Le pouvoir et les hommes d’Etat vus par El Hadj Mansour Mbaye

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A 86 ans, au soir d’une riche carrière passée aux côtés de décideurs et de dirigeants de son temps, El Hadj Mansour Mbaye, le président de l’Association des communicateurs traditionnels du Sénégal, pose un regard avisé sur la vie politique nationale, dressant au passage de réalistes portraits de plusieurs leaders.

De Lamine Guèye à Macky Sall, il campe ses personnages. Distribuant à certains de bons points pour mieux taire chez d’autres les mauvais penchants, finalement perceptibles dans les méandres d’une fine analyse de psychologue

‘’Je suis un homme de dialogue, et cela est certainement dû au fait que je n’ai jamais voulu mettre de frontières entre mes semblables et moi’’, tient à préciser, comme préalable, le président de l’Association des communicateurs traditionnels du Sénégal, dans un entretien publié par l’édition de janvier du magazine sénégalais Intelligences.

‘’Je n’ai pas de frontière, je n’ai pas de sens interdit, (ni en matière religieuse ni en politique), bien que je sois tidiane et socialiste’’, poursuit El Hadj Mansour Mbaye, dont la grande connaissance des hommes lui vient essentiellement de la tradition –il est griot de par sa naissance– et de la longue expérience qu’il a des mondanités sénégalaises qu’il pratique depuis plus de 50 ans.

A la question ‘’Quel homme politique vous a le plus marqué ?’’, El Hadj Mansour Mbaye élude d’abord. ‘’J’ai de bonnes relations avec tous les hommes politiques du Sénégal, comme j’ai de bonnes relations avec toutes les familles religieuses et tous les Sénégalais’’. ‘’Pour revenir à votre question, consent-il finalement à dire, l’homme politique qui m’a le plus marqué c’est le président Lamine Guèye.’’

‘’Il n’a certes pas eu la chance d’être président du Sénégal, mais c’est l’homme politique qui m’a le plus marqué. Lamine Guèye a beaucoup fait pour ce pays, et cela les gens l’ignorent’’, reprend M. Mansour, que certains présentent comme un exemple parfait du consensus à la sénégalaise.

‘’Tous les grands cadres que le Sénégal a eus, ont bénéficié de l’appui de la mairie de Dakar qu’il (Lamine Guèye) dirigeait’’, dit-il, citant Valdiodio Ndiaye, Abdoulaye Wade, Abdoulaye Ly, entre autres personnalités sénégalaises qui ‘’ont bénéficié de bourses accordées par Lamine Guèye pour aller continuer leurs études en France’’.

De cette manière, analyse El Hadj Mansour Mbaye, homonyme d’un des fils de Seydi El Hadj Malick Sy, Lamine Guèye, ce ‘’grand Saint-Louisien’’, ‘’a doté le Sénégal d’hommes qui ont marqués son histoire, si je peux m’exprimer ainsi’’.

Selon M. Mbaye, c’est Lamine Guèye qui a présenté Léopold Sédar Senghor à ses compatriotes ‘’sur le plan politique’’. Il avait donc ‘’foi en Senghor qui était un homme intelligent pour incarner sa vision politique’’.

Lamine Guèye et Léopold Senghor ont cheminé ensemble au sein notamment de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière), de 1945 à 1948, date de la création du Bloc démocratique sénégalais (BDS) par celui qui deviendra le premier président du Sénégal indépendant.

‘’J’ai eu de bonnes relations avec le président Senghor, même si je suis Diaiste, car Senghor était un grand Sénégalais, premier Africain agrégé de grammaire française et père de la nation sénégalaise’’, dit El Hadj Mansour Mbaye.

‘’J’ai un grand respect pour lui (Senghor), pour son intelligence et son intégrité. Mais, si je n’avais pas dit que Lamine Guèye m’a le plus marqué, beaucoup auraient pensé à (Abdou) Diouf’’, le successeur de Léopold Sédar Senghor à la présidence.

Il relève qu’il ne connaissait de Diouf que sa famille, jusqu’à ce rapprochement intervenu entre les deux hommes lors de sa première tournée effectuée par celui-ci à Kaolack après son accession à la magistrature suprême.

‘’Il avait l’habitude d’ouvrir sa radio pour écouter les reportages concernant ses tournées, et ce jour-là j’ai pour la première fois utilisé des mots comme +gardien de la Constitution+. Ce qui lui a beaucoup plu et depuis ce jour nos relations ont été les meilleures jusqu’à son départ de la tête du pays’’, note-t-il.

‘’Avec le président Wade, je dois dire que j’étais plus proche de son frère, Adama Wade, qui venait chez moi. C’est mon ami’’, confie El Hadj Mansour Mbaye, avant d’ajouter : ‘’Toutefois, nous avons toujours eu de bonnes relations personnelles, car Me Wade est un homme bien’’.

‘’Comme j’avais surnommé Abdou Diouf, +gardien de la Constitution+, j’ai surnommé Macky Sall, +président de l’espoir+. Et cela colle au nom de son parti, Alliance pour la République (APR/Yaakaar) et à celui de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar’’, explique-t-il par ailleurs, au sujet du successeur de Me Wade.

‘’En plus de cela il est le président qui est né après les indépendances et élu avec 65% des suffrages. Cela signifie que les Sénégalais ont placé beaucoup d’espoir en lui. Mais Macky vient de commencer son mandat, on ne peut que lui souhaiter bonne chance et prier pour lui. Il a travaillé pour son élection’’, poursuit El Hadj Mansour Mbaye.

‘’C’est pourquoi je vous disais que les séparations en politique sont des choses… normales’’, dit-il, en allusion à la fin du compagnonnage entre Macky Sall et son prédécesseur, débarqué de son poste de président de l’Assemblée nationale en septembre 2008.

Selon les observateurs, la rupture entre Macky Sall et son mentor, Me Abdoulaye Wade, a eu lieu quand le premier a voulu convoquer Karim Wade, fils du second, à l’Assemblée nationale pour audition sur les travaux de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (ANOCI).

Face à son refus de démissionner de ses fonctions, son poste de numéro 2 du PDS est supprimé, le mandat du président de l’Assemblée nationale réduit de cinq à un an, et il est accusé de blanchiment d’argent, un dossier qui n’a pas connu de suite.

Macky Sall annonce son départ du Parti démocratique sénégalais (PDS), le 9 novembre 2008, avant de lancer son propre parti, l’APR-Yaakkar, en 2008, avec une trentaine de cadres du PDS.

M. Sall se met dès lors à sillonner les campagnes sénégalaises et va à la rencontre de la diaspora dans les grandes villes mondiales, avec en ligne de mire la présidentielle de 2012 qu’il remporte finalement au deuxième tour, soutenu par la quasi-totalité de l’opposition à Wade.

‘’Donc, il faut dire que les séparations en politique ont toujours existé’’, analyse El Hadj Mansour Mbaye. ‘’Sans séparation, Senghor n’aurait pas été président devant Lamine Guèye ou Macky Sall face à Abdoulaye Wade’’, affirte le président de l’Association des communicateurs traditionnels.

‘’Je vais, ajoute-t-il, reprendre les propos de Lamine Guèye. Il disait qu’en politique lorsqu’il n’y a pas de bruits, de débats, de contradictions ou même de rumeurs, c’est inquiétant. Pour lui, quand il y a un silence total dans une démocratie, il se pourrait qu’il y ait un danger qui guette le pays’’.

aps

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