Ibrahima Fall, candidat à la présidentielle : «Je n’ai aucune ambition de rester ici…»

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Ibrahima Fall, président, n’a pas «l’intention de rester au pouvoir». Estimant que les défis pour redresser le pays sont tels qu’il n’y suffirait pas à lui seul, le candidat indépendant de «redresser et laisser aux autres le soin de continuer». Réputé, comme il le reconnait lui-même, être «un homme sérieux», le leader du mouvement «Taxaw Teem» qui a rencontré la Rédaction du Populaire le jeudi 3 novembre dernier a dit sa conviction de n’être à la quête que de deux choses : «jaamu Yalla» (adorer Dieu) en devenant «ndawal askanwi» (le serviteur de la Nation) et non «njiitu Rewmi, wala boroom Rewmi» (chef de l’Etat). Parce qu’enfin ne cherchant «ni le pouvoir, ni l’avoir, ni le savoir».

M. Fall qu’est ce qui vous a poussé à briguer le suffrage des Sénégalais pour la magistrature suprême ?
Comme vous le savez je suis un candidat indépendant, je suis un candidat ouvert parce que j’espère être un candidat du consensus. Pourquoi ? Parce que dans le contexte politique sénégalais actuel, je suis tenté de croire, un qu’il ne peut pas y avoir de messie, les problèmes avec les quels nous sommes confrontés sont d’une telle ampleur qu’il est nécessaire qu’une équipe aussi large que possible, mais aussi compétente que possible s’attache à relever le défis. Consensus parce que je ne pense pas qu’une telle équipe puisse être trouvée dans une seule formation politique ou dans une seule alliance de partis politiques. Je crois qu’il sera nécessaire dans le cadre d’un sursaut patriotique de toutes et tous que nous mettions notre savoir, notre savoir faire et notre savoir être au service de la nation pour sortir de la situation dans laquelle le pays se trouve.
Enfin je considère que je suis un candidat de la rupture, un, parce que je n’appartiens à aucun parti politique, c’est une rupture par rapport à tout ce qui s’est passé jusqu’à présent où des chefs d’Etat ont été des leaders de parti politique. Rupture parce que j’appartiens à la société civile, rupture parce que n’ayant pas d’attaches partisanes, je me sens libre et de mes propos et demain Inch Allah de mes actions. Et j’essaierais de tirer toutes mes compétences de toutes les formations politiques confondues pour mettre en place une équipe susceptible de relever les défis avec l’appui de la population. Enfin une candidature de rupture parce que je veux relever le défi de faire en sorte que demain le Sénégal soit refaçonné selon les 4 R dont je fais mon leitmotiv c’est-à-dire : Rassembler le plus largement possible tous les patriotes du pays, Rebâtir l’Etat de droit, Relancer l’économie et Réhabiliter les valeurs, voilà en un mot le sens du combat que je compte mener.

Concrètement, par quoi passent les 4R ? 
J’ai parlé de réhabiliter les valeurs puisque notre pays est, depuis plusieurs années, confronté à un déclin des valeurs, d’éducation, de civisme, de patriotisme, de religion auxquelles nous avions été habituées. Et qu’il s’agisse de comportements politiques tortueux, de comportements économiques délictueux, de comportements moraux condamnables, de comportements en dehors de l’éthique, nous sommes aujourd’hui menacés par une perte d’identité par rapport à nos valeurs. Aujourd’hui, je crois qu’il y a deux slogans qui me paraissent charrier, malgré les tenants de ces deux slogans, le déclin de nos valeurs : Moko Yor, Bul Faale. Je pense que si «Moko yor» signifie le culte de l’argent quelle qu’en soit la provenance, quel que soit l’usage que l’on en fait, je dis que c’est extrêmement dangereux pour la préservation de nos valeurs d’honnêteté, de probité, de «ñaq jariñu» et j’en passe. Je crois que sur ce plan-là, les choses sont d’ailleurs très claires : La corruption, la concussion, le détournement d’objectif, les engagements non tenus sont érigés même au rang d’un principe puisqu’on finit par dire que ne croient aux promesses que ceux qui y croient et pas ceux qui s’engagent à ces promesses. Quelle est alors l’image d’éducation morale que l’on est en train de donner aux jeunes ? «Bul Faale» je sais très bien que ceux qui dans la lutte ont porté ce slogan voulaient dire autre chose. Ils voulaient dire que peu importe le métier que l’on fait, il faut le faire dans l’honnêteté et à la sueur de son front. Mais dans la compréhension du citoyen lambda, c’est faire ce que l’on veut faire sans se soucier des autres, sans prendre en compte les limites de sa liberté. Vous voyez dans les comportements dans la rue, un manque de citoyenneté, un manque de politesse, un manque d’éducation pour tout dire. Et je crois que c’est très dangereux, il faut qu’on arrive à inverser ces contre-valeurs-là pour renouer avec les valeurs dans lesquelles nous avons été éduquées et que vous connaissez très bien.

