Les partis politiques entre patrimonialisation et démo : Ma famille d’abord

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Jusque-là, l’accusation de gestion patrimoniale était presque géométriquement dirigée contre le Président Wade, Secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (Pds). Mais qu’ils sont nombreux les partis parasités par des liens familiaux, souvent grâce à des procédures qui jurent d’avec le processus démocratique. «Ma famille, d’abord», comme dans une célèbre comédie africaine.

Le phénomène n’est pas l’apanage du Sénégal, mais la patrimonialisation des partis politiques dans notre pays constitue une menace sur la démocratie interne que défendent la plupart des leaders. Que l’on nous comprenne bien ! Nous ne dénions pas à un citoyen le droit de s’engager aux côtés d’un membre de sa fratrie, mais la place prépondérante qu’occupent certains proches de leader dans les organigrammes pose un problème d’équité et de justice. C’est le cas du Parti démocratique sénégalais(Pds) dont le leader, Wade, a fini par en faire sa propriété privée. Accusé de vouloir se faire succéder par son fils Karim qu’il a installé au cœur du dispositif de l’Etat en lui confiant des responsabilités balèzes (Anoci, Miccati, Energie), il l’a imposé aux militants libéraux en le cooptant au Comité directeur du Pds, alors que ce dernier est sans base politique. Cela, en dépit de la défaite de Karim Wade dans son propre bureau de vote lors des Locales de 2009. Comme pour snober son monde, le Pape du Sopi le nomme, en Conseil des ministres, chargé des finances, après avoir désigné son Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, directeur de campagne pour la prochaine Présidentielle. Autant de stratégies peaufinées pour mettre sur orbite son rejeton, qui a du mal à vendre le produit Génération du concret (Gc). Au cours d’une manifestation en Casamance, Abdoulaye Baldé, le compère de Karim Wade, avait révélé que la Gc était l’œuvre de Me Wade.
L’Alliance des forces de progrès (Afp) n’est pas exempte de reproche en la matière. En effet, on a noté en son sein, une forte présence des enfants du Sg, Moustapha Niasse, lors de l’élection présidentielle de 2007. Des enfants qui n’étaient point des figurants dans le directoire de campagne de l’Afp. Si Cheikh Tidiane Niasse, fils aîné de Moustapha Niasse, «est apparu brusquement dans l’organigramme du parti», souffle un ancien «progressiste», pour s’occuper «des relations avec la presse et l’intendance», sa sœur, Mamy Niasse, elle «gérait les sous». Elle était épaulée par Tapha Sy, beau-fils de Moustapha Niasse. Ces gens avaient-ils l’étoffe requise pour occuper de tels postes ? «C’est vrai qu’ils avaient la compétence, reconnaît notre interlocuteur, mais est-ce qu’ils avaient la légitimité ? Cela pose le problème de démocratie interne.» Avant d’ajouter : «Ce n’est pas parce qu’on met ses sous dans un parti qu’il ne doit pas avoir de transparence.» Au lendemain de la Présidentielle de 2007, qui a vu le candidat Niasse arriver à la 4e place, Cheikh Tidiane Niasse va tenter de «remobiliser» l’Afp désarçonnée. Le terrain étant très complexe, l’expert-financier a décidé de s’installer depuis «2 ans» en Angleterre, pour se consacrer à ses affaires. Au crépuscule de son combat politique, le leader de l’Afp mettra-t-il le pied de son fils à l’étrier pour lui succéder ? «Moustapha n’a jamais eu la volonté de porter qui que ce soit à la tête du parti, encore moins son fils. Le seul moyen de promotion, c’est la confiance des militants et le mérite», affirme un de ses proches.

FSD/BJ. RDS. PSD/JANT BI. JëF-JëL : Au nom du papa, du couz’ ou du frangin !

