la recherche d’armes de destruction massives en possession du défunt dictateur Irakien. Comme alors, dans le cas de la décision d’envoyer des soldats senegalais en Arabie Saoudite, il importe que les Sénégalais, qui ne se sentent pas concernés ou qui rejettent le principe de cette guerre, se lèvent, dans une sorte d’union sacrée, pour dire NON.

L’envoi des soldats Sénégalais ne se fait pas en mon nom. #PasEnMonNom. Ce fut le même cri des ralliement des foules opposées à la guerre que George Bush Junior et l’ancien Premier Ministre Britannique Tony Blair allaient déclencher le 20 mars 2003. Ce cri doit être repris par quiconque, ici, se sent mal à l’aise avec cette décision prise par le Président du Sénégal. Se taire, c’est se rendre complice de ce qui demain pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour notre pays !

Il n’est pas tard, je l’espère, de s’arrêter, de tuer dans l’œuf ce projet. Sa mise à exécution serait gravissime.
*Adama Gaye, journaliste, spécialiste des relations internationales…
[email protected]
Photo: montage xalima

15 Commentaires

  1. Donc Mr le Président il faut pas forcé NON c’est NON et d’autant plus vous êtes notre employé. Élu par nous 65% et on vous a confié uniquement la direction et présider ne vaut dire faites ce que vous voulez. Mr le président le peuple est souverain donc faites UN TRES GRAND RECUL. Ce que le peuple ne veut pas (ne doit pas discutable) mon petit frère Macky et revient sur terre le dernier mot revient toujours du peuple.

    • Les soldats sénégalais ne prendront pas part aux combats sur le sol yéménite, mais constitueront une base arrière chargée de participer à la défense du territoire saoudien en cas d‘incursion de forces hostiles. C’est dire que l’engagement des «diambars» serait assez bien calculé pour leur éviter d’être exposés et surtout de limiter les risques d’éventuelles pertes. Pour autant, le risque zéro n’existe pas dans un conflit du genre, surtout dans une région en proie à des tensions militaires exacerbées par l’intervention du royaume wahhabite pour sauver un régime yéménite qui constituerait le dernier verrou contre une emprise de groupes armés soutenus par l’Iran, dont les visées sur les lieux saints de l’islam sont un secret de polichinelle.

      L’objectif final de la croisade engagée par l’Iran n’est pas le Yémen encore moins sa capitale Sanaa, mais plutôt l’Arabie Saoudite. Le nouveau roi saoudien Salman ne s’y trompe pas et appelle tous ses amis à joindre leurs efforts dans la lutte contre les «Houtis» qui pourraient, en cas de victoire et de mainmise dans la péninsule arabique, faire une jonction avec les redoutables islamistes de «Daesh» qui cherchent à installer un Emirat terroriste aux visées et aux méthodes des plus rétrogrades dans une zone dont les frontières vont au delà de la Syrie et de l’Irak.

    • Ne soyons pas des poltron on encaisse tout ceux qui est aumône et zakate, on reçoit les moutons à bras ouvert et quand on nous demande de l’aide on dit niet. non l’hypocrisie quand tu nous tiens.

  2. J’ai une question à poser : est ce que le Senegal est ennemi avec le pays Yémen . pourquoi le Senegal n’a pas opté être un stabilisateur que plutôt un Alié d’Arabie Soudite . Je vie a New York et j’ai toujours été bien traité par mes frères du Yémen ici et Aujourd’hui ils sont au courant de l’envoie de soldats sénégalais dans leur pays pour lutter à côté de l’Arabie Saoudite. La vie d’un seul sénégalais est 1000 fois plus importante que tout le projet PSE réuni . Le Présent Macky a vendu nos frères soldats rien que pour se faire réélire et transforme nos Jambar en mercenaires . J’ai honte . Le ministre des affaires étrangères n’a pas de choix . Sikim késséla si vous aimez vraiment votre pays ne penser pas à vos postes rappeller au président qu’il n’est pas plus intelligent au Senegal et dites lui la vérité mais vous niez toujours les erreurs du Président et c’est loyal et digne

  3. Nous espérons que le Président Macky SALL, fera preuve de lucidité et de clairvoyance pour ne pas s’engager militairement dans cette aventure très lourde de menaces, et de surcroit juridiquement et islamiquement inacceptable. Et de rappeler que le contexte actuel est fondamentalement différent de celui de la première guerre du Golfe où la coalition anti-irakienne, sous le commandement américain, avait la noble mission onusienne de libérer le Koweit envahi par Sadam Hussein. Actuellement, il s’agit d’une invasion du Yémen par l’Arabie Saoudite et ses alliés, dans une logique de ‘’guerre préventive’’. Et qui soutient un envahisseur est comme tel et s’expose au mêmes conséquences incalculables. Que Dieu nous en préserve !!!
    https://docs.google.com/document/d/19YppJZ52lqCaALXpykJyBO5qbVaGsUFyzge2-2SUiLM/edit?usp=sharing

  4. Non Mr le Président ! Non à l’importation de terroristes au Sénégal en échange de dollars promis pour financer un plan foireux .Non Mr le Président pas de Plan Saoudien pour Exterminer nos soldats(PSE).

  5. je suis désolé! le Sénégal est un pays respecté et doit assumer ses responsabilité!!!
    le danger est partout m^me si on ne va pas au Yémen! donc aider un pays « ami » pour en retour doper notre économie est un débat qui ne devrait pas être tranché à la hate

  6. Tu ne maîtrise rien tu ne fait que mentir pour manipuler l’opinion publique mais se sera peine perdu car nous sénégalais nous avons confiance en notre cher président de la république.Vive le président sall vive le Sénégal

  7. Les froussards ont ceci de commun qu’ils preferent bander leurs myocites au lieu d’aller au front des braves hommes. Ils preferent le confort des mots au chgamp de bataille. C’;est pourquoi ils nous rendraient un grand silence en observant LE SILENCE.

  8. La question est plus compliquée et plus complexe que ce qu’en disent les soit disant experts.
    Il est mal posé par beaucoup car l’Arabie n’est pas en guerre contre le Yémen mais y mène des opérations contre les Houtis qui occupent irrégulièrement le pouvoir là-bas. Cette guerre est plutôt stratégique et la participation de notre armée au coté de l’A S n’est pas à comparer, toute proportion gardée, à celle de l’invention américaine en Irak en 2003, ni dans ses fondements ni dans ses finalités…
    Sans défendre le choix du Pr Sall, je suis fondé à croire qu’il possède des info que personne d’autre n’a sur cette question. Et nous lui avons donné confiance à 65°/ de mener la politique étrangère de notre pays. Par conséquent je préfère lui accorder, par honnêteté intellectuelle, le bénéfice du doute. Mais c’est bien de mener ce débat contradictoire pour alerter nos dirigeants sur l’impérieuse nécessité de murir leurs décisions.
    Wa Salam

    • Le president Sall est a l’image de ceux qui l’ont elu. Comment peut on etre un pays pauvre et elire un president qui en 8 ans s’est enrichi comme pas possible sur son dos.

      Le president Sall n’a pas l’intelligence que tu lui pretes pour apprehender ces enjeux strategiques. Il nous mettra dans la boue, puis profitera tranquillement de sa retraite post presidentielle alors que les enfants de badolos trinquent.

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