Hélène Tine: chemin de croix

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Politicienne, consultante, mère, épouse, Hélène Tine a réussi à tout concilier. Comment fait-elle ? Élément de réponse dans cette trajectoire singulière de la petite vendeuse de mangues à 7 ans et Secrétaire nationale chargée de la communication de l’Alliance des forces du progrès (Afp) avec une cinquantaine sonnée.

Hélène Marie Dione comme son nom l’indique, est une femme catholique aux racines sérères None. La cinquantaine sonnée, elle est l’épouse d’un fonctionnaire, mère de quatre enfants et fille de parents cultivateurs. A l’âge de 7 ans et demi, elle quitte son Poniénne natal (Région de Thiès), parcourt les marchés de Thiès, un bol de mangues sur la tête, lançant fièrement « li lépe deureum ». Rien là-dedans ne la prédisposait à devenir l’une des femmes politiques les plus farouches adversaires du président Wade. Elle dit : « ce sont les seuls mots Wolof que je connaissais à cet âge-là ». Etonnement, donc, mais à bien considérer cette trajectoire singulière, on finit par y distinguer quelques points d’inflexion qui n’expliquent rien mais donnent un mouvement : son enfance, son éducation, son engagement politique.

Son enfance

Commençons par son enfance à Ponniéne. Hélène y passe les 7 premières années de sa vie. Le village est ceinturé par des vergers de mangues, unique source de revenus pour les femmes désœuvrées de la localité. Le quotidien d’Hélène se passe à aller chercher de l’eau à la seule borne fontaine qui rationne tout le patelin, couper du bois pour le déjeuner, piler le mil, cueillir les mangues pour les revendre l’après-midi au marché. La nuit, elle se regroupe avec ses quatre sœurs autour des crépitements des braises d’où mijote le repas du soir. Ce sont là les ferments d’une jeunesse campagnarde. Fondements d’une fille rurale. Où les filles ne devaient en aucun cas aller à l’école. Elle se rappelle : « mon père était un féodal, il disait que l’école ne sert à rien pour les filles puisqu’elles sont appelées à se marier. Par conséquent dans ma famille on ne scolarisait que les garçons. » Au village, le vent souffle sans obstacle, tandis qu’à l’horizon, les cultivateurs dont sont père, attendent les premières pluies, sous un ciel gris. C’est dans cette atmosphère que le destin de la petite Hélène va changer à jamais. Elle sera confiée à son oncle maternel. Elle quitte le village pour Kaolack, et dans la foulée elle sera inscrite à l’école publique de Médina Baye. A l’âge où ses paires fréquentent le Ce2, Hélène fricote avec l’alphabet : « je suis arrivée en pleine année scolaire à l’école, j’avais plus de 9 ans. Il a fallu que ma tante négocie pour que l’on m’accepte en classe de CI ».

On ne sait pas si c’est par pragmatisme, ou parce qu’elle est sans pied à terre que, pour parler de tout ça, elle a choisi de se déplacer pour venir à la rédaction. Hélène vit à Thiès mais fait le déplacement dans la capitale si besoin en est. Elle tutoie ses interlocuteurs automatiquement et ne formalise pas qu’on n’ait pas l’habitude de faire pareil ou pas. Elle traine son mètre 85 et ses 90 kg sur le tapis marron qui contraste avec sa tenue traditionnelle couleur bleue jaune. Elle se soucie de son paraître. S’excuse, va se refaire une beauté, ressort quelques minutes avec le même mouchoir de tête. Hélène Tine a l’élégance classique, affiche un large sourire et ironise : « si je savais que j’allais être photographiée, je n’allais pas mettre les couleurs du Parti démocratique sénégalais ». Ça commence bien ! Quand on l’a rencontrée ainsi, on est épaté.

Son éducation

C’est l’histoire d’une famille et d’une ethnie marquée jusqu’à l’excès par les liens de sang et la lignée maternelle. Hélène explique que chez les sérères none l’oncle est plus important que le père. Ce qui noue ici peu à peu le particulier au collectif, l’individu à sa communauté. Hélène a désormais 9 ans. Une fille renfermée sur elle-même et très timide, valse au gré des déménagements de son oncle. Médina Baye, puis Hlm Bongré. Elle change également d’établissement et fera trois écoles dans le seul cycle primaire. Elle se rappelle. « J’ai fait l’école de Kassaville puis de Kasnack. Jai fait deux ans dans chaque école pour le primaire. » Dans la demeure de Bongré, sa tante était la vigie de la maisonnée, et qui éleva Hélène plus que son oncle. Stricte à l’ extrême, la jeune fille n’avait droit à aucune coquetterie. Pas de petit copain, pas de sortie, un vrai confessionnal. Elle se souvient : « même les vernis à ongle m’étaient interdits. » Hélène grandit dans cette univers d’acier qui, dit-elle va lui forger le moral. Le collège Pie XII prendra le relais, et l’adolescente y fera ses humanités jusqu’à l’obtention du Bfem. Faute de cycle secondaire et soucieux que sa nièce poursuit ses études dans l’enseignement privé catholique, l’enfant prodigue, l’ancienne villageoise en exil depuis 10 ans, remet les pieds pour la première fois dans son coin paumé de Ponnienne, et se retrouve pour un an dans le collège Saint Gabriel. C’était en 1976.

