[Opinion] Le Sénégal dans l’œil D’Al-Qaïda par Dr. Moussa Sow

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Une dizaine de membres d’Al-Qaïda viennent d’être récemment arrêtés au Sénégal. De même que la muraille verte n’est pas encore parvenue à contenir l’avancée du désert, des éléments d’Al-Qaïda sous divers patronymes et animés par une boulimie monstrueuse, ne se contentent plus de leur Katiba dans le Sahara. Ils redessinent les frontières africaines à coup de canons aidés en cela par la chute de la Libye de Gaddafi et l’héritage de son arsenal de guerre. Aujourd’hui, Al-Qaïda, dans ses différents démembrements, investit l’Afrique subsaharienne grâce également à la rébellion Touareg du nord Mali et au coup d’état militaire du capitaine Sanogo dans ce même pays présentement divisé en deux. En outre, Il se susurre que des Salafistes seraient en train de s’établir, mosquée après mosquée, dans la vulnérable banlieue dakaroise.

Cette nouvelle situation politico-religieuse doit mener à une réflexion stratégique quant à ce que va devenir la sous-région sur le moyen et long terme.
La cartographie géostratégique de l’Afrique de l’ouest se redéfinit sous nous yeux et pas à l’avantage de l’Afrique dite « noire », à moins que celle-ci ne prenne une posture préemptive afin de réorienter ses politiques militaire et diplomatique. La question qui doit nous préoccuper est celle-ci : quelle problématique le terrorisme fondamentaliste pose-t-il pour le Sénégal et, par extension, pour l’Afrique Subsaharienne?

Le Mali et le Sénégal sont naturellement des pays frères que Modibo Keita et Léopold S. Senghor ont tenté de fédérer à la fin de la colonisation française. Certes, les intentions nobles des deux pères des indépendances n’ont pas abouti, mais nous ne pouvons que veiller à ce que nos voisins de l’est retrouve l’ordre institutionnel, garant de la paix dans la sous-région. Pour le moment cependant, il faut se rendre à l’évidence : la crise malienne est une porte ouverte à toutes les dérives islamistes et à la déstabilisation de cette région en générale et du Sénégal en particulier. Ainsi, il est important de mesurer toute la portée de ces bouleversements afin de mettre en place et—ceci de façon urgente—les mesures militaires stratégiques et politiques qui doivent redéfinir notre approche du terrorisme et de l’Islamisme radical.

Il ne faut pas oublier l’indifférence du reste du monde dans la résolution de problèmes endogènes africains. Les pays arabes—nos voisins immédiats– ont montré leur mépris vis-à-vis du monde noir dans la crise du Darfour qui a causé des milliers de morts au nom de la supériorité religieuse et raciale de ceux qui se considèrent d’ascendance arabe au Soudan d’El Bachir.

Jusque-là, la communauté internationale piétine pour trouver une réponse rapide à cette crise malienne, car l’Occident ne sent pas encore ses intérêts immédiats menacés. La CEDEAO—communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest—quant à elle, multiplie les rencontres sans aller vers des actions immédiates et efficaces. Les dirigeants africains sont confrontés à leur impuissance, car ils n’ont pas les moyens financiers et militaires pour intervenir efficacement au nord Mali et dissuader la rébellion Touareg.

C’est ainsi que Tombouctou, avec ses monuments historiques argileux, archives de notre riche passé et creusets de nos identités communes, est en train d’être pillé, les mausolées de ses grands hommes profanés. Le monde « civilisé », en spectateur complice et impudique, assiste à ce pillage caméra au poing. Tombouctou, notre mémoire vivante éclate sous les roquettes des maîtres fous et demain, il ne nous restera qu’à ramasser les tablettes brisées sur lesquelles est inscrite l’histoire Mandé écrite en Ajami qui faisait notre fierté. Nous assistons avec inquiétude à un nouveau génocide culturel avec Tombouctou qui se transforme en un champ de ruines. L’Afrique prendra son destin en main quand elle comprendra qu’il n’y aura pas de développement sans culture et que l’un des véritables enjeux du 21ème siècle est culturel.

Mais cette nouvelle irruption d’Al-Qaïda au nord Mali, aussi cynique que cela puisse paraître, pourrait être une aubaine pour le Sénégal. Il s’agit en effet pour le pays de Senghor, fort de sa légitimité internationale et de sa stabilité politique, de capitaliser sur sa réputation démocratique pour augmenter les effectifs de notre armée et constituer une véritable force pilote de stabilisation de la sous-région. Cette position impérative, stratégique et géopolitique doit donner au Sénégal l’opportunité, non seulement de résorber le chômage des jeunes qui seraient volontaires, mais également pousser ce pays à redéfinir sa politique militaire afin d’être une véritable force dissuasive qui puisse circonscrire le terrorisme rampant en Afrique de l’Ouest. Si les pays de la CEDEAO ne comprennent pas les enjeux géostratégiques pour des raisons diverses—notamment du fait de la fragilité des régimes démocratiques—, le Sénégal doit prendre sa place de leader dans cette volonté de repousser Al-Qaïda dans les confins du désert du Sahara. Son armée a une grande expérience internationale et un professionnalisme reconnu. Il s’agit maintenant de lui garantir les ressources humaines et matérielles pour non seulement aider à stabiliser la sous-région, mais également à former de jeunes Sénégalais qui sortiront de l’armée avec des diplômes et un métier. L’Armée doit participer à la dynamique de création d’emplois dans la politique générale du gouvernement.

