Menteur : Qui d’Abdoul Mbaye et des rédacteurs de motion de censure?

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Dans sa réponse aux députés, en session ordinaire pour le vote de la motion de censure contre son gouvernement, mercredi 26 décembre, le Premier ministre Abdoul Mbaye a traité les rédacteurs de ladite motion de « menteurs ». C’était suffisant pour que l’hémicycle entre dans une tournante totale, les injures et autres insanités verbales fusant de toutes parts, au point d’irriter le président Moustapha Niasse. Aujourd’hui, c’est un membre du Comité Directeur du PDS qui relève des contre-vérités mises dans la bouche de l’ancien directeur de la CBAO, égratignant au passage son «défenseur», Me El Hadj Diouf.

«M. Abdoul Mbaye ne peut pas être poursuivi pour recel, dès lors qu’il n’y a pas de vol», a déclaré le député-avocat, Me El Hadji Diouf, par ailleurs avocat de l’ancien président tchadien, Hissène Habré, dont la gestion de l’argent emporté dans sa fuite, en 1990, est la raison principale du dépôt d’une motion de censure contre le chef du gouvernement du Sénégal. Me Diouf a fait remarquer que «depuis 1990, la République eu Tchad n’a jamais réclamé le moindre sou à Habré et au Sénégal. IL est plutôt poursuivi pour crimes de guerre, tortures et autres exactions».

«Faux, rétorque ce membre du Comité Directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS). Abdoul Mbaye et Me El Hadj Diouf ont encore fait un mensonge». Le responsable libéral de faire remarquer que, comme écrit dans le rapport de la Commission nationale d’enquête constituée en son temps par l’Etat tchadien, rapport que lesenegalais.net a parcouru et fait référence dans le dossier consacré à cette affaire, «l’argent de Habré a été réclamé le 17 décembre 1990 par arrêt du Parquet de Ndjamena». En outre, précise la source libérale, «plusieurs missions ont été envoyées, à Dakar, entre 1990 et 92, pour réclamer cet argent, en vain» (cf. page 115 dudit rapport).

L’ancien chef de l’Etat tchadien en donc effectivement poursuivi, dans son pays, pour «crimes économiques». Pour vous rafraîchir la mémoire sur les sommes emportées par Hissène Habré, lesenegalais.net revient, une fois de plus, sur le contenu du rapport de la Commission tchadienne d’enquête.

«Crimes économiques

Le procès du président Habré ne devrait donc pas se limiter à ses exactions ou à ses «crimes contre l’humanité». Il devrait s’étendre aux «crimes économiques». Mais, fait remarquer un juriste très imprégné du dossier, que nous avons interrogé, «faudrait-il que le Gouvernement tchadien, seul habilité à le poursuivre pour ce type de délit, se constitue partie civile». Ce qui n’est jusque-là pas encore le cas. Notre interlocuteur croit savoir d’ailleurs qu’il serait illusoire d’attendre des nouvelles autorités tchadiennes qu’elles fassent preuve d’empressement pour ce procès, «car d’anciens responsables, sous Habré, sont encore aux affaires». Toutefois, les défenseurs des victimes n’excluent pas d’introduire l’aspect «réparation des torts causés par Habré», ce qui ouvrirait forcément une fouille méticuleuse de ses biens.

Hissène Habré, en plus de ses deux grandes villas où vivent ses épouses (lire reportage Ousmane Fall), aurait acquis un patrimoine immobilier digne d’un Ndiouga Kébé (milliardaire sénégalais des années 80). Villas de luxe dans les quartiers huppés de Dakar (Plateau, Fann-Résidence, Point E, Ngor-Almadies…) et des participations aux capitaux de grandes entreprises nationales et étrangères figurent dans un inventaire (très peu exhaustif) des biens de l’ancien chef de l’Etat, sans parler de ses largesses en direction d’hommes politiques, d’influents chefs religieux et de patrons de presse de grande renommée… Suivez mon regard!

