Nostalgique comme tout, Grand Makhou renonce à la vie

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Du disco, du jazz jusqu’au Cha-cha-cha, tout pour plonger cette âme dressée dans des illusions tenaces, dans l’intimité ineffable d’un destin forclos, escarpé et accaparant. Sous l’emprise des souvenirs, dans le décor de son passé, Grand Makhou perd tout support, tout contrôle, toute hargne. Voies de l’exil, oiseaux de mauvais augure, ces musiques passéistes l’enchaînent souvent et l’égayent très peu.
Chansons devenues déchirantes, chansons rarement réjouissantes, chansons de jeunesse, Makhou s’emporte, s’envole et s’expatrie dans son passé, dans le sort des songeurs obsédés. L’air absent, le regard vide et la mine défaite, il se recroqueville dans le secret des accidents de parcours, dans la sphère des vains ressentiments et des plaisirs périmés. Pourtant, il s’affiche tout enjoué, taquin, et très affable en d’autres circonstances, lorsqu’il n’est pas porté dans le décor des écarts et des innocences d’autrefois, dans les ruelles de Dakar-plateau, rythmées d’assiko.
Au son des timbales et des percussions, absorbé par l’euphorie et la grisaille des réminiscences, Grand Makhou promet. Il jure fidélité et honneur à la musique de son enfance, celle qui avait animé ses frasques de gars et avait empli l’atmosphère de ses turpitudes de garçon révolté et malicieux. Il s’y réfugie, s’y use et s’en inspire, n’en déplaise aux adeptes de la mode d’aujourd’hui, lassante et beaucoup trop légère à ses yeux.
Il boude lorsque sa femme se plaint de ses excitations mouvementées et de ses emportements cadencés dans le sillage doucereux de la mélodie retrouvée. « Bon sang ! Ce n’est quand même pas du streap tease que de se dandiner aisément au bon son », dit-il d’un air excédé.
Bagnard dans le jardin emmuré des réminiscences commémoratives, Grand Makhou cherche et retrouve dans la musique de son enfance des gestes, odeurs et images précis d’un paradis perdu. Il en hume le parfum, celui de sa maison natale et de ses amitiés sincères. Cette musique révèle, renouvelle et rafraichit jusqu’au plus petit mouvement tendre et affectueux de sa mère chérie, jusqu’au timbre de la voix ferme de son père protecteur.
Dorénavant, c’est au rythme de ses souvenirs et de leurs marques de beauté rares que Grand Makhou vit et compte faire vivre. Quand il lui arrive de se connecter au temps présent sans interférence de ses mémoires de vieux routier, il se perd en soupçons, abdique tout de suite et renonce à tout effort d’adaptation. La nostalgie, la désillusion et les regrets scellent et ordonnent sans cesse son arrêt de mort. Le cadre de vie actuel et ses liaisons et ses protocoles lui paraissent superficiellement compliqués.
Il s’est démarqué de ses contemporains, amis et collègues, encore fous de la vie. Il rit de leurs engouements et initiatives beaucoup trop délirants à son goût. Sa propension compulsive à tout dramatiser lui confisque toute capacité d’enthousiasme, tout penchant à s’émouvoir des dons de la vie. En vérité, sa femme lui reproche sa réticence permanente, sa sombre torpeur et sa phobie mortelle des mutations. Elle n’en peut plus de le savoir hors du temps.

Birame Waltako Ndiaye
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