Macky Sall et la tentation du révisionnisme

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Le Président Macky, Président né après les indépendances (formule que j’ai toujours trouvée ridicule et absurde) vient encore de s’illustrer par l’étroitesse de sa culture. En justifiant le caractère privilégié des relations entre le Sénégal et la France, il prétend que les tirailleurs sénégalais avaient un traitement de faveur (comparés à leurs frères africains) et que la colonisation avait des bienfaits. Pire, le caractère pacifique de la décolonisation est attribué à la France ! Il faut remarquer d’emblée que Sarkozy n’aurait pas trouvé meilleur interprète et nègre de service pour faire passer son fameux « Discours de Dakar ».

Un esclave affranchi qui rend grâce à son maître qui a eu la générosité et l’humanisme de l’affranchir sans faire couler le sang ! Je ne sais entre le maître et l’exclave qui pense de façon aussi scandaleuse qui mérite le plus d’être réprimandé. Car il ne peut y avoir d’humanisme dans la décision que prend un criminel de réhabiliter une victime dont les droits ont été violés des siècles durant. La liberté ne saurait être un cadeau qu’un homme fait à d’autres hommes, car il est de l’essence même de l’homme d’être libre, ou plus exactement, pour parler comme Sartre d’être liberté. Que des tirailleurs africains dits sénégalais combattent pour la liberté de la France qui leur refusait la même liberté, c’est la grande antinomie de l’histoire qu’il faut résoudre au lieu de s’aventurer dans des déclarations révisionnistes.

Que des sénégalais parmi les tirailleurs sénégalais bénéficient d’un traitement de faveur par les soins de la métropole, c’est à la limite une insulte, voire une prime à la légèreté et au manque de « patriotisme de dominés ». On ne sait d’ailleurs pas ce que représente un maudit dessert face au sang versé par ces tirailleurs pour la liberté de la France ! Je refuse de penser que des soldats sénégalais puissent trahir leurs frères d’armes et de sang au point d’accepter un dessert auquel d’autres soldats africains n’auraient pas droit. Je refuse de croire que des sénégalais fussent naïfs et irréfléchis au point d’accepter de jouer le jeu du colon qui consistait à diviser pour mieux régner. Non, c’est encore une farce de mauvais goût comme le Président de la république a l’habitude de nous en servir quand il est confronté à l’aporie de ses choix politiques sans vision !

Ce qui est inhumain et inexcusable, c’est qu’on refuse de traiter les tirailleurs sénégalais comme les militaires français alors qu’ils étaient égaux face à la mort ambiante au front. Non ! C’est à la France de chanter l’abnégation de nos anciens combattants, c’est à la France de réparer une injustice qui montre encore le manque de respect qu’elle a vis-à-vis de notre peuple. Je refuse de chanter en chœur avec le Président l’amitié franco-sénégalaise autour du dessert offert aux anciens combattants. Cette chanson abjecte ne prouve pas que la France respecte le Sénégal et les Sénégalais : elle prouve au contraire que pour elle, la culture du cadeau de la pacotille est la chaine la plus robuste avec laquelle on maintient le noir dans la captivité mentale.

Macky Sall et sa cour ne mesurent certainement pas la gravité de ses propos sur la colonisation et sur les tirailleurs sénégalais. L’histoire est une science, par conséquent un domaine de recherche où la réfutabilité est de rigueur. Cependant toutes les historiennes et tous les historiens français qui ont eu l’outrecuidance de vouloir réfuter scientifiquement une partie de l’histoire du génocide que les nazis ont perpétré contre les juifs ont été poursuivis en justice et condamnés. Pourtant on aurait pu arguer qu’on est dans le domaine de la science et qu’il n’y a ni dogme ni tabou, que comme le dit Carl Popper, la science ne saurait être totalitariste, elle est foncièrement libérale. Au nom de la liberté de l’historien, on aurait pu tolérer que des chercheurs explorent indéfiniment cette page sombre de l’histoire de la deuxième guerre mondiale, car une vérité historique, comme toute vérité scientifique, est en « sursis ». Mais la façon dont ces évènements sont interprétés a été au contraire cadenassée : point de liberté face à la conception de ce génocide. Mais quand il s’agit de la colonisation et de l’esclavage dont les Africains ont été victimes, toutes les libertés sont tolérées.

