Ces dernières années, on a pu se demander où étaient passées les valeurs du peuple sénégalais. Aujourd’hui, en faisant entendre sa voix devant les plus hautes autorités de l’état pour s’opposer à une réforme électorale très controversée, ce peuple a fait preuve de grandeur, de détermination, à vrai dire d’héroïsme.
Il a montré que les notions de mougn (conciliation des différences) et de masla (patience) inhérentes à notre culture ne peuvent prévaloir que dans un contexte de vérité, de justice et pour l’intérêt de tous. Car il semble bien qu’une limite ait été franchie. Et les populations sont venues crier ce trop plein, ce ras-le-bol latent, dès les premières heures de la matinée, devant le bâtiment de l’assemblée nationale et ailleurs dans le pays.
Ce qu’il faut saluer, c’est que ce mouvement n’a pas été initié par quelque leader d’opinion plus ou moins bien intentionné –même si des chefs politiques, religieux ou d’autres figures de ce pays ont donné de la voix pour appeler à manifester et à s’opposer à cette réforme—mais au fond, ce sursaut patriotique est d’abord le fait du peuple lui-même, armé de sa conviction et de son courage, pour sauver le Sénégal de la dérive et affirmer sa souveraineté inaliénable.
C’est aussi une cinglante leçon de bon sens pour le père de la nation qui se voit rappeler à l’ordre par les citoyens qui l’ont mis au pouvoir quelques années plus tôt. En acceptant de les écouter, le Président Abdoulaye Wade s’est montré –certes un peu tard– digne de son rang. Mais il convient à présent d’appeler au calme et au sens de la responsabilité, afin d’éviter les dérapages. Car chacun est conscient désormais que durant les mois à venir, et probablement jusqu’aux élections de février 2012, le Sénégal se trouve dans une zone de danger. A tout moment, la situation peut basculer d’un côté ou de l’autre.
On déplore les trop nombreuses victimes de ces manifestations où l’on a vu les jets de pierres des populations répondre aux lacrymogènes des forces de police. Pour autant, comme l’affirmait l’écrivain français, Romain Roland, « Quand l’ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice ». Le Sénégal, porté à bout de bras par son peuple déterminé et revigoré, avance donc sur la bonne voie. Et malgré les pneus et véhicules calcinés qui jonchent les rues sous-jacentes de Ponty, avez-vous remarquez comme l’air est plus sain à Dakar aujourd’hui ?
Crédit-Photo: Laurent Gaillardon
