Ibrahima Sene «Macky sera désavoué si le mandat du président de l’Assemblée est maintenu à un an»

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La stabilité du Sénégal réside dans la cohésion et la stabilité de la coalition Benno Bokk Yaakaar. C’est du moins la conviction d’Ibrahima Sène du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), membre de la coalition présidentielle. Dans cet entretien, il estime que «si Macky maintient le mandat du perchoir à un an, les Sénégalais se détourneront de lui».

L’Assemblée va être installée aujourd’hui, avec certainement Niasse au perchoir. Mais, est-ce que cela est suffisant quand on sait que le mandat de la présidence est d’un an ?

Je pense que ceux qui sont conscients des enjeux que vit le Sénégal, (situation au Mali, en Casamance, l’héritage économique catastrophique laissée par Wade avec un déficit budgétaire de l’ordre de plus de 6%, un niveau d’emprunt de l’ordre de 35% pendant que le seuil tolérable par notre économie est de 40%, la demande sociale très pressente dans ce pays), ne peuvent pas s’amuser à créer des conditions de déstabilisation des institutions de la République. Ils ne peuvent pas se donner le plaisir de mener la guéguerre à l’Assemblée nationale après avoir été confortés par le peuple via une majorité écrasante qui leur permet de résoudre le problème. Macky Sall en est conscient. C’est vrai qu’il a des problèmes d’harmonisation au sein de son parti. Mais c’est son problème. Ce n’est ni le problème du Ps, de Rewmi ni de Benno Siggil avec Niasse. Nous n’avons aucun problème ; au contraire, nous sommes conscients que celui qui se permettra de provoquer l’implosion de Benno Bokk Yaakaar aura la responsabilité de mettre le pays dans l’ingouvernabilité. Parce que ce sont les mêmes qui sont au gouvernement et à l’Assemblée nationale ; s’ils n’arrivent pas à s’accorder, ce sera trop grave. Macky, Tanor, Idrissa, Niasse en ont conscience ainsi que les ministres qui sont dans le gouvernement. Et je ne crois pas que ces gens-là vont se permettre de fragiliser l’Assemblée de manière à ce que la rupture qui a été au centre des exigences de ce peuple ne se fasse pas. Maintenir la durée du mandat du président à un an est tout le contraire de ce que les Sénégalais attendent d’une Assemblée ; renouveler son mandat par an, c’est le mettre dans une situation qui ne lui permet pas d’avoir une perspective en cohérence avec la vision du Chef de l’Etat mener le Sénégal à bon port. Or, Wade a instauré le mandat du président à un an dans l’optique de prendre en otage le président de l’Assemblée. Quel intérêt aura Macky de faire la même chose ? S’il le fait, les Sénégalais se détourneront de lui ; s’il le fait, l’Assemblée nationale sera ingouvernable. Et l’ingouvernabilité de l’Assemblée, c’est l’ingouvernabilité générale.

Et si malgré tout Macky maintient le mandat à un an ?
Le président de la République ne peut même pas le faire. Parce que ça ne relève pas de lui. Maintenir la durée du mandat relève du règlement intérieur de l’Assemblée. C’est cette assemblée, en changeant le règlement intérieur, qui va fixer la durée du mandat. Et la durée de cette institution à 5 ans correspond véritablement à la nécessité d’avoir une visibilité de l’Assemblée sur le moyen terme.

Vous ne craignez pas d’autres conséquences à ce niveau ?

Nous ne devrons rien craindre parce que cela ne peut pas empêcher les députés de voter le changement du règlement intérieur pour faire partir leur président s’il se comporte de manière inacceptable.

Cela ne pourrait-il pas, le cas échéant, arriver à Niasse qui n’est pas de l’Apr ou de Macky 2012 ?

Ce n’est pas le parti de Macky Sall qui est au pouvoir mais Benno Bokk Yaakar. Donc, que l’une des composantes des coalitions soit présidente de l’Assemblée, il y a cohérence avec la nature du pouvoir.

Il y a aussi le problème du Sénat qui a beaucoup de prétendants alors qu’il était censé disparaître.

Les gens évoquent la position des assises sur la suppression du Sénat sans dire ce qui est prévu à la place.

Qu’est-ce qui est prévu alors ?

