Malgré sa consécration constitutionnelle (Art : 8 de la constitution) le droit à la santé demeure une utopie au Sénégal

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Le Sénégal, attiré par la politique de démocratisation qui détermine l’ouverture internationale d’un pays, n’a pas manqué depuis son indépendance d’afficher clairement par le biais de son préambule constitutionnel, son adhésion aux instruments internationaux adopté par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Unité Africaine (UA). Ces organisations à vocation universelle ou régionale interviennent presque dans tous les secteurs notamment celui de la santé. A ce titre, elles élaborent des recommandations, résolutions ou règlements sanitaires et invitent les Etats signataires à leur application effective au niveau interne.

Ainsi l’intervention de l’ONU dans les questions sanitaire a donné naissance à une institution à objet sanitaire et universelle connue sous le vocable de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). C’est donc cette organisation internationale qui érigé en premier la santé comme un droit fondamental.

Toutefois l’adhésion du Sénégal à l’Organisation Mondiale de la Santé, son attachement aux déclarations universelles des droits de l’homme et sa reconnaissance constitutionnelle du droit à la santé l’oblige à chercher à mettre en place une politique de santé efficace pour faire face aux défis de l’accessibilité et de la qualité des soins de santé.

L’amélioration de la santé de la population et la promotion de son bien être ont été un souci constant des gouvernements sénégalais qui ont consacré à ce secteur des ressources assez importantes. Depuis l’indépendance, la politique sanitaire est commandée par deux grands principes?: le droit à la santé pour tous les citoyens et le caractère indivisible de la médecine qui s’appuyait sur l’unicité du système de santé depuis la case de santé jusqu’au Centre Hospitalier Universitaire (CHU).

Le système de santé peut être défini comme l’ensemble des moyens (organisationnels, humains, structurels, financier) destinés à réaliser les objectifs d’une politique de santé. Le système de santé doit pouvoir identifier les besoins de la population, déduire les priorités et mettre en place les actions nécessaires pour réaliser des objectifs prédéfinis. Ce système sanitaire sénégalais repose sur le principe de complémentarité concurrence entre un secteur privé et un secteur public.

Le secteur privé de la santé connait de plus en plus une amélioration, avec notamment l’expansion des cliniques, des cabinets, des pharmacies etc…, alors que le secteur public tarde à satisfaire les populations malgré la réforme entamée par le gouvernement sénégalais en 1998 dans le but d’améliorer la performance des hôpitaux sur le plan de la gestion et de la qualité des soins. Ce secteur public de la santé de notre pays se présente sous forme de pyramide à trois niveaux?: l’échelon périphérique ou district (poste de santé, centre de santé) l’échelon régional ( région médicale) et l’échelon national ou central et repose sur les principes d’unicité et d’interdépendance entre échelon.

Mais dans la pratique ces principes sont souvent violés. Les hôpitaux de référence refusent de prendre des malades venus des districts en cas de transfert , prétextant un manque de place. Par illustration un professionnel de santé m’a rapporté suite à mes enquêtes «?Qu’ils leur arrivent lorsqu’ils transfèrent un malade d’un district à un hôpital de référence (régional ou national) de demander à l’ambulancier du district de faire descendre le malade une fois prés de l’hôpital pour qu’il prenne un taxi avant que les agents de l’hôpital ne le voient, si non le malade risque d’être retourné. Ils confirment même que ces faits fréquents ont souvent occasionné l’aggravation de la maladie ou la mort du patient.?»

Cette situation s’explique par le fait que l’hôpital suite à la réforme de 1998 est devenu un établissement public ayant une autonomie financière et de ce fait il lui appartient non seulement d’assurer sa gestion mais aussi d’alimenter son propre budget pour mieux assurer son fonctionnement.

Toutefois il faut noter que la réforme hospitalière de 1998 a peu prés redoré l’image de l’hôpital et a permis à celui-ci de concurrencer le secteur privé hospitalier. Ainsi l’établissement de soins se rapproche de plus en plus des populations, la formation du personnel et la performance se préconisent de plus en plus, l’accessibilité est beaucoup plus ressentie qu’au paravent notamment avec l’amélioration de la prise en charge et la subvention par les pouvoirs publics de certaines catégories de maladies.