Il y a soudain du temps, et du calme. La jeune fille n’a pas réussi à se réadapter. Elle explique : « je suis retournée à Kaolack, j’ai eu des problèmes d’adaptation qui ont impacté sur ma scolarité et je n’ai pu le supporter car j’avais l’habitude d’avoir de bonnes notes. » Ce retour au pays natal ne sera pas que négative pour la jeune fille de 18 ans, car elle y rencontrera un étudiant à l’Ecole normale supérieure, futur père de ses quatre enfants, et se marieront en 1977. Le mariage sera consommé à distance. Hélène poursuit ses études au lycée Valdiodio Ndiaye et y obtiendra le Bac. Le ménage : études, maternité, et mariage reste confus pour son père. Elle se rappelle encore de ses remontrances à ce sujet : l’anecdote : « un jour papa m’a dit mais toi, tu as un mari et un bébé qu’est-ce que tu fais encore à l’école ? » Ce souvenir fait naître une crêpe de tendresse chez elle. On dirait une solide peluche mélancolique, à la voix grave, endormie dans un nuage que crève le silence des mots. Une fois éveillée, elle rigole un bon coup et poursuit : « quand je lui ai dit que j’ai eu mon bac et que j’allais à l’université, papa a dit, encore plus étonné que la première fois. « Mais elle va finir par faire l’école en même temps que ses enfants ! » Son père a raison, Hélène fera ses deux ans à l’Ebad (Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar) pour y suivre une formation de documentaliste en même tant que ses maternités.

1980 : Hélène obtient son premier travail à la Bibliothèque universitaire plus exactement le premier septembre. Le 22 septembre de la même année son père décède, avant qu’Hélène ne lui fasse part de sa première paie. Lui, qui ne croyait pas qu’une fille peut réussir dans les études. Ceci reste le regret de sa vie, et Hélène n’en revient toujours pas. Elle n’en parle pas pour se consoler, mais parce qu’il est impossible d’ajouter l’oubli, cette chose informe, à l’absence de consolation : « C’est l’un des événements les plus tristes de ma vie. Je voulais qu’il soit là, mais le destin en a décidé autrement. » Une chronologie subtile, faite de bonds en avant et de retours en arrière, de regrets…qui fugue et qui tourne comme un cœur cloué sur l’axe d’une double douleur.

1990 : elle quitte la Bibliothèque universitaire pour la coopération canadienne. Elle fait des concours à l’interne, en gestion des projets et en 1996, elle devient conseillère sur tout ce qui touche le développement social, et la thématique transversale sur l’égalité des sexes. En 2002, elle démissionne de l’agence pour être indépendante ; elle explique : « mon engagement politique était tellement visible que je ne voulais pas gêner la coopération canadienne. Car quand j’arrivais dans les ministères on me regardait de travers. J’ai décidé d’être consultante pour le programme. C’était une décision très dure à prendre, mais je l’ai faite. J’ai fait trop de sacrifice pour continuer le combat politique. »

Son engagement politique

Ponienne constitue une ceinture autour de la ville de Thiès, elle explique que c’est une stratégie de ses ancêtres afin de lutter contre toutes sortes d’invasion. Lors d’une cérémonie de décès, Hélène arrive sous une pluie battante avec son époux, elle passe la nuit dans la voiture faute d’accès, car des ravins avaient entouré le village. Elle dit : « je me suis dite mais s’il y avait un malade que feraient les gens pour l’évacuer à l’Hôpital ? » Cette anecdote est le déclic de son engagement en politique en 1999, auprès de l’Alliance des forces de progrès (Afp) quand Moustapha Niass a « choisi l’espoir » le 16 juin 1999. Elle se souvient : « j’ai entendu l’appel de Moustapha Niass au moment même où je me questionnais sur les préoccupations de mon terroir. Je me suis retrouvée dans son appel du 16 juin ». Elle intègre l’Alliance des cadres de l’Afp, et le bureau politique. Se sentant à l’étroit dans ce milieu macho, Hélène descend à la base et fait de la politique pure et dure. C’est-à-dire le sort des gens d’en bas, ceux qu’elle croise à longueur de journée et surtout ceux de sa communauté. En 2003, elle est responsable communale mixte de l’Afp à Thiès.

Hélène déconcerte par sa naïve et sincérité. « Je me sens toujours du côté de celui qui souffre, je suis sincère, et pas hypocrite. Je dis toujours ce que je pense », dit-elle. On se permet de sourire, elle se braque. « Je suis intransigeante quand il s’agit de dire la vérité, quoi que cela me coûte. » Elle passe responsable régionale de Thiès après le décès de Abdou Mané. Aujourd’hui, elle est secrétaire nationale chargée de la communication de son parti. En 2009, elle est la candidate de Benno pour le conseil régional de Thiès, elle sera battue lors des municipales par Idrissa Camara, un poulain d’Idrissa Seck. La rancœur des multiples remaniements de Wade est d’autant plus vive qu’Hélène considère qu’elle utilise les femmes à des fins électoralistes. Elle pense que la dernière en date est l’insulte extrême pour ses paires car il a dépecé le ministère de la famille en mille morceaux qu’elles se sont partagées.

Sous ses airs de « pank », Hélène est une vraie fleur bleue au foyer. Elle dit : « je m’occupe bien de mon homme. J’aime les thiouraye et tout ce qui va avec. » Connue pour son sens de la répartie, Elle sait aussi travailler. Exigeante envers elle-même et envers les siens, elle peut, paraît-il, se mettre très en colère. Soucieux de canaliser une énergie à remporter des victoires, surtout pour 2012, elle a longtemps pratiqué le yoga. Avec une cote de popularité à faire pâlir le moindre homme ou femme politique, ses yeux pétillent et sa voix se voile quand elle évoque la scène…La grande scène de 2012. A suivre.

Aïssatou LAYE, lagazette.sn

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