Modou Diagne Fada (LDR/YESSAL): « Les Sénégalais ont la nostalgie du Président Wade »

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Après une tournée à l’intérieur du pays pour faire connaître et massifier son parti, le leader de ‘’Les Démocrates Réformateurs’’ (Ldr/ Yessal) se prononce sur la nouvelle coalition de l’opposition. Modou Diagne Fada considère la mise sur pied de cette alliance électorale comme une ‘’excellente idée’’ et un test pour Manko Taxawu Senegaal. Il est aussi revenu sur le départ du gouvernement de Thierno Alassane Sall et d’autres questions économiques.

Vous revenez d’une tournée nationale à l’intérieur du pays, quel est le but de ce périple ?

Le but du périple que nous venons d’effectuer à l’intérieur du Sénégal, c’est d’implanter notre parti, de le massifier, de présenter ses couleurs et symboles. Il s’agissait aussi de placer les cartes de membres du parti, d’accueillir de nouvelles adhésions. Voilà un ensemble d’objectifs que  nous nous étions fixés et que nous avons largement atteints après ce périple qui nous a menés à Touba, dans le département de Bambey, à Thiès, à Tivaouane et à Saint-Louis. Nous avons fait un mois  et dix jours à l’intérieur du pays, sans interruption,  pour aller le plus loin possible,  visiter les villages les plus reculé du Boal et du Cayor.

L’opposition a récemment mis sur pied une coalition  dénommée, Manko Taxawu Senegaal en vue de présenter une liste commune aux prochaines Législatives, quelle lecture en faites-vous ?

C’est une excellente idée. Je crois qu’aujourd’hui, il y a un enjeu important pour ces élections législatives. Il s’agit un peu de tester la majorité du Président Macky Sall pour voir, est-ce que jusqu’au moment où nous parlons, il est majoritaire dans ce pays. Si à l’issue de ces élections, la coalition Manko Taxawu Senegaal obtient la majorité des sièges de députés en jeu, on comprendra très facilement  que 2019 sera une promenade de santé pour l’opposition. Et nous pensons que  nous avons de grandes chances dans l’opposition d’arriver à avoir ensemble une liste gagnante. C’est la raison pour laquelle nous avons fait des sacrifices. Je crois que chaque leader, chaque parti, a été animé d’une volonté de dépassement pour arriver à la signature de ce manifeste, de cette déclaration commune que nous partageons avec plusieurs autres forces politiques du Sénégal.  Maintenant, il va de soi que nous n’avons pas encore abordé les questions sensibles.

Quelles sont ces questions ?

Il  y a les investitures, l’agencement sur la liste nationale, les partis qui seraient choisis pour conduire les listes départementales. Ce sont des questions importantes, il faudra également voir en cas de victoire qui sera Premier ministre, ou Président de l’Assemblée nationale, le programme alternatif qui sera exécuté. Il ne s’agit pas seulement d’aller aux élections pour gagner et après se dire : qu’est-ce que nous allons faire ? Il faudrait que toutes ces questions soient débattues, discutées dans les différentes commissions que nous avons déjà créées, mais aussi à la conférence des leaders qui regroupe les responsables des différentes formations politiques et mouvements qui font partie de Manko Taxawu Senegaal. Je précise qu’elle est une coalition électorale différente de Manko Wattu Senegaal qui reste une coalition politique.

Par rapport aux investitures, un schéma  a été proposé pour que chaque leader batte campagne dans son département et que…

(Il coupe) En réalité, on n’en a pas encore discuté.

Est-ce que vous vous retrouvez dans ce schéma ?

Bien sûr ! On se retrouve parfaitement dans ce schéma. Ça ne gênerait pas que chaque leader porte les couleurs de la coalition dans son département. Mais on en a pas encore discuté à la conférence des leaders. C’est à partir de jeudi prochain (aujourd’hui) que nous allons commencer à aborder les questions sensibles. Il reste clair que pour maximiser les chances de l’opposition, chacun de nous doit accepter de conduire les troupes dans son département  pour collecter le maximum de suffrages. Et aussi chacune des formations politiques doit accepter de partager les places disponibles sur la liste nationale et celles départementales.