S’agissant du mot rebâtir, en fait c’est reconstruire. Reconstruire l’Etat, l’Etat a été malmené, il a été délesté, il a été pratiquement traîné par terre par un régime qui fait dans l’improvisation, qui fait dans l’informel, qui fait dans le contournement des règles de droit, qui mène une justice à deux voies avec en tête l’impunité. Regardez le nombre de crimes, d’assassinats même qui ont été commis, depuis une dizaine d’années, et qui sont restés impunis. Regardez comment on foule aux pieds les règles élémentaires de justice et d’équité. Regardez comment avec dédain, on se comporte au mépris des règles de vie. Je dis il faut rebâtir, il faut reconstruire l’Etat de droit en mettant tous les citoyens au même pied en veillant à ce qu’il y ait une justice, la même, pour tous et non une justice à deux vitesses où parce que quelqu’un a déposé une lettre à un endroit peut-être où il ne devrait pas la déposer, il écope de deux années de prison ferme, alors que des nervis se sont attaqués à des citoyens comme Talla Sylla, comme Alioune Tine, à des journaux, à des Télévisions et qui sont restés impunis. Je crois qu’il est essentiel que nous mettions un terme à cette situation, voilà pourquoi, je parle de reconstruire l’Etat de droit.

Pourquoi avoir attendu 2012 pour déclarer votre candidature ? 
Je vais vous servir 3 réponses. La première est d’ordre chronologique. Comme vous le savez, j’ai été absent du pays pendant 15 ans en ma qualité de Sous-secrétaire général de Nations unies, 5 ans pour les Droits de l’homme, 5 ans pour les Affaires politiques, 5 ans pour être le représentant spécial du Secrétaire général dans la région des Grands lacs. Je n’ai pas le don d’ubiquité pour être à la fois là-bas et ici. La deuxième raison, c’est que j’ai longtemps considéré qu’au fond la recherche, dans cette direction, du pouvoir devait revenir plus naturellement aux leaders de parti politique. Troisièmement parce que de retour au pays depuis 5 ans, j’ai hésité et je me suis rendu compte que les pressions qui s’exerçaient sur moi, la situation qui devenait de plus en plus grave, les espoirs qu’à tort où à raison, ma personne suscite faisaient que je ne pouvais plus ne pas me présenter. Ce n’est pas la première fois que de tels espoirs se sont exprimés en ma direction, déjà en 2005-2006 alors que j’étais aux Nations-Unies, j’ai reçu deux délégations différentes venues spécialement du Sénégal pour me demander de bien vouloir m’investir dans cette direction et je puis vous dire, ce n’est pas le cas peut-être de la plupart des jeunes, mais partout où je passe les Sénégalais, en général, sont heureux que, finalement, je me sois décidé de répondre à leur souhait.

Pourquoi «Taxaw Tem», du nom de votre mouvement ? 
«Taxaw Tem», c’est une expression en Wolof qui littéralement parlant signifie «Debout et déterminé» (Tt, Dd). Pourquoi ? D’abord la situation politique du pays n’autorise pas à rester les bras croisés, il faut se lever et se mettre debout, il faut se lever contre la situation, il faut se lever pour rebâtir, pour reconstruire, pour réhabiliter, pour rassembler. «Tem», c’est déterminé, c’est l’expression d’une volonté, d’une détermination qui ne saurait être remise en cause. Et je crois que cela signifie une volonté de ceux qui se reconnaissent dans ma candidature de se lever comme un seul homme pour relever le défi. Je suis conscient que par delà Ibrahima Fall, il y a d’autres «Taxaw Tem».

