Hydrocarbures : Sachons raison garder ! (Par Abdou Latif Coulibaly)

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Soyons prudents et méfions nous des hydrocarbures. Une fois mises en évidence dans un pays et positionnées en phase  d’exploitation, de telles ressources sont par nature hautement inflammables au figuré comme au propre. J’y crois encore davantage, en apprenant ce vendredi 16 août 2019, qu’un tribunal londonien a jugé légitime la demande de saisie d’une entreprise britannique contre le Nigeria, suite à une affaire d’abandon de contrat de fourniture de gaz. J’ai eu des sueurs froides en apprenant cette information devenue virale sur tous les réseaux sociaux, en me disant c’est la catastrophe pour un pays déjà traversé, depuis fort longtemps, par une sérieuse crise économique qui n’épargne nullement les populations de ce géant de notre sous-région. On pense naturellement aux risques nombreux qui se dressent sur le chemin de tous les pays économiquement fragiles, qui comme le nôtre, disposent dans leur sous sol, dans leurs eaux territoriales de cette ressource qui peut leur valoir tant de bien, ou leur causer parfois beaucoup de mal. Regardons les faits dont il s’agit pour mieux comprendre notre préoccupation.

L’affaire débute en 2010, quand Process and Industrial Developments Ltd (P&ID), une entreprise basée dans le paradis fiscal des îles Vierges britanniques, signe un accord avec le Nigeria pour construire une usine de traitement de gaz à Calabar, une ville du littoral proche de la frontière camerounaise. Les médias internationaux renseignent par ailleurs que : « L’accord prévoyait notamment que les autorités nigérianes fournissent du gaz à P&ID. Mais ces dernières n’ont pas respecté engagements et l’entreprise, dont le projet a dû être abandonné, porte plainte devant un tribunal arbitral. En 2013, il ordonne à Abuja de verser à l’entreprise 6,6 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros). Soit une estimation de ce qu’elle aurait gagné pendant les 20 ans de l’accord. Le Nigeria tente alors d’annuler le jugement en assurant qu’il n’était pas soumis à l’arbitrage international, et estime que c’est à la justice britannique de se prononcer». Le contentieux ainsi ouvert a connu son épilogue qui sonne comme un drame économique absolu pour le Nigéria, car le tribunal de Londres : « a finalement validé vendredi 16 août la demande de saisie et les 6,6 milliards dollars (5,9 milliards d’euros) se sont même transformés en 9 milliards dollars (8,1 milliards d’euros), avec l’ajout d’intérêts générés depuis 2013 ». Un ordre de grandeur des montants en cause a été établi par les experts qui estiment que ceux-ci équivalent aujourd’hui à 20% des réserves de change du pays. Les avocats de l’entreprise ne tarderont pas à forcer le paiement de cette somme astronomique en procédant à des saisies tous azimuts sur tout ce que le Nigéria a comme patrimoine à travers le monde. Qu’elle lancerait la procédure de saisie aussi vite que possible. Tout ceci me fait penser au Sénégal et suscite en moi de sérieuses inquiétudes quand me reviennent en mémoire les termes du débat que certains ont engagé autour de la découverte des hydrocarbures chez nous. Il y a de quoi s’inquiéter quand on observe la désinvolture avec laquelle certains parlent de nos contrats pétroliers et gaziers. Je voudrais d’abord souligner avec beaucoup de force l’idée qu’un contentieux porté devant les tribunaux arbitraux à moins qu’on y soit vraiment contraint est à éviter à tout prix, car il y va de l’intérêt de ce pays. C’est sans aucun doute cet esprit d’ouverture d’apaisement, de sagesse, j’allais dire, qui a conduit le législateur sénégalais, en adoptant le nouveau Code pétrolier du 24 janvier 2019, à prévoir dans le nouveau dispositif législatif, un mécanisme de règlement des différends nés de l’exécution de tels contrats, à privilégier une procédure qui rassure, pour éviter à notre pays des conséquences comme celles attachées au cas du Nigéria. Ainsi, en cas de différend, le nouveau Code prévoit que ce sont les juridictions nationales qui exercent leur compétence.  Il en sera ainsi seulement à l’aboutissement d’opérations de médiation, de conciliations et de bons offices qui auront été conduites sans succès. A la suite de quoi, un arbitrage international peut être ouvert. Je crois que cette forme de sagesse marque une prudence raisonnable dans un domaine où tout peut très vite devenir aléatoire.

