Beaucoup d’observateurs, dont certains peut-être de bonne foi, ont comparé les pays musulmans aux pays occidentaux et tiré souvent des conclusions quelque peu hâtives, voire erronées ; en effet, selon leur logique biaisée, tout semble insinuer que l’Islam est incapable d’assurer le développement et que les musulmans sont incapables de relever les défis de l’heure, du fait de leur retard par rapport à l’avancée d’une science ‘’toute puissante’’ de plus en plus conquérante et d’une technologie de plus en plus sophistiquée ; et tout cela, en dépit des recommandations coraniques et de la Tradition du Prophète (psl) appelant à la quête de la connaissance tous azimuts. Heureusement qu’il n’en est rien ; la réalité est tout autre ; oui, les défenseurs de telles thèses aussi dégradantes pour l’Islam et les musulmans se sont très certainement fourvoyés en comparant, à tort, des pays qui n’ont pas le même profil de développement, car n’ayant pas les mêmes croyances et objectifs (salut dans la vie présente et future) ; oui comparaison n’est pas raison. En effet, dans une perspective religieuse, la pauvreté qui est une épreuve constitue une étape incontournable dans la marche vers le développement ; quoique cela puisse paraître paradoxal, elle a la vertu de fortifier le psychisme et de procurer le bien-être à un peuple croyant (Cor. 2 : 155-157 – La Vache – Al-Baqarah) ; par contre, une prospérité en dehors de la foi constitue une grave menace et annonce une rigueur inéluctable, en guise de rappel ou de châtiment divin (Cor. 17 : 16 – Le Voyage Nocturne – al-‘Isrâ’). La Bible ne dit pas autre chose ; elle enseigne très explicitement que le ‘’Royaume de Dieu’’ appartient aux pauvres : « [Propos de Jésus Christ :] … Heureux, vous qui êtes pauvres, car le ‘’Royaume de Dieu’’ est à vous ! Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous aurez de la nourriture en abondance ! Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous rirez ! … Malheur à vous qui avez tout en abondance maintenant, car vous aurez faim ! Malheur à vous qui riez maintenant, car vous serez dans la tristesse et vous pleurerez ! …». (Evangile selon St Luc 6 : 17-26)
Et certes, le monde islamique et l’Occident divergent fondamentalement sur la perception du développement durable ; l’un privilégie le développement humain et l’autre le développement technologique – alors que les deux sont complémentaires ; oui l’un ne peut pas aller sans l’autre ! Et en vérité, du fait de la mondialisation et des nouvelles réalités qu’elle a engendrées, il est devenu évident pour tous qu’aucune communauté ne peut se développer en se refermant sur elle-même ; il convient donc de considérer les différences comme un enrichissement, de s’unir sur l’essentiel et de se mobiliser ensemble pour l’instauration d’une paix durable et la résolution les difficiles problématiques qui accablent la planète (crise économique et financière, alimentaire, écolgique, sanitaire, énergétique, etc.). Et telle est, en vérité, la vocation de l’Islam dont les principes ne diffèrent guère de ceux des autres religions monothéistes (Christianisme et Judaïsme) ; oui, au-delà du salut dans la vie future, toutes ces religions proposent une alternative crédible pour un mieux-vivre : le salut dans la vie présente et donc l’allégement des souffrances et l’instauration d’une cité juste. Et c’est là que réside le véritable problème de l’Occident ; il s’est déchristianisé et n’entend pas faire évoluer la pensée contemporaine dans cette perspective religieuse, en dépit de l’imprégnation spirituelle croissante notée dans le reste du monde, tel que l’avait prédit André Malraux : ‘’le 21ème siècle sera spirituel (religieux) ou ne sera pas’’ ! Ainsi, la France qui croyait avoir ‘’définitivement’’ sorti Dieu de l’école, depuis 1905, sous l’impulsion de Jules Ferry, doit nécessairement tenir compte des mutations sociologiques et remises en question idéologiques notées actuellement, pour éviter le pire (le déclin, entre autre) ; oui, elle doit impérativement s’ouvrir davantage aux autres civilisations, et en particulier à l’Islam qui est une religion dynamique par essence et par excellence et dont la vocation est, entre autre, de proposer des solutions à toutes les problématiques, à chaque époque et à chaque contexte ; et dans cette perspective, il convient, certes, d’exploiter les principes du Coran et du Hadith, mais aussi de les féconder avec les connaissances ‘’profanes’’, conformément à l’exhortation du Prophète (PSL) d’aller chercher la connaissance jusqu’en Chine (contrée lointaine et infidèle, en son temps) ; c’est ainsi qu’il faut comprendre que ‘’les Textes Sacrés (Thora, Evangile, Coran) soient une explication de toute chose’’ [(16. Les Abeilles : 89 – An-Nahl) ; (6. Les Bestiaux : 154-155 – Al-An’âm)]. Ainsi, les musulmans doivent forcément s’ouvrir aux autres, en particulier à la civilisation occidentale, et s’approprier toute connaissance licite (technologie, en particulier) ; oui, ils sont condamnés à cohabiter avec les non-croyants et souvent à recourir à leur assistance, car Dieu leur a donné l’hégémonie pour les choses de ce bas-monde. En effet, selon le Prophète (psl), les ‘’Rûm’’ (romains) seront les plus nombreux, à la ‘’fin des temps’’ et ils auront quatre qualités : solidité en périodes de troubles, promptitude à se relever d’une épreuve et à tromper ses ennemis (stratégie), bienveillance à l’égard du pauvre, du faible et de l’orphelin) ; en plus, ils auront un cinquième mérite ; celui de mieux se préserver de la tyrannie des rois (Hadith rapporté par Muslim). Et à l’évidence, ce sont là les qualités qui ont donné aux occidentaux la suprématie sur l’ensemble des autres communautés, en matière humanitaire et militaire, en dépit de leur manque de conviction religieuse. Et c’est dire donc que l’Occident est incontournable pour la gestion des problèmes de la planète.
Ainsi, c’est aux intellectuels musulmans qu’incombe la mission de faire la synthèse de la civilisation occidentale et islamique, en veillant, bien entendu, à ne pas succomber à la fascination. Oui, enracinement dans la civilisation islamique, mais ouverture nécessaire aux autres civilisations – Telle est la perception islamique du dialogue des civilisations. Ainsi, les musulmans, avaient vivement salué l’appel du Pape de l’Eglise catholique (lors de son voyage en Espagne) invitant ‘’l’Europe à s’ouvrir à Dieu’’ et ‘’à donner plus de vigueur à ses racines chrétiennes’’ ; car persuadés que si l’Europe se spiritualise à nouveau, elle convergera forcément avec le monde islamique, car les principes des trois religions monothéistes (Islam, Christianisme, Judaïsme) sont strictement identiques.
Et pour ne pas conclure, de rappeler que le développement n’est pas seulement une affaire de technologie ; c’est surtout une question de sens et de comportement moral (Cor. 13 : 11 Le Tonnerre – Ar-Ra’d) ; ce qui, hélas, ne peut être appréhendé que par un croyant. Et ceux qui s’interrogent encore, en occident, sur la capacité de l’Islam à développer une société, doivent se rappeler que l’Europe ne serait pas ce qu’elle est actuellement, n’eut été l’influence de la civilisation islamique.
DOCTEUR MOUHAMADOU BAMBA NDIAYE
Ancien Interne des Hôpitaux de Dakar
Pédiatre à Thiès
Recteur de l’Université Virtuelle ‘’La Sagesse’’ de la Fondation Serigne Babacar SY Ihsaan – Bienfaisance (Thiès).