Ibrahima boxe-t-il dans le même ring que les ténors ? 
La situation actuelle est caractérisée en gros par trois pôles. Il y a le pôle du pouvoir, il y a le pôle des partis politiques, notamment au sein de Bennoo, au sein de Bennoo alternative et Bennoo Taxawal Senegaal et en troisième lieu, il y a le pôle des acteurs de la société civile. L’actualité nous permet de dire que le pôle du pouvoir est déjà fissuré, puisque le Pds et ceux qui soutiennent le Pds se présentent, aujourd’hui, en ordre dispersé avec d’un côté un candidat improbable du Pds, un ancien Premier ministre du Pds qui est candidat, un ancien président de l’Assemblée nationale du Pds qui est candidat. De l’autre côté, au sein du pôle de Bennoo Siggil Senegaal et Bennoo alternative 2012, des tentatives pour trouver un candidat de l’unité qui, pour le moment, ne donne pas de résultats tangibles, les dates butoirs sont régulièrement repoussées, les discussions continuent et plus on avance et plus apparemment l’impasse se creuse. Je ne m’en réjouis pas, je considère que ce pôle représente un vivier important de la vie politique sénégalaise et je serais de ceux qui souhaiteraient vivement qu’il arrive à son candidat de l’unité. Bennoo alternative 2012 inscrit dans ce sillage avec une approche beaucoup plus inclusive, il est vrai, mais qui pour le moment est au début de son processus. Enfin, le troisième pôle est composé de candidats de la société civile, ils sont nombreux, ils sont dispersés et pour le moment il y a des initiatives sectorielles de discussions et de négociations mais qui n’ont pas encore abouti. C’est pourquoi aujourd’hui nous nous trouvons dans une situation politique plutôt préoccupante à 4 mois de l’élection présidentielle.

N’êtes vous pas en train de courir des risques quand on sait que la présidentielle a toujours été au Sénégal une affaire d’appareils politiques ? 
Vous avez raison, la présidentielle mais aussi toute élection au niveau national repose en partie sur des appareils. Et il est extrêmement difficile à quelqu’un qui n’a pas d’appareil de peser. L’élection présidentielle a, cependant en plus, une autre caractéristique d’être le rendez-vous d’un homme ou d’une femme avec son peuple. Donc cette caractéristique lui donne une ampleur subjective très importante et cette ampleur subjective tourne à la fois autour de la personne, de la personnalité du candidat, de son programme, de sa légitimité sociale et subsidiairement autour de son appareil. Je considère que je suis parti avec un handicap réel, ne disposant d’appareil. Je suis parti avec un handicap réel pour avoir été absent pendant quinze ans. Mais ce sont des handicaps surmontables et je considère que le mouvement «Taxaw Teem» que j’ai créé est un mouvement qui s’est bonifié, qui s’est étendu territorialement, qui s’est massifié au plan de sa consistance sociologique et que, par-delà ce mouvement, il y a l’adhésion des citoyens sénégalais. Vous savez même les partis politiques vieux de 40 ans, 50 ans si vous comptez leurs membres par rapport à 12 millions de Sénégalais c’est très peu. Il faut donc aller au-delà des partis politiques. Je pense que le citoyen sénégalais a son opinion sur chacun des candidats et je cherche à obtenir son adhésion.

