Me Doudou Ndoye révèle la deuxième suppression de la Crei

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La nouvelle législation présentée au Parlement par le président de la République et votée le 3 novembre est une «photocopie» de la loi française. C’est du moins l’avis de Me Doudou Ndoye. Mais il y a pire,  selon l’ancien Garde des Sceaux qui révèle que cette nouvelle loi a supprimé la Crei des institutions judiciaires du Sénégal.

Ancien ministre de la Justice et ancien député, Me Doudou Ndoye vient de soulever un lièvre. Invité de l’émission Opinion  qui sera diffusée ce dimanche sur Walf fm et Walf tv, Me Doudou Ndoye révèle, en effet, que la nouvelle organisation judiciaire qui a été votée le 3 novembre 2014 n’est rien d’autre qu’un plagiat de la loi française. «Voilà quelque chose de nouveau, de très important dans notre pays et qui est passé inaperçu. Voilà quelque chose de grave pour le Sénégal. Ce qui vient de se passer me paraît sérieux. Le 3 novembre 2014, il y a trois mois, l’Assemblée nationale du Sénégal a voté une nouvelle loi pour dire que toute l’organisation judiciaire du Sénégal passée est effacée. Nous parlons d’une nouvelle organisation judiciaire, donc ne parlons plus de la loi Doudou Ndoye, c’est dans le domaine du passé», révèle  Me Doudou Ndoye. Mais selon lui, cette nouvelle législation qu’il nomme la loi «Macky Sall-Sidiki Kaba» n’est rien d’autre qu’une pâle copie de la législation française. «Alors qu’est-ce qu’ils ont fait? Ils ont photocopié l’organisation judiciaire française, ils n’ont rien créé», poursuit l’avocat et ancien Garde des Sceaux sous le régime socialiste d’Abdou Diouf. Me Doudou Ndoye en veut pour preuve, la création de tribunaux de Grande instance et les tribunaux d’instance comme c’est exactement le cas chez l’ancien pays colonisateur. «En France, il y a le tribunal de Grande instance et le tribunal d’instance. Ce dernier, c’est comme les tribunaux des communes. Chaque mairie aura ce qu’on appelle un tribunal d’instance qui va juger des petites choses. Alors que le tribunal de Grande instance a une compétence plus étendue dans toute la ville. Ils ont recopié les mots. C’est tout», souligne Me Doudou Ndoye.

Mais il y a pire. Selon lui, l’autre nouveauté de ce nouvel ordonnancement judiciaire, c’est la suppression de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) qui est en train pourtant de juger Karim Wade. «La Crei n’existe plus dans l’ordonnancement judiciaire du Sénégal. Ils ne mentionnent pas la Crei», affirme Me Doudou Ndoye. Désormais les institutions judiciaires sont la Cour suprême, la Cour d’appel, les tribunaux  de Grande instance et les tribunaux d’instance qui sont seuls compétents pour juger les affaires pénales. «Je dis que, aujourd’hui, la nouvelle loi présentée au Parlement par le président de la République et votée le 3 novembre a supprimé la Crei des institutions judiciaires du Sénégal», martèle l’avocat et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle. Puis il ajoute : «Je pose une question aux juristes sénégalais : voici une loi du 3 novembre 2014 publiée au journal officiel du 10 novembre 2014 dont j’ai fait le commentaire que  je vais publier la semaine prochaine. Lisez mon commentaire et dites-moi où se trouve la Crei dans les institutions judiciaires du Sénégal.»

Par conséquent, il demande aux juges de cette Cour spéciale qui doivent prononcer leur verdict le 23 mars prochain de tirer toutes les conséquences de cette suppression. «Je ne dis pas aux magistrats ce qu’ils doivent faire. Ils ont leur rôle, ils passent leur vie à rendre de bons jugements et passent le 1/3 de leur vie à rendre de mauvais jugements. Il appartient à ces magistrats d’étudier les lois et d’en tirer les conséquences selon  leur conscience», dit-il.

Enfin, dans un autre registre, Doudou Ndoye  s’oppose à la réduction de la durée du mandat du président de la République de 7 à 5 ans. «Il a été élu pour sept ans. Il n’a qu’à gouverner pendant sept ans et nous montrer ce qu’il peut faire. Il ne va pas nous faire encore des élections l’année prochaine pour dépenser encore des milliards de francs qui peuvent aller dans l’éducation, etc.», conclut l’ancien ministre de la Justice. Les juges prendront-ils en compte cette nouvelle réalité judiciaire? That’s the question.

wALFADJRI

4 Commentaires

  1. ILS l’ont fait en catimini pour éviter leur condamnation en cas de défaite en 2017. C’est un scandale qui signifie que Macky Sall utilise la CREI comme une arme politique contre Karim Wade uniquement et après il s’en débarrassera comme il l’a déjà fait.C’est mesquin et indigne.En tous les cas il fera un tour las-bas dissolution ou pas.

  2. Si Macky Sall quitte le pouvoir, la prochaine CREI n’a pas besoin d’exister pour juger sa famille. Au moment même où eux même utilise la CREI, elle n’existe pas. Elle a cessé d’exister en 1984. Alors, quand ils quitteront le pouvoir, on fera exactement ce qu’ils ont fait pour les juger. Rien de nouveau ne sera inventé.