Mais toutefois on retient que le secteur de la santé reste caractérisé par une insuffisance des infrastructures sanitaire et social et en prestations de services.

Le personnel de santé est mal réparti peu motivé à exercer ces activités sur l’ensemble du territoire national en particulier au niveau des zones pauvres et reculées.

A cela s’ajoute , la pauvreté accentuée par une marche progressive vers une privatisation du service public de la santé, aggravée surtout par la nouvelle crise économique qui secoue le monde.

La gestion des établissements hospitaliers constitue également une difficulté majeure pour l’amélioration des soins de santé au Sénégal?: d’abord du point de vue de l’organisation et du fonctionnement de l’institution hospitalière on constate souvent une cohabitation difficile entre le corps administratif et financier et le corps médical. Les médecins ont du mal à accepter l’immixtion d’un autre corps dans leur milieu, exerçant un contrôle et une surveillance sur eux. Le corps médical souvent dirigé par un administrateur ou plus clairement un non médecin qui assure la direction cherche à tout prix à imposer son pouvoir pour mener à bien sa politique de gestion. D’où la source de nombreux conflits qui secouent le milieu hospitalier (grève, démission des directeurs, préférence du secteur privé par les médecins qu’ils jugent moins contraignant). Pourtant dans d’autres secteurs aussi particulier que la santé ces administrateurs de gestion réussissent.

Le manque de ressources financière voire des endettements colossaux de la plus part des hôpitaux ainsi qu’en déficit de ressources humaines qualifiées freine le démarche qualité tant prônée.

Le problème de l’acquisition et de la maintenance des équipements. Souvent les hôpitaux surtout les centres de santé ont d’énormes difficultés pour disposer de blocs opératoires et d’un équipement adéquat pour la prise en charge des soins obstétricaux d’urgence. Mais, malgré l’acquisition parfois d’équipements sophistiqués dans certains grands hôpitaux (scanner) et d’appareil d’échographie dans plusieurs centres de santé, il faut reconnaître que des difficultés énormes se sont posées?.

Quant à la maintenance régulière d’équipements d’imagerie médicale et ou de laboratoire, compromet le relèvement du plateau technique.

La question de l’accessibilité des médicaments constitue également un obstacle majeur du système sanitaire sénégalais. Ainsi on note une détérioration sensible de la disponibilité des médicaments essentiels au niveau de la Pharmacie National d’Approvisionnement ( PNA ) entrainant parfois des ruptures de stocks de médicaments. Ensuite il y a question des médicaments de la rue qui gagne du terrain au Sénégal, même si récemment le gouvernement sénégalais a pris la ferme mesure de lutter contre cette pratique illicite.

Il ya enfin la médecine traditionnelle qui présente une grande importance pour une bonne partie de la population son absence de réglementation constitue une faille énorme du système sanitaire sénégalais.

Face à la liste de ces difficultés du système sanitaire sénégalais qui loin d’être exhaustive, la revendication d’un droit à l’accès aux soins apparait sans doute au Sénégal comme une utopie sécrétée par l’idée de la démocratie sociale.

Dés lors, pour rendre effectif ce droit à la santé, les exigences liées à l’égal accès aux soins des personnes en difficultés financières et sociales, doivent être progressivement satisfaites. D’abord, que ces personnes puissent bénéficier des prestations offertes par le système global de santé. Ainsi avec le régime précédent, le Président Abdoulaye Wade a voulu jouer sa partition dans ce domaine aves son fameux Plan Sésame qui avait pour but d’assurer la gratuité des soins des personnes âgées, mais sa politique semble manquer de pertinence par défaut de mesures d’accompagnement. Son prédécesseur actuel Le Président Maky Sall a fait de même pour les enfants de moins de 5 ans. Reste donc à voir si cette politique de gratuité sera accompagnée de mesures efficaces pour son effectivité et sa pérennité.

Par ailleurs l’aide ou la couverture médicale ne suffisent pas pour assurer la protection sanitaire de la population, l’Etat doit mener des actions liées à l’éducation pour la santé à la promotion et à la prévention.

