La campagne agricole de 2015 : La science, la magie et Boy djinné. (par Amadou N’DIAYE, UFR S2ATA ­UGB)

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 » Depuis Ie Conseil des ministres du mercredi 18 novembre 2015, les statistiques officielles des produits de la campagne agricole 2015 continuent de faire l’objet de polémiques. Du jamais vu…….
Nous souhaitons, ici, apporter une contribution constructive à travers les faits du terrain, les strategies et les pratiques de développement agricole et rural.
PourI’arachide, après les onze mesures de debut de campagne, Ie Conseil des ministres affirme que «la production arachidière connaît, quant à elle, une hausse de 68 % et s’établit à 1 121 474 tonnes». La question
posée est«où se trouve ce tonnage ? si les Chinois n’ont achete que 300 00 tonnes, comme l’affirment certains acteurs.Ou se trouvent les 8OO 000 tonnes restantes ? Le fait que la SUNEOR trouve des difficultés à collecter 10 000 tonnes sur son quota de 300 000 tonnes était deja signalé officiellement par Ie directeur régional du développement rural de Diourbel : »sur un objectif de collecte fixé à 50 000 tones, la SUNEOR de Diourbel n’a réceptionné à ce jour que 106 tonnes, là où le complexe agro-industrie de Touba a obtenu 222,82 tonnes ». Ainsi, deux possibilités peuvent être envisagées: soit les opérateurs de SUNEOR ne sont pas performants soit ils ne trouvent pas réellement d’arachide sur Ie terrain. Dans Ie premier cas (disponibilité des 790 000 tonnes restantes), il s’agit alors d’un problème de campagne de commercialisation qui engage la responsabilité de l’Etat (choix et agréments des opérateurs). Dans Ie second cas (absence de I’arachide sur Ie terrain), où se trouve Ie tonnage annoncé?
Les sorties du collect!f (de paysans Saloum-Saloum, d’huiliers et de jeunes) qui apporte la contradiction aux syndicalistes de la SUNEOR, ne nous rassurent pas. Le collectif doit nous citer les points de vente dans lesquels la graine est disponible. Pas autre chose ……
L’absence de graines dans les points de vente permet de faire deux analyses. Pour la première, il s’agit d’envisager, en partant de la loi de l’offre et de la demande,que les Chinois se sont rendu compte rapidement de la rareté de la graine sur le terrain et ont accepté d’acheter à plus de 200F le peu qui avait été récolté. Cette possibitite n’arrange pas les statistiques ofticielles. Pour la seconde analyse, et c’est Ie plus important, les Chinois ont acheté des graines dont la production était subventionnée à coup de milliards par le gouvernement sénégalais. Ce qui signifie que nous subventionnons l’industrie agro-alimentaire chinoise sans prendre la precaution de protéger la nôtre. Cette approche sectorielle et productiviste a montré ses limites deja sous les regimes precedents.
…..

Pour Ie riz, les statistiques officielles affirment que la production est de 917371 tonnes de paddy dont 57% de riz pluvial. Nous avions fait ce
calcul: «En valeur absolue, le pluvial aurait produit 522 901 t (57 %) et l’irrigué à travers la SAED et la SODAGRI seulement 394 469 t» at avions ex- prime notre étonnement en décembre 2015. En debut février, la SAED a publié ses statistiques. Elle annonce que la vallée a produit 484 337 tonnes qui, reportes aux 917 371 tonnes, constituent 52, 80 % du tonnage officiel. Ainsi Ie riz sous pluie ne peut avoir 57%, surtout sl on prend en compte la zone de la SODAGRI. Même s’il apparaît un semblant d’exagération des quantités, la SAED a raison de rétablir de façon subtile, mais formelle la vérité en termes de valeur relative.II semble vraisemblable que la zone de la SAED produise
plus de 50% de riz; sénégalais, pas seulement pour les milliards mais surtout pour la maîtrise technique, la capacité d’adoption des technologies liées à cette culture et la possibilité de double culture.
Le plus difficile à admettre scientifiquement sur les chiffres du Conseil des ministres, c’est Ie taux de rendement de 15t/ha qui serait attribue implicitement (522 690t / 34 000 ha emblavé) à la rlziculture pluviale alors qu’on continue de douter des 7t/ha de la vallée. Cette difficulte est liée aux theories scientifiques sur la diffusion et I’adoption des technologies. Certes, selon la théorie des strategies de l’economiste Robert Solow, la technologie est un facteur exoqène (théorie de I’état stationnaire) determinant. Mais on ne peut pas passer d’un taux de 2t/ha à 15t/ha en 2ans, quelle que soit la performance de la technologie introduite (variété NERICA et aménagements). En eftet, selon I’école allemande de Hohenheim Ie taux d’adoption d’une nouvelle technologie suit une courbe de Gauss sur une vingtaine d’annees dans un système agricultural dans laquelle, les producteurs et conseillers agricoles partagent la même rationalité,car issue d’un même et unique système d’éducation agricole.
Alors, l’adoption de l’innovation technologie (combinaison nouvelle d’intrants en quantité et en qualité ainsi que de nouvelles itinéraires techniques) ne pourrait être optimale en 1 ou 3 ans pour le paysan sous pluie alors que le paysan de l’irrigué a pris plus de 20 ans pour la bonne maîtrise de technologies de production rizicole…….Ainsi si on considère les théories des stratégies (technologies de exogènes de Solow) et les théories des pratiques (diffusion/adoption de technologies de Hohenheim) Ie passage d’un taux de rendement de 2t/ha à 15t/ha en 2 ans ne peut relever d’une théorie scientifique mais d’une «théorie»(miracle?) de la magie et de Boydjinne qul a pu faire disparaitre, dans Kouthia-Show, Ie mystique president Yaya Jamrneh,

Il nous faut arrêter rapidement cette guerre des chiffres qui n’honore pas. Surtout, un Conseil des ministres peut se féliciter de la reussite de la stratéqie d’intervention gouvernementale ; ii n’a pas vocation à ergoter sur la produotivlté des exploitatlons aqricoles. La productivité est une performance du producteur qui, pour produire,combine des intrants, des itinéraires techniques,de I’énergie, la terre et d’autres facteurs selon sa capacité d’adoption et ses compétences. Chaque producteur construit sa propre performance en se basant d’abord et avant tout sur les conditions de son exploitation et en prenant en compte son environnement (intervention
de l’Etat).

En réalité, la guerre des chiffres révèle notre incapacité a sortir de I’approche sectorielle et productiviste. Celte approche nous permettra difficilement de construire des structures (de production,de transformation, de conservation de commercialisation et de consommation performante) performantes et durables, en prenant des mesures idoines pour notre industrie agro-alimentaire. Pour èvoluer,la construction de nos politiques agricoles devrait certes compter avec les theories des strategies(facteur technologique exogène de Solow), mais surtout prendre en compte les theories sur les pratiques (diffusion/adoption de technologies). Beaucoup de nos politiques n’ont pas eu d’effets escomptés parce que nous nous sommes limités aux théories stratégiques , ignorant celles sur les pratiques de développement. »

(par Amadou N’DIAYE, UFR S2ATA ­UGB)

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