Il était prévu à la place du Sénat la mise sur pied d’un Haut conseil des Collectivités locales.

Quelle est sa différence avec le Sénat ?

Le Haut conseil des Collectivités locales est une institution basée sur l’élection de tous ses membres à partir des conseillers locaux. Or, le Sénat a des membres élus et des membres désignés. Donc, c’est dans le mode de désignation du Haut conseil des Collectivités locales et du Sénat qu’il y a une différence. Maintenant, le compromis qu’il y a eu entre les gens des assises et Macky Sall pour le 2e tour, c’est qu’il puisse revoir la grille de représentation. Il était espéré que le minimum de l’effectif élu soit amené à 90% et les 10% restant à désigner. L’autre différence, c’est dans leurs prérogatives : le Sénat a une fonction législative alors que le Haut conseil des Collectivités locales se limite à donner des avis sur les Collectivités locales et sur la coopération décentralisée. Cela veut dire que le nouveau Sénat va avoir les mêmes prérogatives qui étaient dévolues au Conseil de la République : donner son avis sur la décentralisation mais aussi voter en 2e lecteur les lois. Toutefois, ça doit être un Sénat beaucoup plus conforme aux aspirations de démocratisation des institutions. Mais on attend de voir ce que Macky va faire.

A l’Apr et à la coalition Macky 2012, on semble plus emballé par le programme Yonnu Yokuté. N’avez-vous pas de craintes quant à l’application des conclusions des assises ?

Du tout ! Ce n’est pas ce programme qui a élu Macky au 2e tour. Donc, il faut que ces gens sachent raison garder. Ils doivent comprendre que Macky a signé les conclusions des assises même si c’est avec certaines réserves, notamment sur le Sénat, le non cumul du président de la République et de chef de parti et sur la nature du régime. Mais, en dehors de ces points, il a accepté toutes les réformes institutionnelles et les orientations économiques. On a eu le compromis pour le Sénat. Pour le cumul de fonctions, Macky se rendra compte que les exigences de gestion de parti et celles de l’Etat sont difficilement cumulables. Quoi qu’il en soit, ça ne doit pas être un point de rupture de l’alliance de Benno Bokk Yaakaar.

Que suppose un régime parlementaire ?

Un régime parlementaire suppose une Assemblée crédible aux yeux des Sénégalais parce qu’elle doit être le centre de l’impulsion de la vie politique. Les réserves de Macky peuvent être prises en compte dans cette 1ère législature ; et on devra faire en sorte que la 2e législature soit une assemblée de rupture au point que les Sénégalais acceptent que le régime parlementaire soit alternatif au régime présidentiel. Mais, tout d’abord, les Sénégalais doivent se réconcilier avec l’Assemblée. En somme, l’Assemblée nationale n’est pas encore crédible aux yeux des Sénégalais pour que l’exigence d’un type de régime parlementaire recommandé par les assises puisse se réaliser sur le coup.

Peut-on parler d’une période de transition alors ?

Nous sommes, effectivement, dans une situation de transition ; les assises avaient dit qu’après la chute de Wade va s’ouvrir une phase de transition dans laquelle les institutions et le mode de gouvernance du Sénégal vont changer. Pour y arriver, les assises avaient retenu que cette transition durerait 3 ans.

Pensez-vous que cet objectif est réaliste ?

La réalité est que la transition, au lieu de durer 3 ans, peut s’étaler en 5 ans. Parce que pour réformer toutes les institutions et que l’Assemblée devienne crédible, ça prendra au moins une législature.

Ce serait-il acceptable pour des coalitions dont les leaders sont appelés à disputer la présidentielle dans 5 ans ?

Encore une fois, si ces hommes sont conscients que nous sommes en période de transition, ils ne peuvent prétendre se positionner qu’à la fin de la transition ; ils ne peuvent pas fragiliser le pays durant la transition parce qu’ils ne vont pas réunir les conditions qui leur permettraient de se positionner correctement. Pour que le pays soit vraiment démocratisé, je doute fort que même 5 ans puissent suffire. Il est probable que les gens acceptent d’aller ensemble pour un 2e mandat pour parachever toutes les réformes et mettre le Sénégal en bonne position.
Source : La Tribune

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