L’application du droit à la santé nécessite également des garanties judiciaires qui autorisent aux populations des recours juridictionnels en cas de violation de ce droit. Or dans les pays en voie de développement comme le Sénégal, il est presque inhabituel ou rare de voir la saisine du juge en pareille situation, contrairement aux pays développés comme la France , les Etats Unies etc..?; où on enregistre de plus en plus un nombre pléthorique d’actions intentées devant le juge pour engager la responsabilité de l’Etat et éventuellement celle du médecin. Ce nombre infirme de contentieux mettant en cause la responsabilité des médecins par rapport à l’importance de leurs activités suffit pour expliquer l’inefficacité du système juridique sénégalais dans son rôle de protection du droit à la santé.?Cette inefficacité s’explique par la méconnaissance des juges de la réglementation sanitaire par l’analphabétisme des populations par l’absence de culture juridico- judiciaire des sénégalais du fait du fatalisme religieux c’est-à-dire le «?YALLA KO DOGGAL?»

Etant entendu que le droit à la santé est explicitement consacré dans l’ordonnancement juridique interne et externe, il devait dés lors exister une juridiction nationale ou internationale pouvant contraindre l’Etat à rendre effectif ce droit par des actions ou programmes sanitaires efficaces.

Au plan national , il est partager par tous que le juge sénégalais n’a pas les moyens ou le pouvoir de donner des injonctions à l’Etat pour le contraindre à appliquer une décision de justice, surtout lorsque celle-ci tend à remettre en cause le plan d’action ou le programme établie par le gouvernement dans le cadre de sa politique de santé. Pourtant dans d’autres pays , le juge est souvent saisi par une ONG, une association pour contester un programme sanitaire du gouvernement. Par exemple en Afrique du Sud devant la Haute Cour de Justice en date du 14 décembre 2001, le Legal Ressource Center (LRC), une organisation juridique de premier plan vouée à la défense de l’intérêt public en Afrique du Sud, a obtenu devant la dite cour, une décision visant à forcer le gouvernement sud africain à administrer des traitements contre le VIH aux femmes enceintes afin d’empêcher la transmission à leurs enfants à naître du virus causant le SIDA.

La Haute Cour a également statué que le gouvernement disposait de trois (3) mois pour élaborer un plan d’action sur la manière dont il entend étendre le programme de prévention du SIDA aux femmes enceintes afin de protéger leurs enfants à naître. A cela s’ajoute la nécessité d’une fonction publique hospitalière mais également l’acceptation des médecins de regagner l’hôpital et céder la gestion aux administrateurs car le rôle du médecin et de soigner et non de gérer.

Cheikh El Hadji Malick Sy MBAYE
Consultant juridique
Doctorant en droit
Professeur vacataire de droit de la santé à l’ENDSS
Professeur vacataire à l’Université Régional de THIES
Quartier Grand Thiès
Email?: [email protected]

1 COMMENTAIRE

  1. A mon avis, peu de Sénégalais s’attendaient à un changement radical en si peu de temps . Pour que les populations aient des chance d’être aussi bien traités que dans d’autres pays à revenus égaux aux nôtres et dans vingt ans, c’est maintenant que quelques mesures devraient être prises, à moins de trouver des richesses en hydrocarbures immenses dans notre sous-sol ces cinq années à venir! Le gouvernement du Sénégal devraient demander l’aide de plusieurs pays amis qui recevraient en même temps au moins 300 jeunes étudiants en médecine qui après 7 ans reviendraient au pays, avant d’en spécialiser au moins le tiers, qui s’ajouteraient à leurs collègues ici présent depuis des décennies. Quand on sait que notre pays ne disposerait que de trois ou quatre radio thérapeutes et de quatre néphrologue, et que la Ville de Kaffrine ne disposerait plus de pédiatre , comme beaucoup d’autres villes d’ailleurs. Je préconisais une autre approche que voici : Chaque commune devrait aider les meilleurs élèves et étudiants, en leur octroyant des bourses d’études en médecine, et en accord avec l’état, ces derniers s’engageraient à rester dans leurs localités au moins quinze ans avant de bénéficier d’une affectation ailleurs. C’est une idée !

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