C’est cette prudence qui, nous semble-il, manque dans le débat national. Depuis qu’il a été ouvert, il focalise l’attention de l’opinion publique sur la gestion de nos ressources pétrolières et gazières. Sous ce rapport, j’ai parfois eu le sentiment, en écoutant certains intervenants qui s’y prennent avec beaucoup de passion – à la hauteur de leur ignorance-, par rapport à une question difficile, du fait de la complexité de la substance et de la réalité économique et géopolitique qu’elle recouvre.

Aussi, des débatteurs se montrent-ils assez imprudents, voire dangereux dans la manière de construire un argumentaire, en avançant des énormités et en distillant  des contrevérités susceptibles d’induire beaucoup de citoyens en erreur dans leur façon d’appréhender et de comprendre toute la problématique des récentes découvertes d’hydrocarbures au Sénégal.

J’avoue que les contrevérités et approximations lancées à la hussarde sur les ondes et dans les colonnes de journaux, brouillent les esprits et prédisent un avenir plus que sombre pour le pays, dans sa volonté de procéder très rapidement, mais avec lucidité, à l’exploitation de ces nouvelles ressources. Cela nous paraît inquiétant, quand ce sont des hommes et femmes de haut rang dans l’espace public, de quelque bord qu’ils se situent, au-delà des lignes de fracture politique, qui en sont les auteurs. Aussi, ai-je toujours également pensé que, ceux qui, parmi nous, se montrent lucides et avertis, en appelant à la raison et à la prudence, n’ont pas tort. Loin s’en faut d’ailleurs ! Nous avons entendu dans le débat public, un homme politique non des moindres classé, troisième lors de la dernière élection présidentielle, en l’occurrence Ousmane Sonko qui, partant de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler l’affaire Petrotim, semblait soutenir, dans un premier temps, l’idée qu’une fois élu président de la République, il dénoncerait les contrats  pétroliers.

Ayant compris, pour dire le moins, l’imprudence extrême de sa position, il a tenté de rassurer, en avançant une autre idée moins radicale. Ce changement me semblait logique, car ce dernier après avoir demandé et obtenu, avec d’autres ténors de l’opposition, la publication par le gouvernement de tous ces contrats pétroliers, soutient maintenant qu’il va renégocier tous les contrats signés. Il a le droit d’en faire l’offre aux partenaires. Comme ces derniers ont le droit de ne pas donner suite à son offre. En tous les cas, tout le monde tremble à l’idée de penser qu’un homme politique sénégalais disposant de pouvoirs à cet effet, puisse en arriver un jour, par vanité ou pour tout autre motif très contestable en droit, à porter atteinte à la sécurité de nos relations contractuelles avec les partenaires intervenant dans la mise en valeur de nos ressources du pétrole et du gaz. Quelque part, l’instabilité des positions de cet homme politique ainsi que celles de tous ceux comme lui ont fait dans l’extrême, en vitupérant avec véhémence  les contrats pétroliers, traduit de leur part un certain  amateurisme, pour ne pas dire une ignorance absolue par rapport à la chose défendue. Tous ceux-là s’y sont souvent pris en portant en bandoulière une idée étroite et biaisée du patriotisme. C’est le comble pour celui qui a le « courage » de nommer son parti par un nom éponyme. Il ne suffit pas de se déclarer patriote pour pouvoir l’incarner et assumer ce statut.