L’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, est pressenti pour diriger la liste nationale. Est-ce que cela vous convient ?

Là aussi, je n’ai pas encore entendu une demande formelle du président Wade, ni une prise de position claire pour diriger cette liste.  Il n’a pas écarté l’idée mais n’a pas non plus dit qu’il acceptait d’être tête de liste de la coalition. Le débat n’est pas encore à ce niveau. Ce qu’il faut dire, c’est que les Sénégalais ont la nostalgie du Président Wade et s’il rentrait au bercail maintenant ou avant les élections législatives, ce serait une excellente chose. S’il  est à Dakar, je crois qu’il va participer à l’animation de la campagne électorale. C’est un homme qui reste adulé, respecté par ses  compatriotes. Maintenant, aller jusqu’à diriger une  liste nationale de l’opposition,  le débat n’est pas encore posé.

Est-ce que Me Wade est le seul à pouvoir faire bouger les lignes dans l’opposition ?

Non, du tout ! Abdoulaye Wade lui-même l’a dit. Et même s’il est candidat sur la liste des députés, ce n’est pas pour aller siéger à l’Assemblée nationale, il ne cherche plus un poste de ministre, de député ou de Président de l’Assemblée nationale. Je crois que c’est le personnage de Wade qui est emblématique qui fait que tout le monde a sa nostalgie au Sénégal. Nous  pensons que l’opposition est aujourd’hui assez mûre, suffisamment responsable pour pouvoir elle-même mener le combat contre le Président Sall, sans l’appui du Président Wade. Tout le monde peut porter le combat ou  être tête de liste.

Est-ce que désigner un autre leader ne ferait pas ressortir des chocs d’ambitions personnelles ?

On n’a pas encore abordé ces questions, mais je crois que chacun des 10 partis signataires de la déclaration a le profil, la carrure et l’envergure pour diriger une liste nationale de l’opposition. Ce n’est pas ce qui manque et je crois que nous serons en mesure de surmonter ces problèmes d’égo, de positionnement parce que encore une fois, l’intérêt du Sénégal en vaut la peine.

On a l’impression que la coalition fait du tout sauf Macky ; est-ce qu’il ne fallait pas d’abord travailler sur un projet à proposer aux Sénégalais ?

Nous y sommes. D’ailleurs, je l’ai dit dans le cadre de mon périple au Baol et au Cayor. Je disais aux populations qu’il ne s’agit pas seulement de faire partir quelqu’un pour faire partir quelqu’un. Désormais au Sénégal, il faut faire partir quelqu’un mais aussi avoir la possibilité, en se fixant un certain nombre d’objectifs, d’élire quelqu’un d’autre. Au Sénégal, on sait enlever, mais on ne sait pas élire. Et pour savoir élire, il faut le faire sur la base d’un parcours, d’un programme, sur la base d’un certain nombre de projets que les uns et les autres portent. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne la Ldr/Yessal, nous pensons que la discussion doit porter autour du profil ou de la personnalité qui doit incarner le gouvernement en cas de victoire, de  la personnalité  qui doit être président de l’Assemblée nationale et du projet de société que nous devons exécuter qui va peut-être être un programme transitoire. L’Assemblée nationale va avoir une durée de vie de deux ans, c’est-à-dire jusqu’en en 2019, si l’opposition gagne. Si par hasard ou par malheur, le Président Sall revient, il va dissoudre l’Assemblée nationale. Si l’un d’entre nous aussi gagne l’élection présidentielle, il va aussi la dissoudre. En cas de victoire de l’opposition, c’est clair que c’est une institution parlementaire de deux ans qui va gouverner. Mais quand même, en deux ans, on peut exécuter un programme d’urgence pour régler les problèmes les plus pressants.