Les jeunes, le plus gros de l’électorat, ne vous connaissent pas. Comment allez-vous faire pour combler ce gap?
Dire qu’il y a des jeunes qui ne connaissent pas Ibrahima Fall est une chose, dire que les jeunes ne connaissent pas Ibrahima Fall est autre chose. Je ne sais pas s’il y a des jeunes de 50 ans-70 ans qui constituent l’essentiel des internautes, mais si vous regardez les réseaux sociaux, internet et autres, vous constatez et je ne m’en glorifie pas que le candidat qui, aujourd’hui, est celui qui est en tête est celui dont vous dites qu’il n’est pas connu des jeunes.
Je dois dire connaître et reconnaître, ça fait deux. Certains de ceux qui ne connaissent pas Ibrahima Fall, reconnaissent Ibrahima Fall et reconnaître quelqu’un, et au-delà de le reconnaître physiquement, reconnaître ce qu’il tient comme propos, ce qu’il tient comme engagement et se reconnaître dans ce qu’il dit, ça c’est très important et je crois, comme on dit en wolof, que «xam nit, xamee nit mooko gën», «bu ñula xamee te xameela moo tane». Donc cela dit vous avez tout à fait raison de dire que la jeunesse représente la partie la plus importante de l’électorat et il est essentiel que pour gagner l’élection, on ait l’appui des jeunes. Et d’appuis faits à des jeunes, j’entends continuer de m’investir en faisant en sorte de gagner la confiance des jeunes à trois niveaux. D’abord au niveau de la vérité en ce que je dis. Il y en a un qui a été également élu par les jeunes, il y a de cela 11 ans sur la base de promesses dont il dit, aujourd’hui, que n’y croient que ceux qui veulent y croire, je n’entends pas m’engager dans cette direction, j’entends tenir le langage de la vérité, faire des promesses que si je sais que je peux les tenir. Ça c’est la première direction, le langage de la vérité. La deuxième direction dans laquelle je veux m’engager pour avoir l’adhésion des jeunes, c’est de prendre en charge les préoccupations des jeunes. Ces préoccupations vous les connaissez mieux que moi, j’en singularise 4. La première préoccupation, c’est l’insertion professionnelle, la possibilité pour les jeunes d’avoir le droit de produire socialement, professionnellement. La deuxième préoccupation, c’est permettre aux jeunes d’avoir des perspectives. La troisième préoccupation c’est de faire des jeunes les acteurs de leur avenir et non les spectateurs de leur avenir. La quatrième préoccupation me semble-t-il s’est de faire des jeunes des citoyens modèles. J’entends bien des groupes comme «Y en a marre» s’investir dans cette direction pour l’éducation citoyenne, pour l’éducation patriotique des jeunes et des moins jeunes. Je crois qu’il est bon que dans ces quatre directions-là, que je continue de m’investir parce que cela fait partie des espoirs. Donc c’est ça que j’entends faire pour essayer de gagner la confiance des jeunes. Et ce que je puis dire simplement, c’est que je ne cherche ni le pouvoir, ni l’avoir, ni le savoir «utu ma am am, utu ma man mam, utu ma xam xam». L’avoir, ce que j’ai à l’issue de la carrière que j’ai menée à l’intérieur et à l’extérieur du pays, Dieu merci, me suffit largement «Doylu naako» en wolof (je m’en suffis), cela a un sens. «Doy ak dooy lu» (suffisant et s’en suffir), c’est différent. Le savoir, Dieu m’a fait le privilège de faire de moi un professeur agrégé d’université, j’ai fait ma carrière ici en tant que Doyen de la Faculté de droit, je l’ai fait ailleurs en tant que Sous-secrétaire général des Nations Unies pendant 15 ans. Le pouvoir, je n’en veux pas, parce que tout simplement mon souci n’est pas d’exercer le pouvoir, ce n’est pas par hasard que je dis que je cherche à être non pas «njiitu Rewmi, wala boroom Rewmi» (chef de l’Etat) comme ça se dit, mais «ndawaal askanwi» (le serviteur de la Nation), c’est quelqu’un qui se met au service de la nation. Donc voilà pourquoi je dis qu’en définitive la quête d’Ibrahima Fall est une quête qu’on peut ramener à deux mots «jaamu Yalla». Cela peut faire bizarre à des jeunes «jaamu Yalla», ce sont les prières, c’est le jeûne, ce sont les 5 piliers de l’Islam. Mais on peut adorer Dieu en étant au service de son prochain. Ibrahima Fall «dafa bëgë jaamu soxlayi jaamu yallayi» (je veux être au service des serviteurs de Dieu). C’est le seul crédo de mon action et pour moi c’est essentiel parce que les défis à relever pour redresser ce pays sont d’une telle immensité que je n’y suffirais pas à moi seul, c’est pourquoi j’entends redresser et laisser aux autres le soin de continuer. Je n’ai aucune ambition de rester ici.