Cheikh Bamba Dièye, leader du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno jubël (Fsd/bj), n’a pas pris trop de temps pour succéder à son père, Cheikh Abdoulaye Dièye, décédé en mars 2002. Le 9 juin 2002, le parti organise un congrès à l’issue duquel il sera porté à la tête du Fsd/Bj. Pouvait-il en être autrement, quand on occupe le poste de porte-parole du parti fondé par son père ? Le concerné s’en défend et parle de «succession démocratique» (Voir Le Soleil du samedi 7 février 2009).  Depuis, l’actuel député-maire de Saint-Louis règne sans partage, car il n’y a pas eu un autre congrès. «On ne veut pas parler de parachutage dans le parti. A chaque fois qu’il y a congrès, les militants se disputent pour des positions», justifie Abdou Ndiaye, cadre du Fsd/Bj. «Le parti fonctionne par ordonnance (Sic)», révèle M. Ndiaye qui annonce, par ailleurs, le prochain congrès de son parti «en décembre ou janvier».
Le Rassemblement démocratique sénégalais (Rds) a tenu son congrès le18 avril dernier pour «confirmer», Matar Guèye au poste de Secrétaire général, deux ans après le décès de son leader Abdou Latif Guèye. Au lendemain d’un accident de voiture qui a emporté le vice-président de l’Assemblée nationale, le 18 avril 2008, son cousin Matar Guèye a hérité du Rds. Ce dernier se justifie : «Le Rds est le prolongement de l’Ong Jamra (dirigé aussi par le défunt Latif Guèye). Alors, il est tout à fait naturel que mes camarades me demandent d’assurer la fonction de Secrétaire général, d’autant que j’étais le porte-parole du parti et que c’est moi qui détenais tous les documents administratifs.» Est-ce suffisant pour légitimer cette dévolution ? M. Guèye admet la tendance à la patrimonialisation des partis. «Pour éviter cette vision de parti-familial, suggère-t-il, les partis doivent faire l’effort pour enlever le cachet supposé familial de leur organisation.» Une rupture qu’il essaie d’amorcer depuis qu’il est à la tête du Rds en demandant à Bamar Diagne, un autre cousin à lui, «de s’éloigner du parti» et de s’occuper exclusivement de l’Ong Jamra qui s’active dans la lutte contre la drogue.
Au Parti pour le socialisme et la démocratie (Psd/Jant bi), on n’en est pas dans cette situation, puisque son leader Mamour Cissé est encore en vie ; mais c’est son frère Abass Cissé qui est le porte-parole du parti. Ce dernier pense qu’il est «très difficile au Sénégal, voire en Afrique, de promouvoir une démocratie interne dans les partis politiques dans la mesure où les leaders sont les seuls à y investir». Du coup, déduit-il, «leur position est rarement contestée» par les militants. Est-ce la logique au Psd/Janti bi ? «Non, dans notre parti, le leader intègre le point de vue de tous», déclare M. Cissé. Avant d’ajouter : «Notre présence  à l’Assemblée nationale prouve que ce n’est pas un parti familial, car nous avons été élus par 15 000 militants.»
A l’Alliance Jëf-Jël, c’est le frère du leader Talla Sylla, Ndiaga qui occupe un  poste stratégique en tant que membre du cabinet. Ce, après avoir été le chargé des élections du parti depuis 1998. Mais, ce dernier réfute toute idée de népotisme dans son parti. «Cette patrimonialisation ne nous intéresse pas. Il est vrai que j’ai un frère avec qui je partage le même combat politique, mais je suis membre fondateur du Jëf-Jël», affirme Ndiaga Sylla. Pour convaincre davantage sur son mérite (?), le frangin de Talla Sylla prend en témoin ses anciens camarades de parti, les ministres de l’Intérieur qui ont eu à organiser les élections. «Ils peuvent témoigner que je maîtrise parfaitement les questions électorales.»

L’OPPOSITION FAMILIALE : Liés par le «sans»

Dans d’autres fratries, les liens de sang n’investissent pas le même champ politique. C’est le cas chez les Dias. Dans cette famille, le père Jean-Paul Dias, Premier secrétaire du Bloc des centristes Gaïndé (Bcg), ne partage pas le même parti que son fils, Barthélémy. Convaincu des valeurs de la social-démocratie, ce dernier a adhéré au Parti socialiste en 2000. A partir des Etats-Unis où il vivait, Dias-fils forme, avec des amis, la Convergence socialiste. Il est convaincu, avant de rentrer au bercail, pour se battre aux côtés de ses camarades. C’est ce même état d’esprit qui prévaut chez le Pr Madior Diouf, Secrétaire général de l’autre tendance du Rassemblement national démocratique (Rnd). Pendant que ce dernier s’était allié avec Moustapha Niasse, de l’Afp, dans le cadre de la Coalition alternative 2007, sa fille, Ndella Diouf, s’était portée candidate pour la Présidentielle de 2007. Avant d’y renoncer.
Le cas de la famille de Madieyna Diouf, n°2 de l’Afp, peut être logé à la même enseigne. En effet, si ce père de famille a choisi de cheminer avec Moustapha Niasse, sa fille, Amy, L’intruse au Palais (le titre de son ouvrage), elle, a choisi d’assister Karim Wade. Ce qui lui vaut l’estampille de membre de la Génération du concret, même si elle s’en défend.