  3. Affaire Karim WADE c/ Etat du Sénégal : retour sur les propos de Doudou Ndioye
    Sur l’exception d’inconstitutionnalité : une suppression en 2008 ?
    ? Il existe cinq lois constitutionnelles du 7 aout 2008 : aucune ne supprime l’exception d’inconstitutionnalité prévue à l’article 92 de la Constitution :
    «Le Conseil constitutionnel connait de la constitutionnalité des règlements intérieurs des Assemblées législatives [ajout de la loi du 7 aout 2008], des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’exécutif et le législatif, ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour Suprême » (article 92 de la Constitution).
    L’exception d’inconstitutionnalité inscrite dans la Constitution est une exception dite a posteriori ouverte aux justiciables devant la Cour Suprême, les justiciables peuvent devant cette juridiction invoquer l’inconstitutionnalité d’une loi, la Cour Suprême doit, ainsi saisi d’une telle exception, suspendre la procédure et transmettre l’exception soulevée au Conseil Constitutionnel, seul compétent pour trancher sur la constitutionnalité d’une loi.
    ? La CNRI a rendu son rapport du 3 février 2014 sur la réforme des institutions : elle propose d’élargir l’exception d’inconstitutionnalité a posteriori au niveau de la Cour d’Appel et d’ajouter une exception d’inconstitutionnalité a priori.
    Sur l’abrogation de la CREI : une juridiction inexistante ?
    La CREI a été créée par la loi n°81-54 du 10 juillet 1981.
    L’objectif de la loi est de doter le Sénégal d’un « nouvel instrument de recherche et de répression » (Exposé des motifs) du délit d’enrichissement illicite créé le même jour, dans un souci de justice sociale.
    Cette juridiction spécialisée, à compétence nationale, est dotée d’un procureur spécial et d’une chambre d’instruction. Ella a une compétence exclusive concernant le délit d’enrichissement illicite et tout délit de corruption et de recel connexe (Exposé des motifs)
    Informé par des rapports de police ou administratifs, des plaintes ou des dénonciations, le procureur procède à une enquête préliminaire aux termes de laquelle il décide soit de classer sans suite, soit de mettre en demeure le justiciable d’avoir à justifier de l’origine licite de l’enrichissement.
    En l’absence de justifications satisfaisantes, le procureur saisit la commission d’instruction de la CREI, sauf en cas d’immunité ou de privilège de juridiction, le procureur transmet alors le dossier à l’autorité compétente (par exemple la Haute Cour de Justice) aux fins de l’exercice des poursuites.
    ? On est donc en présence d’une loi spéciale portant sur un délit spécifique.
    La loi 84-1 du 2 février 1984 fixant l’organisation judiciaire, a pour objectif « de rapprocher le justiciable de la juridiction compétente pour connaitre des affaires les plus courantes tout en assurant un contrôle continu de l’activité de l’appareil judiciaire ».
    Concrètement, elle remplace les TGI et les juridictions de proximité par les Tribunaux Régionaux et Départementaux, juridictions à juge unique, elle fait du Tribunal Régional la juridiction de droit commun (en l’absence de compétence spéciale, le TR est compétent).
    Elle organise dans ses dispositions transitoires le transfert des dossiers en cours des TGI et des juridictions de proximité aux Tribunaux Régionaux et Départementaux.
    ? On est donc en présence d’une loi générale, organisant le cadre général de l’organisation judiciaire.
    Une abrogation expresse ou implicite?
    Une abrogation expresse implique la mention dans la loi nouvelle de la suppression pour l’avenir de la loi ancienne en tout ou partie.
    L’article 15 de la loi du 1984 abroge expressément « l’ordonnance n°60-56 du 14 novembre 1960 » (ainsi que « les principes fondamentaux applicables aux litiges de droit privé », d’ailleurs !!!).
    En l’absence de mention expresse, l’abrogation peut être implicite lorsque la loi antérieure est contraire à la loi postérieure, elle sera alors prononcée par le juge lorsqu’un justiciable se réfère à tort à une norme implicitement abrogée.
    L’article 15 de la loi du 1984 rappelle le principe de l’abrogation implicite « toutes dispositions contraires sont abrogées ».
    Les articles 1 et 3 de la loi du 1984 prévoient que :
    « L’organisation judiciaire comprend, outre la Cour suprème siégeant à dakar, des cours d’appel, des cours d’assises, des tribunaux régionaux, des tribunaux départementaux et des tribunaux du Travail.
    Ces juridictions connaissent de toutes affaires civiles, commerciales ou pénales, des différends du travail et de l’ensemble du contentieux administratifs »
    « Sous réserve des compétences d’exception en premier et dernier ressort de la Cour suprême, de la Cour d’Appel et des cours d’assises, et en premier ressort, des tribunaux du Travail, des tribunaux départementaux et des organismes administratifs à caractère juridictionnel, les tribunaux régionaux sont juges de droit commun en première instance en toutes matières »
    Ces dispositions impliquent pour Me Doudou NDIOYE l’abrogation implicite de la loi de 1981.
    Or, il est possible de considérer le contraire en s’appuyant sur un principe de droit connu de tout étudiant en droit : « les règles spéciales dérogent aux règles générales ».
    Quand il y a contradictions entre une loi spéciale et une loi générale, l’adoption de la loi générale nouvelle n’entraine pas en principe l’abrogation d’une loi spéciale plus ancienne. Cette loi spéciale subsiste comme une exception à une règle nouvelle.
    Pour mémoire, l’abrogation ne peut être acquise par désuétude.
    Quant à la loi organique N°92.27 du 30 mai 1992, portant Statut des Magistrats, elle cite le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation (avant la nouvelle fusion des deux juridictions en Cour Suprême), la Cour d’appel, les tribunaux régionaux et départementaux et les tribunaux du travail et la loi de 1981 prévoit que les magistrats de la CREI sont choisis parmi les magistrats des Cours et Tribunaux : Aucune contradiction entre ces deux normes.

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