Si la coalition Bennoo Siggil Senegaal faisait appel à vous, est-ce que vous êtes prêt à être le candidat ?
Ma réponse aussi bien pour Bennoo Siggil Senegaal, Bennoo alternative ou pour le G4 dans lequel je suis impliqué, est oui. Parce que nous nous réclamons tous des Assises nationales. Deuxièmement, nous savons tous que le messie n’est pas de ce monde, il faut donc une large coalition et pour battre le régime en place et pour reconstruire le pays. Troisièmement parce qu’étant candidat indépendant, n’ayant pas de parti politique je suis à l’aise pour traiter tous les partis politiques au même pied. Parce que s’ils me le demandent, ce serait de leur part déjà un sacrifice pour eux en renonçant à être candidat, je l’accepterais parce que je n’ai pas l’intention de rester au pouvoir.

Monsieur Fall, il y a des Sénégalais qui ne sont pas heureux que vous vous présentiez parce qu’il y a des repères que les aînés donnent, notamment quand vous étiez aux affaires avec surtout les événements douloureux entre le Sénégal et la Mauritanie. Que vous fait ce rappel ?
Les événements entre le Sénégal et la Mauritanie se sont déroulés en 1988, j’ai été au gouvernement de 1983 à 1900, vous voyez quand même l’inanité de la réponse. Pourquoi également ne pas dire qu’Ibrahima Fall était ministre de l’Enseignement supérieur quand il y a la grève de 1984. Pourquoi ne pas dire qu’Ibrahima Fall quand il a été ministre de l’Enseignement supérieur est parvenu en grande partie à discuter avec les étudiants, que j’ai apporté les réformes nécessaires dans l’attribution des bourses et la première fois qu’on a informatisé systématiquement toutes les demandes de bourses au niveau de l’Université sur la base de critères précis qui permettaient de savoir à distance si quelqu’un pouvait avoir une bourse. Pourquoi ne pas dire que j’ai été ministre de 1984 à 1990 et que à ce titre j’ai servi mon pays, j’ai servi la République pour apporter des solutions à différents conflits qui se sont déclenchés. 1989 pour répondre à la question, c’est quoi ? Un incident presque banal entre des bergers et des cultivateurs, des bergers venant de Mauritanie et des cultivateurs étant des Sénégalais. Et sur la base de cet incident le ton a monté, les affrontements ont eu lieu, la situation s’est dégradée. Est-ce que vous pouvez me trouver une part de responsabilité d’un ministre des Affaires étrangères ? Si bien que lorsque depuis, Nairobi, j’ai appelé le président Abdou Diouf, parce que j’étais au courant des ces incidents, celui-ci m’a dit : «Ibrahima ne vous en faites pas, le ministre de l’Intérieur est là il se charge de la question. Je vous ai confié une mission, je vous demande de poursuivre votre mission. Cette mission avait trait aux préparatifs du sommet de la Conférence Islamique qui a eu lieu après mon départ. Lorsque je suis rentré et que malgré les efforts des ministres de l’Intérieur, le problème n’a pas été réglé, j’ai reçu mandat de m’impliquer dans la recherche de solutions. J’ai dirigé la délégation sénégalaise qui a rencontré la délégation mauritanienne conduite par le ministre de l’Intérieur, à Bamako où nous avons négocié. Nous avons effectué plusieurs négociations. Le point d’achoppement, c’est où se trouve la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal. Le Sénégal se fondant sur la délimitation coloniale qui place la frontière sur la rive droite du fleuve Sénégal défendant la position selon laquelle le fleuve appartenait au Sénégal, la Mauritanie se fondant sur d’autres considérations estimait que la frontière se trouvait au milieu du fleuve Sénégal. Où se trouve la responsabilité du ministre des Affaires Étrangères dans cette affaire ?