Avec le départ de Souleymane Ndéné Ndiaye, que devient la coalition l’Entente des forces de l’opposition (Efop) ?

Efop continue d’exister. Souleymane Ndéné Ndiaye était un membre. Mais les autres partis sont toujours là et entendent poursuivre le travail au sein de l’Entente des forces de l’opposition. Nous n’avons pas de commentaire à faire sur le départ de Souleymane Ndéné Ndiaye. C’est son droit le plus absolu de rejoindre la majorité présidentielle ; tout comme c’est notre droit le plus normal de rester dans l’opposition et de continuer à être membre de l’Entente des forces de l’opposition.  Nous étions en discussion très avancée avec lui tout comme nous l’étions avec d’autres formations politiques. Mais le mandat que j’avais reçu des instances de notre parti, c’était de discuter avec des partis membres de l’opposition. Dès l’instant qu’il a quitté l’opposition pour rejoindre la majorité présidentielle, de fait, il ne peut plus exister de discussion entre lui et nous. C’est la raison pour laquelle nous avons poursuivi les discussions avec les autres partis de l’opposition. Ce qui a abouti à notre présence au sein de MTS.

Comment avez-vous vécu son départ ?

Nous avons été un peu surpris de la manière. On s’attendait au moins à être informé avant la déclaration publique faite à la radio. Cela n’a pas été le cas. Mais nous n’en faisons pas un problème outre mesure. Souleymane Ndéné Ndiaye reste un ami et un grand frère. On laisse passer.

Quel bilan faites-vous de la douzième législature qui tire à sa fin et qui a essuyé beaucoup de critiques négatives ?

C’est un bilan négatif. C’est le constat que tout le monde a fait. La douzième législature a été extrêmement faible. Malgré le fait qu’il y ait plusieurs anciens ministres, plusieurs anciens députés qui étaient revenus, plusieurs anciens hauts fonctionnaires, c’est l’une des législatures  les plus faibles de l’histoire parlementaire du Sénégal. Parce que c’est dû à la qualité des députés de la majorité.

Uniquement ?

Les députés de l’opposition, pour l’essentiel, tout le monde sait qu’ils étaient de bons profils. Ils n’étaient pas nombreux mais ils étaient d’excellents profils. Donc si le niveau est bas, c’est parce que de l’autre coté, en face, la majorité n’a pas joué son rôle et a été d’un niveau extrêmement bas.

Etes-vous candidat à la prochaine législature ?

Bien sûr ! Si mon parti m’investit, je serai candidat quelque part sur la nationale ou la départementale. Je crois que mon parti va proposer ma candidature à nouveau.

Le Sénégal a signé deux conventions avec Total, quelle appréciation faites-vous du choix du groupe français ?

Ce n’est pas le choix d’un groupe français qui me pose problème. Je ne suis ni pour ni contre la France. Je suis pour le Sénégal. Tout ce qui m’intéresse, c’est que le Sénégal y trouve son compte et que l’avenir du Sénégal et des Sénégalais soit sauvegardé dans le cadre de ces différents contrats. Tout ce qui m’intéresse, c’est qu’on puisse exploiter toutes ces richesses pétrolières ou gazières de façon efficiente et durable pour que nous, l’actuelle génération,  puissions en bénéficier. Mais que les générations futures aussi puissent en bénéficier. C’est cela ma préoccupation principale. Je n’ai pas lu le contenu du contrat pour pouvoir apprécier convenablement. Mais ce n’est pas parce que c’est un groupe français que je suis contre ou un groupe russe, je suis pour. Je regarderai le contenu du contrat et si les intérêts du Sénégal sont saufs, il n’y a pas de problème. Si tel n’est pas le cas, je dénoncerai.

Que pensez-vous des péripéties qui ont abouti au départ du ministre de l’Energie ?

