NUISANCE SONORE DE L’AEROPORT LEOPOLD SEDAR SENGHOR: La terreur des avions

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Le développement spectaculaire et continu du trafic aérien génère malheureusement un accroissement de plus en plus insupportable des nuisances aériennes. Difficiles à mesurer et subjectivement ressenties, ces nuisances provoquent un stress et une souffrance certaine chez les riverains des aéroports. Reportage, sur le calvaire que vivent les riverains de l’aéroport Léopold Sédar Senghor.

Yoff Tonghor. Il est 17h. Les résidants s’adonnent au train-train habituel. Tout d’un coup un bruit terrible brise le calme. C’est un avion de la compagnie Lufthansa qui surgit des feuillages bordurant le mur de l’aéroport en face de l’autoroute. Puis il pique vers le ciel à une vitesse hypersonique. La masse est imposante. Le bruit tapageur. Les vibrations sont ressenties pendant quelques secondes sur les murs de la maison de Mme Fatou Dieng, résidant à l’angle du croisement Tonghor. Résignée devant tant de nuisance sonore, elle peste : « c’est comme ça toute la journée. Les avions défilent sans cesse. Au début j’avais de la peine à dormir d’un sommeil profond. Mais depuis quelque temps je commence à m’y habituer et à chaque fois que je constate de la poussière, je passe un coup de balai ».

Pollution de l’air, nuisances sonores, pression urbanistique. Le ton est donné. Les attaques environnementales prennent une ampleur préoccupante. Amadou Diallo, tenancier d’un commerce près de la façade de l’aéroport prend désormais cette pollution pour une réalité fatidique. Il dit : « Je reconnais les avions qui soulèvent la poussière et quand je les aperçois je baisse mes rideaux le temps de laisser la fumée se dissiper. » Yoff Tonghor s’enveloppe de son rideau ocre. Le temps d’un décollage. Ses enfants paradent dans les ruelles sans se soucier des conséquences de cette nuée de poussière et de fumée sur leur santé. Ibrahima, du haut de son mètre 80, emboîte le pas au boutiquier du coin et renseigne : « ma fille souffre d’asthme, sa santé se détériore de jour en jour car l’environnement dans lequel elle évolue lui est hostile. » La vie passe, certains trépassent par ignorance. Ou par fatalité. Voilà le lot quotidien des riverains de l’aéroport Léopold Sedar Senghor. Avec ses mouvements estimés à plus 35 000 vols par année, l’aéroport de Dakar est classé huitième en Afrique par le volume de son trafic. En cette période estivale son trafic s’est considérablement densifié.

Poussière

Sur le trottoir de l’autoroute, on aperçoit au bout d’une colline à l’extrémité de la piste, un poste de surveillance de la sécurité de l’aéroport. Un type, le plus souvent silencieux, avec un sérieux déconcertant, observe attentivement un cargo manœuvrer délicatement pour se positionner sur la piste. L’appareil allume ses moteurs et s’élance prestement. Le mouvement soulève un vent violent sous forme de tempête de sable mêlée à la fumée du kérosène crachée par les réacteurs. Le vent emporte tout sur son passage. Les rares habits qui restaient sur le sèche-linge de Mme Badiane sont projetés dans la maison adjacente. Sachets en plastiques et objets légers viennent se déposer sur le balcon et les chambres dont les fenêtres sont restées ouvertes. Le calvaire permanent est insoutenable pour certains. Maloum Aïdara habite cette localité, il y a deux années déjà.

Mais, il ne parvient pas à s’accommoder à cette pollution sonore et de l’air. Ulcéré, il a décidé tout simplement de déménager dans un lieu plus paisible. Il prévient : « Je suis obligé de quitter cet endroit car il manque de quiétude. Les avions perturbent constamment mon sommeil et ma femme passe le plus clair de son temps à faire le ménage, car à chaque fois qu’un avion passe, il dépose de la poussière sur les carreaux », se lamente t-il. Ndèye Rokhaya qui a grandi à Yoff Tonghor sérine les mêmes complaintes. « Il est trop difficile de vivre dans ce calvaire, car le bruit est parfois trop fort de sorte qu’il vous importune forcément », clame t-elle.

Des sursitaires

Yoff Tonghor, ne cesse de s’agrandir, de plusieurs d’hectares par an. Au large, des bancs de sable affleurent à la surface, des constructions qui émergent. Des milliers d’âmes sont concernées par les survols inférieurs à 100 mètres d’avions à destination ou en provenance de l’aéroport de Léopold Sédar Senghor. Une situation qui pose un problème de santé publique et de sécurité. « Il y une dizaine d’années, se rappelle Amath Sène, un avion qui a raté son décollage a heurté les antennes des maisons les plus proches. Le pire a failli se produire ». Tous les pères de famille qui résident à Yoff Tonghor sont hantés par les avions qui survolent leurs demeures. D’éternels sursitaires. Depuis cet incident l’Agence nationale de l’aviation civile du Sénégal (Anacs) a agité le chiffon rouge pour demander le déguerpissement des habitations trop proches de l’aéroport. Mais, la résistance des populations organisées en collectif a bloqué cette décision. Aujourd’hui cet argument sécuritaire est invalidé par l’octroi d’une partie de l’aéroport à des fins d’habitation. A yoff Tonghor, l’Anacs veille toujours sur les maisons qui font face aux pistes en interdisant les constructions en hauteur et les antennes trop élevées. D’ailleurs toutes les habitations qui se dressent dans cet endroit ne dépassent pas un niveau avec une case au plus. « Quand les riverains veulent construire des étages, ils doivent adresser une demande à l’Anacs qui fournit l’autorisation », renseigne, un ingénieur aéronautique.