J’ai tenu à parler dans cette tribune de ce qui arrive au Nigéria pour mettre en évidence l’ide que nous devons débattre en toute liberté du pétrole et du gaz, mais gardons toujours à l’esprit la délicatesse de cette problématique et de la nécessité de savoir raison garder, face à une question très importante mais oh combien délicate à cerner.

Sachons raison garder. Ayons de la mesure pour aborder dans des termes utiles et éclairants pour les citoyens et pertinents pour favoriser une exploitation optimale des hydrocarbures pour que  leur exploitation soit bénéfique pour l’ensemble du pays. L’État a la responsabilité de les gérer, mais les citoyens doivent être informés sur cette gestion, à travers l’exercice effectif d’une démocratie pleine permettant de mettre au cœur de l’action des autorités la touche citoyenne. La sève nourricière de la démocratie est et restera toujours la contradiction porteuse de progrès.

14 Commentaires

  1. Votre mise en garde serait beaucoup p’us Pertinente si elle état destinée aux prédateurs de nos resources, mais pas contre ceux qui veulent et se battent pour la préservation et la gérance dans les normes de nos richesses . Parlez à. Eux qui on bradé notre or, notre gaz et pétrole.
    Rien ne s’oppose à une révision des contrats, si toutefois ils ne sont pas en faveur du Sénégal .
    Fermez votre gueule et vous n’avez plus droit à la parole. Vous êtes un traître Latif . Vous avez troqué vos intérêts personnels au détriment d’un peuple, lequel vous prétendiez défendre hier

    • au delà des insultes et des incivilités, revenons sur ce que nous a valu la dénonciation du contrat avec hydro québec, en 2000, je crois ! et celle plus récente avec kumba ressources voire avec cet industriel indien du fer d’arcelor mittal ! des milliards remboursés après d’âpres négociations ! les majors du pétrole ne sont pas des enfants de chœur ni des philanthropes ! j’espère que notre pays tirera le plus grand gain des retombées du pétrole, pour nos concitoyens les plus démunis ! que Dieu nous préserve des oiseaux de mauvais augure ! on peut argumenter sans verser dans la vulgarité, n’est ce pas Madère qui arbore une belle barbe poivre et sel, si je ne m’abuse v

      • toutes mes excuses M. Faal, je vous ai confondu avec cet autre pourfendeur du régime en place, je crois qu’il est de Kaolack celui-là ! avouez tout de même que vous me paraissez être une personne respectable !!! alors, usons plutôt de « la force des arguments » plutôt que de l’argument des invectives et de la force, pour ne pas dire plus ! après tout, nous souhaitons tous et nous prions pour le bien-être du Sénégal !

  2. Oui ce grand intellectuel malhonnête comme les appelait Marx ,nous dit en d’autres termes fermer vos gueules et laisser vous spolier par les bandits !

      • quels arguments a t il developper cette grande dame de compagnie ?
        Depuis quand on parle du scandale Aliou Sall Frank Timis il n’a jamais ouvert sa gueule pour dire quoi que ce soit
        Aujourd’hui il a suffit qu’un tribunal londonien ordonne la saisie d’une compagnie quia fait faillite ou mise en faillite depuis 2014 par les autorités nigériannes pour qu’il se dit voila l’occasion pour renouveller mon allégance au roi et à sa cour
        Latif Coulibaly est dusqualifié pour donner des conseils dans ce pays c’est un hypocrite

    • « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude « dit-on en droit.Quand on négocie un contrat en ne mettant pas en avant l’intérêt de la nation, celle-ci en paye les conséquences de cette turpitude.En fait Latif a des sueurs froides car il vient de se rendre compte de la grosse bêtise commise par ses patrons (macky,aliou et ngouille ndiaye) en signant un contrat d’une telle nature à Frank Timis alors que rien ne le justifie:ni les capacités techniques,ni la capacité financière en flagrante violation de la loi juste parce que le frère du prince y trouve son compte .Quand on fait des erreurs on assume le moment venu;et un jour viendra…Car le président a signé en connaissance de cause de par ses études,sa profession (ingénieur puis directeur à Petrosen), et conseiller en hydrocarbures du président Wade.Pourquoi depuis le début du scandale dit des hydrocarbures Latif n’a pas enquêté en tant que journaliste d’investigation pour nous éclairer sur les responsabilités ou non des uns et des autres? Ça ne sert à rien d’empêcher les gens d’en parler car là n’est pas le problème;le problème au Sénégal c’est d’avoir octroyé ces contrats à un aventurier spéculateur.

  3. Vous voulez qu’on lui oppose des arguements ?? mais il n’a rien dit à part :
    1 – le Nigéria a été sanctionné sèverement suite à un différent avec une entreprise minière
    2 – Le présdient Macky SALL a eu raison de fuir les conflits avec les entreprises minières et pétrolières
    3 – Ceux qui ciritique le président sur ce dossier sont des imprduents, des nullards etc.

    Donc à part des affirmations gratuites, q’uest ce qu’il a dit ??????

  4. lol il fait du Boune Dione là: fermez vos gueule, le pétrole et complexe. et voilà qu’on les attrape la main dans le sac et hop appelle à témoin ….mdrr.
    je me demande est ce qu’il sont normal mentalement?

  5. Comme si renegocier un contrat petrolier est un scandale. Le titre me faisait penser aux risques de destabilisation comme moyens d’acquisition et d’accaparement. Mais rien de tout cela. Combien de pays remis en cause leur contrat petroliers sans dommages. les relations contractuelles du domaine pétrolier ont évolué selon trois grandes phases : la première, l’époque des concessions, va de 1870 à 1945 ; la seconde
    couvre les années 1945 à 1986 et correspond à une phase d’évolution heurtée du rapport de
    forces opposant firmes pétrolières internationales et états pétroliers ; la troisième période
    enfin commence en 1986, avec l’apparition d’un véritable marché pétrolier international,
    d’une concurrence plus intense marquée par une influence plus forte de la conjoncture sur la
    répartition des risques et rémunérations. Au fil de toute cette évolution, le partage de la rente
    pétrolière est devenu progressivement plus favorable aux états pétroliers. Les transformations
    en cours portent sur la lutte contre la corruption et pour le respect de l’environnement,
    dimensions encore peu présentes dans les contrats pétroliers.
    Enfin, certains pays pétroliers pratiquent un mélange bien
    souvent complexe et changeant de modalités contractuelles : joint venture, services, partage
    de production ; ce sont des pays où le système légal est précaire, soumis à une situation
    politique singulière ou instable : Russie, Libye, Nigeria, Kazakhstan, Soudan, par exemple.
    Dans ce cas, les contrats sont passés au coup par coup, en fonction des circonstances du
    moment.

  6. Un mandiant,coureur de prime,qui n’osait pas ouvrir sa gueule pr dire quoi que sa soit quand le President de la Republique l’avait mis a l’ecart et repris comme une pute n’a aucune lecon a donner donne qui que sa soit :nous reclamons ntre petrole d’ici a l’au-dela c’est bien commun.

  7. Merci Latif ! Les observateurs avertis nationaux comme internationaux ici à Dakar savent que nos opposants-affairistes ne font que de la manipulation sur les contrats pétroliers pour des raisons bassement politiciennes ! La preuve, ils se sont tous débinés à la Dic ! Certains ont « perdu la mémoire », d’autres ont envoyé des livres bidon, d’autres encore ont clamé leur ignorance, d’autres sont devenus « malades » etc. etc. Du cinéma quoi ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le peuple refuse de participer à leurs manifestations… Quant a Sonko Fusilleur, j’ai toujours dit ici que ses 4 meilleures qualités sont l’arrogance, la manipulation, l’amateurisme et le populisme. Je vous laisse choisir l’ordre….

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