Dans un gouvernement, vous avez deux attitudes. Soit vous êtes pour ce que le Président fait, soit vous ne l’êtes pas et vous en tirez les conséquences. Je crois que si toutes les rumeurs qui circulent sont vraies, il devait démissionner ou être démis. Parce que c’est comme ça que fonctionne un Etat. Je ne fais pas partie des gens qui disent qu’un ministre n’a pas le droit de dire : je ne signe pas. Il a le droit de  dire : je ne signe pas parce que je ne suis pas convaincu. Il en a le droit. Mais le Président aussi a le droit de le limoger. C’est tout. Je n’y vois pas de problème. Moi, j’ai été amené, en 2004, à démissionner de mon poste de ministre de l’Environnement. Les Sénégalais l’oublient souvent. Je fais partie des premiers qui ont posé sur la table ma démission pour des principes et pour des valeurs. Un ministre a le droit de ne pas être d’accord. Maintenant, c’est le président de la République qui définit la politique de la nation ; mais il doit prêter une oreille attentive à son ministre. Si le Président ne l’écoute pas et que lui-même sa conscience ne lui permet pas de signer, soit il démissionne, soit il est limogé.

De façon générale, le Président est accusé d’avoir mis l’économie du Sénégal entre les mains des Français. Etes-vous de cet avis ?

Encore une fois, je ne suis pas un anti Français. Ce qui m’intéresse, c’est l’intérêt supérieur du Sénégal. Que l’économie soit entre les mains des Français ou entre les mains des Américains, des Russes, des Arabes ou des Chinois, ce n’est pas cela le plus important. Pour chaque cas, il faut l’étudier. Est-ce que les intérêts du Sénégal sont sauvegardés ? Oui ou non ? Si tel est le cas, il n’y a pas de problème. Au cas contraire, il faut le dénoncer.

Pensez-vous que le secteur privé national  bénéficie assez de la commande publique ?

Je fais partie de ceux qui sont pour la préférence nationale. Même si nous savons tous que certaines entreprises nationales n’ont pas acquis certaines technologies, l’Etat quand même doit travailler à aider les entreprises locales à se doter des équipements technologiques nécessaires pour rivaliser avec les autres entreprises du monde. Au Sénégal, si nous avons une entreprise qui peut faire telle chose, pourquoi ne pas lui confier le travail au détriment d’une entreprise étrangère ? Maintenant si l’entreprise sénégalaise n’est pas qualifiée pour un tel travail, je suis pour la qualité de nos routes. Si l’expertise n’existe pas sur le plan local, il faut aller la chercher là où elle existe.

Avez-vous noté une volonté d’accompagner le privé ?

Non ! Vous savez, c’est le privé qui peut aider le Sénégal à résorber le chômage, qui peut augmenter la consommation dans notre pays, qui peut permettre même à l’Etat de récolter des taxes. Donc le privé sous-tend l’économie dans notre pays. Aider le privé, c’est  s’aider soi-même. Mais je n’ai pas noté, en tout cas de la part du gouvernement, une volonté de soutenir les entreprises et d’aider le privé sénégalais. Depuis que le Président Macky Sall est au pouvoir, il y a plus d’entreprises qui ferment que de nouvelles qui ouvrent.

Ça, c’est un véritable problème et c’est cela qui fait que le chômage est devenu galopant. On nous parle d’un taux de croissance qui frôle les 7%, mais il faut toujours se demander quelles sont les secteurs qui tirent cette croissance. En tout cas, ce n’est pas l’agriculture, ni la pêche encore moins  l’élevage. Ce qui fait que 75% des Sénégalais sont exclus. Aujourd’hui, 20% des Sénégalais peut-être bénéficient de cette prétendue embellie de notre économique, bien entendu, sous-tendue par un surendettement qui risque de poser d’énormes difficultés aux générations futures. Parce que de toute façon, le Sénégal paiera. On est en train de s’endetter pour nous-mêmes et pour les générations futures. Nous pensons que ce n’est pas normal.

Source: Enqueteplus.com

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