Quel est votre sentiment personnel quant à cette affaire ?
J’ai vécu douloureusement cette affaire pour trois raisons. Un parce que je suis convaincu qu’une frontière constituée par un fleuve dans une région sahélienne où le principal problème est où trouver de l’eau, doit unir plutôt que séparer. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que ce fleuve a servi pour créer l’Omvs. Deux, je considérais historiquement que les peuples sénégalais et mauritaniens avaient partagé tant de choses que tout devait être fait pour fructifier les relations et non remettre en cause ces relations. Trois, je suis panafricaniste et que je considère les frontières héritées de notre colonisation doivent être dépassées pour construire l’unité africaine. Et donc, ce n’est pas en nous arc-boutant sur un problème comme celui-là qui opposait la Mauritanie et le Sénégal qu’on pouvait faire avancer le processus de l’unité africaine.

En tant qu’ancien ministre de l’enseignement supérieur, est ce que vous pouvez nous donner votre programme par rapport à l’éducation ? 
Le programme d’Ibrahima Fall est en ce moment sur les tablettes, il va sortir dans quelques semaines, ce sera la première déclaration d’un candidat, car à ce jour les gens parlent, mais aucun n’a encore présenté un programme. Dans ce programme la question de l’éducation et de la formation occupe une place très importante. Dans ma déclaration de candidature, j’ai déjà abordé la question et j’ai esquissé aussi bien des réflexions sur la situation, que des pistes d’action. Ce n’est pas nécessaire de revenir sur la situation en ce qui concerne l’Université, elle est encore plus grave au niveau de l’enseignement secondaire, au niveau de l’enseignement moyen au niveau de l’enseignement élémentaire. Partout c’est le délitement, c’est l’éclatement, c’est l’implosion et la crise. Quand les élèves et les étudiants ne sont pas en grève, ce sont les instituteurs et les professeurs qui sont en grève lorsque ce ne sont pas les employés administratifs qui entrent en grève. C’est une situation inacceptable parce qu’on n’a pas le droit de sacrifier l’avenir des jeunes.
Vous avez rappelé que j’ai été ministre de l’Enseignement supérieur, demandez à certains de vos parents, ils vous rappelleront le discours que j’ai fait en français et en wolof en 1984, au plus fort de cette grève et où pour la première fois un ministre s’adressait aux élèves et à leurs parents dans un wolof qui a fait que, dès après le discours, les parents ont dit aux enfants : «mott, jangileen» (allez étudier).Ce sont des anciens étudiants qui me l’ont rappelé. Moi qui avais conscience que ni eux ni le pouvoir n’avaient le droit de sacrifier l’avenir de ces jeunes, suis resté sur le même tempo aujourd’hui.

Quelles solutions, alors, à la crise qui secoue l’enseignement ?
Dans ma déclaration de candidature, sur les pistes de réflexion que j’ai esquissées, j’ai dit que je propose la convocation des états généraux de l’éducation et de la formation. N’empêche pas que dans mon programme, je fais déjà des propositions qui tournent autour de cinq principes. Le premier principe est celui de l’éducation universelle : la possibilité pour tous d’accéder à l’école sur un pied d’égalité entre filles et garçons. Deuxième point, c’est celui de ne pas confondre la quantité par l’éducation universelle et la qualité par le niveau de l’enseignement. D’ou la nécessité de former des enseignants. Aujourd’hui on s’improvise enseignant, sans formation pédagogique véritable. Cela nécessite aussi d’avoir des classes gérables, ce n’est pas avec 90,100, 105 élèves qu’on peut assurer une éducation correcte. Le troisième principe est celui de la détection. On ne peut pas faire un bon enseignement si on n’a pas des critères précis de sélection. Tout le monde ne peut pas aller à l’université. D’où la nécessité du quatrième principe qui consiste à aménager des passerelles entre les différents niveaux de l’enseignement, pour permettre à ceux qui dont les Facultés ne leur permettent pas d’aller plus loin de pouvoir avoir une formation professionnelle. Donc cinquième principe, il faut réhabiliter l’enseignement technique et cette réhabilitation va également avec la réhabilitation de la formation à l’université, en tenant compte des besoins du marché. Vous voyez beaucoup de types d’universités privées, qui forment dans des filières, qui répondent plus au besoin du marché que les milliers de diplômés chômeurs qui viennent de l’université. J’entends non seulement lutter contre cela, mais promouvoir véritablement la formation. Et parlant de ces diplômés chômeurs, je considère que c’est un scandale au moment où il y a 2500 ou 2600 jeunes diplômés chômeurs au niveau de la Maîtrise et du Doctorat qui ne demandent qu’à travailler. Au moment où il y a plus de 2000 infirmières et sages femmes d’Etat formées et qui chôment qu’on ferme le recrutement et pendant ce temps on propose dans un cadre démagogique et électoraliste de relever l’âge de la retraite à 65 ans. Je considère que c’est un scandale alors qu’il y a tant de jeunes diplômés qui chôment, de jeunes non diplômés qui tâtent dans toutes les directions, que l’on consacre une bonne partie de nos ressources dans des dépenses de prestige qui ne répondent pas aux aspirations de la population. Je considère que c’est un scandale alors qu’il y a tant de besoins sociaux du fait du coût très élevé des denrées de premières nécessité plutôt que répondre à cette demande sociale qu’on consacre nos ressources et dépenses à des détournements de deniers publics qui se chiffrent à des milliards. Voilà pourquoi également, j’ai dit que si je suis élu ceux qui auront commis des crimes économiques devront répondre de leurs actes.

