MAMADOU DIOUF ET ACHILLE MBEMBE DEBATTENT DE L’AFRIQUE Eloge de la pensée critique

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«Le temps de l’Afrique viendra !». C’est le thème d’une réflexion commune proposée samedi dernier, à la librairie Athéna, par Mamadou Diouf et Achille Mbembe, avec la participation de Hamidou Dia, modérateur des débats.
A l’entame de son propos Mamadou Diouf raconte qu’il lui est arrivé, à l’Université Columbia, à New York, de poser à ses étudiants des questions relatives à la géographie du monde. A la question : Que savez-vous de l’Asie ? Quelques étudiants ont répondu, fait-il remarquer. Quand il s’est agi de l’Afrique, « tout un chacun en avait une idée ». Aussi Mamadou Diouf fera-t-il remarquer : «L’Afrique est fragmentée, différente mais il y a une idée de l’Afrique qui s’est imposée au monde»

Abordant le devenir du Continent, il affirmera une conviction forte, à savoir que «Le moteur de l’histoire de l’Afrique, c’est le conflit de génération et les ruptures de l’histoire de l’Afrique sont définies par la crise générationnelle ». C’est ainsi qu’il s’est démarqué une fois de plus de la maxime d’Ahmadou Hampâté Ba, selon laquelle : «un vieillard qui meurt et une bibliothèque qui brûle». Tout en relevant que ce dernier « ne parle pas de vieilles mais de vieillards», il fait remarquer au passage que : «Hampâté Ba est un vieillard au moment où il profère cette idée ». Ce qui lui fait penser qu’ «il est en train de défendre ses intérêts». Il n’y a pourtant rien d’évident à cela. Puisant dans ses souvenirs de lecture, il rappelle que Sembene Ousmane a mis le doigt dans un de ses ouvrages, Véhi Cosanne, sur le fait que les gens qui ont fait les plus grandes atrocités sont les vieux. Ce sont eux, dit-il, qui épousent de petites filles de 12 ans. Et de rappeler que le pouvoir des anciens reposait sur le contrôle des femmes et l’accès aux femmes.

Selon Mamadou Diou, il «faut penser l’Afrique en dedans». Tout en se désolant du fait que «la répétition est devenue la grande expertise de l’Afrique », il avertit qu’on va droit dans le mur « si on n’arrête pas » cette tendance. En réalité, fait-il observer : « les traditions ne sont pas figées mais sont toujours réinventées par des jeunes».

Sa conviction est faite : «il n’y a pas de pensée qui ne soit insurrectionnelle». Et d’enfoncer le clou: «Si on pense pas insurrectionnellement on est mort ». Ce qui montre l’importance de l’éducation, de l’accès aux livres. Il s’est ému des grèves qui secouent le système éducatif sénégalais. «Depuis 1988, il y a ces grèves inouïes et ça continue et on rattrape l’année universitaire. En rattrapant l’année, on continue à détruire les cerveaux».

Pour Achille Mbembe, enseignant à l’Université de Witwastersrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, « le moment de la pensée dans lequel nous nous trouvons est celui de la pensée critique et il exige de nous sortir des impasses auxquelles nous ont conduit les débats sur l’afro pessimisme ou l’afro optimisme ». Car, cela consiste, notamment dans ce cas «à partager la croyance selon laquelle l’histoire est terminée». La pensée critique, a-t-il ajouté, «est une pensée qui tient compte de l’histoire et de ses ambiguïtés et de ses paradoxes. C’est aussi une pensée capable d’abstraction».

De son point de vue, l’Afrique avance vers plusieurs directions. «Ce qui se passe ici n’est pas ce qui se passe au Congo Kinshasa, cœur des ténèbres, lorsqu’il s’agit de l’avancée démocratique». Ou d’un pays tel que le Cameroun, «qui est gouverné par une centaine de vieillards ». Ces derniers «pensent qu’ils ne vont pas mourir ou s’il leur arrive de mourir, ils ne veulent pas y aller seuls». Selon Achille Mbembe, «la grande peur du Grand homme est la solitude. Il faut qu’il parte avec sa mémoire». Ainsi, dira t-il : «les vieillards sont contents de brûler la bibliothèque et de déchirer les archives»

Mamadou Diouf et Achille Mbembe partagent toutefois une conviction commune, à savoir que « les affaires africaines sont les affaires des Africains». Tous deux voient dans «cette logique de la responsabilité, une condition d’habiter le monde».

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