En attendant qu’il soit jugé à Dakar, le rapport de la Commission nationale d’enquête précise que lors de sa chute, «rien que pendant les trois derniers jours, Hissène Habré, avec la complicité de certains responsables, avait collecté et emporté dans un dernier acte de cupidité et d’irresponsabilité, une somme d’environ 4 milliards de FCFA».

Pillage en règle…

La Banque Tchadienne de Crédit et de Dépôts (BTCD), le Centre des Chèques Postaux (CCP), la Banque Internationale pour l’Afrique au Tchad (BlAT, pendant de l’ex-BIAO-Sénégal) et la Société nationale des Oléagineux sont les principales vaches à lait du président tchadien. Aussi, ressort-il du rapport de la Commission nationale d’enquête que «le vendredi 30 novembre 1990, après avoir rencontré l’ex-chef de l’Etat Habré, M. Chémi Kogremi, ex-trésorier général, avait signé et remis à son caissier central, M. Abderaman Hissène, un chèque de 3 milliards 500 millions de FCFA, pour encaissement. Celui-ci s’était présenté aux guichets de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) muni du chèque; ce qui d’ailleurs a surpris les dirigeants de cette institution, compte tenu des disponibilités du Trésor public, qui s’élevaient ce jour à 2,6 milliards de FCFA. Ce genre de prélèvement ne s’étant jamais effectué auparavant, l’opération fut reportée pour le lendemain 1 er décembre 1990».

Pire encore, ce témoignage du Trésorier général du Tchad qui, n’ayant pas vu revenir le Caissier central, s’était lui-même déplacé pour insister sur «l’urgence de ce prélèvement et rassurer les dirigeants de la banque qu’une rentrée de 1,7 milliard devait intervenir le 1er décembre 1990». C’est ainsi que, précise le rapport, «les responsables de la Banque centrale avaient autorisé le prélèvement de 3 milliards 500 millions de FCFA». Entendu par la Commission d’enquête, le 11 novembre 1991, l’ex-trésorier a reconnu avoir prélevé des caisses de l’Etat de l’argent sur instructions de Habré, et a déclaré ce qui suit: «J’ai rencontré le président, le 30 novembre 1990 à 9 h 45, sur sa convocation. Il m’avait reçu seul. L’objet de sa rencontre était de lui faire la situation de la trésorerie de l’Etat, parce qu’il voulait acheter des AML pour aller au front. Je lui avais dit que la situation était autour de 3 milliards et demi de FCFA. A cet effet, un chèque a été émis…

Après avoir encaissé et rangé ladite somme dans les coffres du Trésor, les clés avaient été remises à l’ex-président Habré. Le samedi 1er décembre 1990 à 5 heures du matin, quand la ville se vidait de sa population, je m’étais également enfui pour me réfugier à Kousseri. Le même jour, vers 8 heures, le président Habré qui se trouvait aussi à Kousseri m’avait fait appeler pour me remettre les clés des coffres du Trésor. Accompagné d’Abdoul Galmaye et six combattants, j’étais revenu à Ndjamena pour récupérer la somme de 3 milliards de FCFA. Les 500 millions de FCFA rangés dans un autre coffre n’avaient pas été touchés. Quand nous avions rattrapé l’ex-président Habré à Maltam, celui-ci avait désigné son frère Abdelkerim Habré pour me surveiller, et la voiture dans laquelle je me trouvais était entre deux véhicules bondés de combattants. Quand nous étions arrivés à Maroua vers 18 heures, l’ex-président m’avait demandé de faire descendre les sacs d’argent. Après cela, je ne l’ai plus revu.»

Toute cette manne a été débarquée à Dakar par l’avion présidentiel ramené en terre sénégalaise par le président Habré, puis confié à la CBAO d’Abdoul Mbaye. Est-ce de l’argent honnêtement gagné par l’ancien chef de l’Etat ? Certainement pas. Tout ceux qui auront concouru à son placement devront donc en répondre devant la Cour spéciale africaine chargé de juger l’ancien homme fort des Forces armées du Nord (FAN).

SERIGNE MOUR DIOP

Lesenegalais.net

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