Peut-on avoir une idée sur les ressources dont dispose le candidat Ibrahima Fall ?
Vous m’avez posé deux questions. Ce que j’ai dans la poche et ce que l’on me demande. Je ne sais pas si c’est faire de l’humour, mais il y a des traditions culturelles chez nous qui font qu’on ne demande jamais à quelqu’un ce qu’il a dans sa poche. Sutura…

Mais il y a des exigences de transparence ?
Les exigences de transparence concernent les deniers publics. Et je peux vous assurer que quand je serais élu, je respecterais les exigences de transparence dans la gestion des deniers publics. Je vais vous faire une confidence : Lorsque j’ai été nommé ministre de l’Enseignement supérieur en 1983, mon premier geste a été de consulter un cabinet de notaire et de faire une déclaration systématique de tout mon patrimoine. J’ai encore une copie de cette déclaration. Et quand j’ai quitté le ministère des Affaires étrangères, j’ai rappelé au président (Ndlr : Diouf) cette déclaration dont je lui avais donné une copie en lui disant que cette déclaration était encore valable dans son intégralité qu’à la toute petite exception que j’ étais devenu locataire-acheteur d’une Sicap. Donc, je serai disposé le moment venu à refaire la même déclaration et à faire la transparence à l’entrée et à la sortie. Vous êtes d’accord maintenant pour que je ne dise rien de ce que j’ai dans la poche. Maintenant pour ce qui concerne ce qu’on me demande. Je ne suis pas le seul à qui cette demande est faite. Je pense que c’est une décision arbitraire. Pourquoi 65 000 000 FCfa et pas 100 000 000 et pas 10 000 000 ? On ne nous a jamais expliqué pourquoi. C’est une décision, à mon avis, anti-démocratique. Si c’est pour sélectionner les candidats, je crois qu’il appartient au peuple de sélectionner ces candidats. Comme on dit dans notre jargon wolof «jaka jaa ngi, ku bëga nodë, na nodë». Que ceux qui veulent être candidats soient candidats. Et il appartient au peuple grâce aux bulletins de vote de déterminer qui doit être élu. Enfin, c’est une décision à mon avis censitaire parce qu’elle veut dire que seuls ceux qui ont la possibilité d’avoir 65 000 000 FCfa peuvent être candidats alors qu’il y a bien des personnes qui peuvent et devraient pouvoir être candidats et qui n’ont pas 65 000 000. Je considère que c’est une décision regrettable d’autant plus que cela pourrait pousser ceux qui veulent être candidats et qui n’ont pas 65 000 000 à aller les chercher ailleurs. Et je regrette vraiment la démagogie qui tourne autour de cette question parce que je vois qu’il y a des opérations politiques disant qu’on va réunir 1 000 000 de femmes et chaque femme va donner 100 francs pour pouvoir payer la caution d’un candidat. Mais un candidat qui ne sait même pas s’il va se présenter et qui s’est payé un terrain à 1 milliard et à justifier cela au fait que cela faisait partie du crédit politique.