AUTRE FACETTE DE LA VIE CONJUGALE : Le mariage…politique

Landing Savané et son épouse Marie-Angélique Savané, respectivement Secrétaire général et membre du Secrétariat permanent de l’autre tendance d’And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads), apparaissent comme l’archétype d’un «couple politique» du fait de leur longévité au niveau de leur poste. Dans sa longue aventure politique, M. Savané a été soutenu par son épouse qui a intégré, en 1981, le Secrétariat permanent du parti. Certains membres d’Aj/Pads soutiennent que Mme Savané «influence sur les décisions» de son mari. Mais Bara Ndiaye, ancien «Folliste» pense le contraire. «Honnêtement, je ne peux pas l’affirmer. J’ai assisté personnellement à des réunions où elle a été mise en minorité.» D’ailleurs, selon Bara Ndiaye, si Mme Savané a vite gravi les échelons au sein d’Aj/Pads, c’est moins à cause de son statut d’épouse de M. Savané que de son rôle dans le parti. «Elle est membre-fondateur du parti. Elle a été l’une des premières personnes à se montrer lorsque Aj/Pads est sorti de la clandestinité», explique-t-il. C’était en 1981, lorsque le Président Abdou Diouf, successeur de Senghor, autorisa le multipartisme intégral.
Au Parti de la renaissance africaine (Parena), l’organigramme semble se résumer à Marième Wone Ly et à son époux, Tidiane Ly, porte-parole du parti. Depuis sa naissance en 1999, ce parti ne s’est jamais jaugé électoralement et n’a pas tenu de congrès. D’ailleurs, pourquoi se harasser, quand on obtient des prébendes sur la base d’une déclaration de soutien ? Le leader du Parena ne semble pas se plaindre de son statut de sénatrice qu’elle doit au Président Wade. Ce, après avoir été conseillère de l’ex-Pm Macky Sall.
Au Front pour l’alliance patriotique (Fap), l’époux, Ahmed Khalifa Niasse, est le leader ; sa femme, Yaye Fatou Diagne, la présidente des femmes. Mais, le plus atypique est que c’est l’épouse qui va se substituer à son mari-leader pour briguer le suffrage des Sénégalais à la prochaine Présidentielle. «Je nourris l’ambition, mais c’est au congrès de décider. Je suis une Sénégalaise qui a le droit d’être candidate ; la Constitution me le permet», confiait Mme Niasse dans un entretien au Quotidien n°2344. Toutefois, la présidente des femmes du Fap rejette l’idée de patrimonialisation de leur parti, car son mari «sait faire la part des choses». «ll n’y a pas de conflit d’intérêts entre nous deux. Avant de m’y lancer, nous avons discuté pour ne pas mélanger le couple et le parti. Dans le parti, il a son opinion, j’ai la mienne, et le débat est ouvert», dit-elle. Pari osé, tout de même.
Le Parti de la vérité pour le développement (Pvd) se veut «différent des autres». Son premier signe distinctif réside dans l’organigramme. Au sommet du parti, on a un guide et fondateur, Serigne Modou Kara Mbacké. Il est suivi de la présidente, son épouse, Sokhna Dieng Mbacké. Ici, les rapports sont verticaux. Amara Fofana, leader des jeunes et porte-parole du Pvd, théorise : «Notre démocratie est basée sur l’élégance ; on ne doit pas critiquer, mais donner des idées saines. Après avoir écouté tous les points de vue, le dernier mot revient à Serigne Modou Kara.» S’agissant du poste de présidente du Pvd occupé par l’épouse de son guide, M. Fofana justifie : «Sokhna Dieng a été choisie pour ses compétences et son expérience professionnelle.» Or, dit-il, les militants avaient, au préalable, jeté leur dévolu, après la démission de Ibrahima Sall, sur Samba Kara Ndiaye, président du Pvd aux Etats-Unis, Mamadou Sylla, responsable du Pvd en Europe, et sur Mame Thierno Birahim Mbacké, petit frère de Kara Mbacké.

lequotidien.sn

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