Gelwar de feu Sembène Ousmane nous a pourtant beaucoup secoués pour nous réveiller de cette torpeur, mais quand on a des Présidents qui prennent des gadgets pour des destinées, on est un peuple de somnambules. Nous devons exiger que certains aspects de l’histoire de la colonisation et de l’esclavage soient frappés du sceau de la sacralité pour éviter que la mémoire de nos ancêtres continue d’être souillée. On ne peut pas tolérer qu’un Président sénégalais, pays de Cheikh Anta Diop, se permette de dire de telles contrevérités sur notre histoire. Nous devons exiger des excuses publiques de la part du Président sénégalais, car cet affront n’est pas seulement fait aux Sénégalais : tous les Africains doivent s’indigner devant une telle hérésie scientifique. La parole d’un homme d’État n’est pas innocente, elle n’est même pas une simple parole, c’est un acte ! Il y a des discours dont l’objectif est de bénir des faits, d’autres dont le but est tout bonnement d’engendrer le réel : celui de Macky est doublement grave, car il bénit les crimes coloniaux et minimise la valeur des anciens combattants.

« Le malheur s’abattra sur quiconque osera ouvrir ce sarcophage » : cette inscription sur la tombe des pharaons avait pour signification la préservation de la dignité d’un mort, surtout lorsqu’il s’agit, d’un héros. Or les tirailleurs sénégalais étaient des héros ! Les anciens Egyptiens pensaient, comme les sérères avant l’islam, que la vie continue après la mort : allégoriquement cela justifiait la pratique consistant à enterrer le mort avec ses biens précieux. Quand on regarde comment les pyramides ont été violés et volés par des chercheurs de trésor, on comprend la prudence des anciens Egyptiens : les plus précieux trésors de l’histoire sont souvent profanés. Il faut donc comprendre qu’au-delà de l’aspect rituel, il y a derrière cette pratique le souci de préserver l’intégrité de la dignité des morts. Car le pire des cannibalismes est celui dit intellectuel ou historique : réduire le sens et la portée d’évènements vécus par des générations antérieures à nos préoccupations actuelles. Macky Sall a fait pire : il a vendu à vile prix la mémoire de nos ancêtres à la France, pays où ses rêves et ses ambitions se sont réalisés à l’insu du peuple sénégalais. Ce monsieur ne mérite pas d’être notre Président !

Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Président du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

3 Commentaires

  1. Monsieur Kitane. Tu reviens encore aprés ton article sur les propos de Penda Bâ.
    Sache pour de bon que tu es un rancunier et complexé.Pourquoi n’intervenais tu pas pendant tout le temps que les wolofs insultent les halpoulaars avec la legéreté connue de leur langue.Tu es ethnocentriste et injuste.
    Un intellectuel ne peut être ethnocentriste et borgne

  2. Merci M. KITANE. Seuls les indignes ne peuvent ressentir la Grande Honte née des propos insultants et dégradants de cet indigne apprenti président arriviste au passé vierge et pauvre. Il n’y a qu’un pire Esclave Complexé Traitre Cannibale Colonisé Mental qui a les aptitudes de déclarer des propos aussi infâmes et indignes. Que voulez-vous d’ailleurs? Un indigne ne peut débiter que des propos indignes. Et un digne ne saurait sortir un seul propos indigne. Voilà les conséquences d’élire un bouffon esclave indigne. Il chie sa Merde sur toute une race, les générations antérieures et actuelles toutes confondues, du Sénégal et de l’Afrique. Par ses propres propos et actes, il donne toujours raison à Wade qui l’a taxé de Diam et Deum. Il faut dégager cette sale peste insalubre au peuple Sénégalais et Africain.

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