Est ce que quelque part, fixer une caution à 65 000 0000FCfa ne poussera pas les candidats à aller la chercher n’importe où ?
Vous savez l’éthique de financement des campagnes électorales, c’est l’argent public. La norme si l’on veut faire dans la transparence et dans l’éthique, c’est le financement public pour la campagne électoral. L’Etat devrait être en mesure de dire j’apporte une contribution de tant aux candidats, ils n’ont pas le droit, s’ils acceptent cela, d’avoir recours à des recherches ailleurs. Si maintenant, ils ne l’acceptent pas, soit parce qu’ils ont les moyens, soit parce qu’ils ont des soutiens, libre à eux de le faire. Vous avez déjà entendu parler des Etats Unis, l’actuel président quand il était candidat, il avait le choix entre le financement public plafonné et le financement privé non plafonné. Il a décidé d’opter pour d’une part rejeter le financement public et d’autre part accepter le financement privé non plafonné. C’est son choix, mais au moins cela a le mérite de la moralisation des financements de la campagne. Nous sommes loin de la, mais celui qui vous parle à bien l’intention, s’il est élu président de la République de moraliser la vie politique. Cette moralisation inclura les problèmes de financement des partis politiques d’abord, des financements des campagnes électorales, mais ça ne s’arrêtera pas là. Je ne vois pas pourquoi, au nom de quoi, on a des institutions qui tournent et qui ne servent à rien et qui par contre sont financées par le contribuable sénégalais. Un Sénat de 100 membres, un Conseil économique et social, des agences à n’en plus finir, des ministères qui, à la limite, représentent de petits services, il y a même un ministère des transports terrestres et ferroviaires, comme si les rails étaient dans l’espace.

Est ce qu’Ibrahima Fall connaît bien les problèmes des Sénégalais pour solliciter leurs suffrages ? 
Je pense que même un étranger qui vit au Sénégal depuis 5 ans seulement, s’il le désire vraiment, il doit pouvoir connaître les problèmes des Sénégalais. Je suis Sénégalais, je vis les problèmes des Sénégalais. Quand vous enlevez quinze ans d’absence (du Sénégal) de soixante huit ans de vie qu’est qui vous reste ? Est ce que vous pensez, en cinquante trois ans de vie au Sénégal, que ne je puisse pas connaître les problèmes des Sénégalais ? Aujourd’hui le monde est un monde globalisé, où que vous soyez, vous avez la possibilité lorsqu’un sujet vous intéresse, de connaître ces sources. Mais ce n’est pas mon cas. Moi je partage quotidiennement la vie des Sénégalais. Je vis l’obscurité comme tous les Sénégalais. Quand il y a «xuy kamag», je suis chez moi.

Quelle est votre position par rapport à la candidature polémique de Me Wade ? 
La candidature du président de la République me semble juridiquement inacceptable, politiquement regrettable, physiologiquement déplorable. Je considère qu’il a fait deux mandats, donc juridiquement il ne peut faire un troisième mandat. Politiquement, je considère qu’en dix ans, il a donné le meilleur de ce qu’il pouvait donner et que nul n’est indispensable. Enfin physiologiquement, je considère que quand on a 86 ans, après avoir servi son pays pendant trente-huit ans dont vingt-six ans (26 ans) d ‘opposition et 12 ans de pouvoir, on a toutes les raisons de dire qu’on a assez donné et de pouvoir sortir par la grande porte. Et je suis sûr que si aujourd’hui il décidait de renoncer à sa candidature, c’est tout le Sénégal qui lui en serait reconnaissant.

En tant qu’ancien Doyen de la Faculté de Droit, vous disiez détenir des arguments solides pour invalider la candidature de Me Wade ? 
Je serai bref. Ne demandez pas à quelqu’un qui va au combat de révéler les armes qu’il va utiliser. S’il n’était pas candidat, je dirais pourquoi il ne pouvait pas être candidat. S’il est candidat, je laisse au Conseil constitutionnel qui est l’organe compétent, se prononcer et si ce Conseil constitutionnel invalide la candidature de Me Wade, le problème est réglé. S’il ne l’invalide pas, c’est à ce moment là que je peux devant le Conseil constitutionnel plaider avec les arguments dont je parlais. Je ne ferais un recours que si la candidature de Me Wade est validée.

Transcrits par Marianne NDIAYE Moustapha BA & Aminatou AHNE
Popxibaar.com

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