Paradis perdu

La quiétude platonique de ce village traditionnel de pêcheurs est troublée par le bruit enivrant des avions. Une pollution sonore permanente. De jour comme de nuit, l’intense trafic aérien de l’aéroport Léopold Sédar Senghor ne laisse aucun répit aux habitants des cités environnantes. A peine une quinzaine de minutes passée dans cet endroit, deux avions ont déjà survolé nos têtes. Le tintamarre réduit au silence toutes velléités de discussion entre les riverains, le temps de passage d’un avion. Le havre de paix se détériore constamment. Les hôtels et belles villas qui émergent à Yoff océan sur les berges de la mer où viennent s’échouer les ressacs des vagues ont perdu leur avantage comparatif : le calme et un air pur. Le quartier fleure bon le kérosène !!! Soleil, chaleur, bruit et pic d’ozone….ont pris leurs marques. Avec le projet de délocalisation de l’aéroport à Diass, les yoffois s’accrochent à une lueur d’espoir.

Effets sur la Santé

Le bruit induit des effets nocifs sur la santé des personnes régulièrement exposées. Les effets directement perceptibles suite à une exposition à des niveaux de bruit élevés sont souvent l’acouphène, la perte temporaire, voire permanente de l’audition. L’observatoire de santé de l’Ile de France a mené une étude sur les effets du bruit sur la santé des riverains des aéroports et axes routiers. Cette enquête dévoile des effets physiologiques et des effets psychologiques : « Les effets physiologiques les mieux identifiés sont les lésions auditives, les pathologies cardiovasculaires et la perturbation du sommeil. Les impacts du bruit sur le système cardiovasculaire se manifestent à court terme par une modification de la tension artérielle, une augmentation transitoire du rythme cardiaque (dans le cas d’un bruit intense) ainsi qu’une augmentation de la sécrétion des hormones de stress » conclut l’étude. Une autre étude réalisée en France, Etadam datant de 2000 met en évidence l’existence de liens entre l’exposition au bruit des avions et certaines pathologies ou indicateurs de l’état de santé tels que les manifestations d’angoisse, la consommation de médicaments à visée neuro-psychiatrique. Cette étude a aussi montré le rôle important de nombreux autres facteurs, socioéconomiques notamment, susceptibles de modifier la relation entre l’exposition au bruit et l’état de santé.

La proximité de l’aéroport induit également d’autres effets sur la santé des riverains en raison des substances nocives émises par les moteurs des avions que sont : les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (Co), les hydrocarbures (Hc) le dioxyde de soufre (So2) et des particules solides (suies). Les avions émettent aussi du dioxyde de carbone (Co2) et de la vapeur d’eau. Toutes ces substances ont un impact sur la santé. Le monoxyde de carbone (Co) est un poison pour l’hémoglobine. Quant aux oxydes d’azote Nox, ils se transforment sous l’influence des rayons ultra-violets en Ozone (O3) qui a un pouvoir oxydant et irrite les poumons. Enfin, les hydrocarbures imbrûlés Hx Cy et les suies sont réputés cancérogènes ». Au regard de toutes ces informations scientifiques, il est évident que les émissions gazeuses toxiques auront un impact beaucoup plus inquiétant dans le voisinage des pistes. Cependant, notent les scientifiques, « quand des phénomènes d’inversion de températures ou de brouillard surviennent, les zones affectées sont beaucoup plus étendues ».

Une législation insuffisante

Le code de l’environnement de Janvier 2001 renferme des dispositions visant à réglementer des nuisances et pollutions sonores. L’article L 84 du code stipule : « Sont interdites les émissions de bruits susceptibles de nuire à la santé de l’homme, de constituer une gêne excessive pour le voisinage ou de porter atteinte à l’environnement. Les personnes physiques ou morales à l’origine de ces émissions doivent mettre en œuvre toutes les dispositions utiles pour les supprimer. Lorsque l’urgence le justifie, le Ministre chargé de l’environnement, en rapport avec le Ministre de l’intérieur et le Ministère des Forces Armées, doit prendre toutes mesures exécutoires destinées d’office à faire cesser le trouble ». Il précise, en outre que les seuils maxima de bruit à ne pas dépasser sans exposer l’organisme humain à des conséquences dangereuses qui sont de 55 à 60 décibels le jour et 40 décibels la nuit.

Or, le bruit causé par les avions dépasse de loin les seuils autorisés. Des mesures effectuées sur différents avions situent le bruit entre 120 à 150 db selon les appareils. En dépit de ce fait constaté, aucune mesure conservatoire n’est prise pour réduire la nuisance sonore due aux avions. Contrairement en Europe où la directive 2002/49/CE du 25 juin 2002 recommande aux membres de l’Union de définir un cadre de lutte contre les nuisances sonores. Cette directive implique la mise en place d’indicateurs communs de mesures du bruit aux Etats membres, la réalisation d’une cartographie stratégique du bruit, l’adoption à partir des cartes, de plans d’actions visant à gérer les problèmes de bruit et de ses effets. Dans l’Ile de France les actions engagées visent le traitement des nuisances sonores à la source par des murs antibruit, des enrobés acoustiques et l’isolation de façades des habitations privées etc.

Baye Makébé SARR

lagazette.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Quand l’aéroport de Dakar était érigé sur ce site, y avait-il autant de maisons autour? Cet article ressemble à une propagande d’un certain lobby foncier qui a des vues sur ces terres. Les aéroports sont souvent édifiés éloignés des lieux de résidence. Ils aspirent aussi de la population parce que greniers à emplois. C’est facile après de prendre la posture d’un « expert » et faire des textes très longs qui n’intéressent pas grand monde..
    Mille excuses mais c’est cela que m’évoque votre article.

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