Idrissa Seck face à « l’orgueil intellectuel » Par Aissatou Kane Ndour

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Ils ont été nombreux à attaquer Idrissa Seck sur son silence du 23 juin sans l’avoir écouté. Ils n’ont pas cherché à connaitre la substance de sa réaction car en réalité le silence est une forme de réaction. Elle doit être interprétée comme telle et non comme une inaction vide de sens. Vouloir remplir un vide ne devrait pas autoriser à tout imaginer. C’est une manière inconsciente de construire un discours. Un discours basé sur une imagination fertile complètement en déphasage de la réalité. C’est de l’analyse-fiction qui est servi face à une méconnaissance. La réaction de Idrissa Seck le 30 juin fut un moment propice à une compréhension d’une démarche adoptée. Mais cette réaction est venue se heurter à une conviction préétablie basée sur des supputations. Il fut accusé d’être de mèche avec Wade et serait le principal bénéficiaire du ticket. Un argumentaire qui a alimenté les débats et constitué l’ossature de certaines contributions et analyses.

Aujourd’hui le fait que les soupçons soient orientés vers un responsable de l’opposition montre la légèreté des accusations contre Idrissa Seck. Mais un sursaut d’orgueil a finalement justifié le maintien des positions. En effet il serait difficile pour certains de faire un grand revirement après avoir entendu Idrissa Seck. Ils ne voudraient pas laisser penser qu’ils avaient tort de réagir sans avoir écouté l’intéressé. A partir de ce moment, les arguments ne se basent plus sur des critères objectifs mais plutôt sur une volonté manifeste de prendre en charge les exigences d’une posture basée sur un orgueil déplacé.

Les thèmes abordés à travers les différents supports médiatiques ont été pour la plupart au centre des préoccupations d’Idrissa Seck depuis longtemps. Et a fait l’objet de traitements sous plusieurs formes au moment où d’autres leaders étaient préoccupés à autre chose ou pensaient faire face à un combat libéro-libéral. Quand  Galileo Galilei disait que la terre était ronde. La réponse a été de réclamer sa tête. Beaucoup se prononcent aujourd’hui sur la dévolution monarchique du pouvoir, Idrissa Seck l’a combattu pendant plusieurs années.  Certains hommes politiques peuvent sentir le besoin d’en parler pour renforcer leur nouvelle virginité. Mais quand Idrissa Seck tirait la sonnette d’alarme, certains d’entre eux étaient aux cotés de Karim et faisaient preuve de zèle pour enfoncer le « fils d’emprunt » au profit du « fils biologique ».

L’invalidité de la candidature de Wade qui semble être le nouveau cheval de bataille a été abordé par Idrissa Seck depuis for longtemps avec à la clef une expertise nationale et internationale qui l’atteste. Les différents appels auxquels on assiste aujourd’hui pour s’opposer à la candidature de Wade a déjà été initié par Idrissa Seck: «J’invite tous les citoyens qui ont des positions d’influence comme les Khalifes généraux, le Cardinal, les grands artistes, les intellectuels, les journalistes, la Société civile à se mobiliser autour de cette notion de respect par tous de la loi et surtout de la loi fondamentale. Sans vérité, il n’y a pas de stabilité, il n’y aura pas de tranquillité. Et il faut se prémunir contre les troubles qui naissent d’une violation de la loi » disait-il le Mercredi 17 Novembre 2010 après la prière de la Tabasky  à Thiès.

Idrissa Seck a compris très tôt que  la machine qui accélère le recul démocratique, qui produit l’injustice, qui creuse les inégalités, qui amplifie l’insécurité, qui favorise l’impunité… est logée dans le salon familial des Wade. C’est pourquoi sa détermination à  écarter cette machine des sphères de décision de la famille libérale et de l’Etat a toujours été constante. Mais quelque soit le degré de sa détermination il a toujours tenu à ce que le Sénégal soit préservé : « Combattre l’injustice vaut la mort, mais avec ce qui se passe actuellement au Sénégal, il y a plusieurs injustices à réparer. Dans dix mois, un soleil va se coucher et un autre soleil va se lever. Et je veux que vos âmes assistent à cet évènement. » disait-il à Sangalkam avant la mort du jeune Malick Ba, la Nuit du mardi 5 au mercredi 6 avril 2011. Il ajoute lors de sa sortie à Diourbel le Dimanche 11 Avril 2011: « Je ne voudrais pas que la situation en Cote d’Ivoire nous arrive. C’est pourquoi je demande aux Sénégalais de garder espoir. Car, entre le crépuscule et l’aube, il y a forcément les ténèbres. Je ne voudrais pas, avec ces violations de leurs droits, que les populations adoptent un comportement qui pourrait compromettre la reconstruction du pays »

Quand on assimile son silence à une complicité avec Wade, Idrissa Seck a déjà répondu sur cette question à travers un démenti formel: « Je démens formellement tout contact direct ou indirect avec Wade. Sa présence à la tête du Sénégal est devenue une calamité et un danger pour les populations comme l’illustre l’assassinat de Malick Ba à Sangalkam. Je travaille exclusivement à son départ.»

Quoi dire alors après avoir déjà tout dit ? Demander à Idrissa Seck de parler dans ces circonstances, c’est plutôt une manière de l’inscrire dans une campagne de récupération.

Le jeudi 23 juin, c’est le peuple qui s’est exprimé. C’est le peuple dans sa diversité qui a mené son combat. C’est ce même peuple qui ignorait royalement les différents appels à la révolte trop colorés des politiques. Ce peuple à son agenda qui lui est propre. Il souscrit aux combats nobles et déterminants, oriente la barre et se taire. Certains politiques qui ont voulu jouer aux prolongations ont vite déchanté. L’agenda était clos. Le peuple en avait terminé. Il était sorti pour régler un fait ponctuel, laissant un message derrière. Wade ne l’avait pas écouté en 2009. Il a payé en 2011.

Cependant le peuple a-t-il été entendu  le 23 juin dernier ? Les actes parlants n’ont de sens que grâce au silence où ils baignent. Les déclarations tous azimuts et les tentatives de récupérations qui ont accompagné le sursaut du peuple fait douter de la qualité d’écoute de nos politiques. Quand l’action du peuple est confondue avec celle des politiques, la substance du message est biaisée. Les sénégalais ont demandé à être écouté aussi bien par le pouvoir que par l’opposition. Ils veulent fermer la parenthèse Wade, c’est un fait. Mais mieux,  ils veulent être rassurés sur l’après Wade.

Aissatou Kane Ndour

Assistante de direction

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