Dès lors, la mission de la diplomatie se devrait d’articuler cette nouvelle cartographie terroriste. Il s’agit de convaincre les pays occidentaux qui ont des intérêts économiques dans la sous-région de souscrire à la nécessité de collaborer avec le Sénégal en lui allouant les moyens militaires et matériels nécessaires. La pédagogie ne doit pas être difficile, l’Occident a déjà souffert du terrorisme et peut comprendre logiquement que le déploiement d’Al-Qaïda en Afrique de l’ouest constitue une menace réelle pour les Africains, pour tous ceux qui ont des intérêts sur le continent et in fine pour le monde entier.

A défaut d’acquérir une maturité démocratique, qui puisse débarrasser l’Afrique de coups d’états militaires réactionnaires, comme celui qui vient de secouer le Mali, il est peut-être temps pour certains pays comme le Sénégal d’utiliser leur exception politique pour repenser la problématique Al-Qaïda à leur avantage. Le capital stratégique du Sénégal doit l’aider à lutter contre Al-Qaïda, à l’aide des moyens de tous ceux qui possèdent des intérêts en Afrique… Fort de son modèle démocratique, le Sénégal est le mieux équipé pour être aux premiers rangs pour garantir la paix dans la sous-région. Le Sénégal peut, outre cette mission sous-régionale, en profiter pour régler en partie le chômage des jeunes, une autre menace qui ne dit pas son nom.

La stabilité politique et la bonne gouvernance du pays de la Téranga, qui commencent à s’exporter dans la sous-région, constituent un capital de réputation qui doit l’aider à générer des dividendes si ses dirigeants politiques savent l’exploiter à bon escient. La crise malienne nous en donne, hélas, l’opportunité.

Dr. Moussa Sow
Maître de Conférences en littérature et cinéma africains
The College of New Jersey, USA
Chargé de la Convergence des cadres Républicains-(US)
[email protected]

8 Commentaires

  1. Ces intellos-manioc de l’APR me font franchement marrer. Si Macky compte uniquement sur vous, avec vos analyses à la noix, je pourrais dire que le Senegal n’est pas encore tiré d’affaire. Pathétique !

  2. Ce pretentieux,en voulant rendre service en definitive ne sait pas la gravite de ce qu’il dit.J’espere que ses positions alarmistes n’engagent pas l’Apr.Sinon il faut les chasser du pouvoir.Ils veulent militariser le Seneal.

  3. D’abord le sénégal n’est candidat pour être le gendarme de notre région. Ensuite je trouve que vous avez là un drôle de projet pour l’emploi des jeunes. Parce que Vous ne leur offrez pas seulement de devenir des militaires(gloire à notre Armée) mais vous leur proposer de combattre pour les occidentaux qui, une fois que nous serons dans l’engrenage, auront un nouveau motif de chantage contre nous les États n’ayant pas des amis mais des intérêts. Pour terminer sachez que nous n’avons pas peur des ces « salafistes ». S’ils viennent, au Sénégal (j’en doute)nous les combattrons sur tout les terrains, en effet, nous materons et nous apprendrons l’ISLAM et au besoin le CHRISTIANISME parce qu’il me semble que ces gens ne savent ou ils vont ; et le Sénégal n’est pas le Nigeria. Quand à vous je vous conseille de vous taire au-lieu de dire des choses dont vous ne savez rien. Notre priorité actuelle est de faire taire les armes dans notre propre pays en Casamance plutôt que d’aller guerroyer ailleurs.

  4. Bravo Moussa. Tu as parfaitement bien cerne la problematique de cette invasion du Mali et des risques pour la sous region. Ta vision est prospective, raison pour laquelle ta contribution sera incomprise par beaucoup. Mais le role de l’intellectuel c’est ca aussi, dire les choses tres tot and think outside the box. Congratulations and keep up the good Job you’re doing.
    Un dernier conseil, collectionne les pierres qu’on te jette, c’est le debut du piedestal.

  5. Il ne doit pas y avoir de question taboue desormais.La securite est essentielle pour le developpement.Meme si certaines positions de Sow pretent a equivoque parceque n’etant pas un professionnel de la chose,il a le merite de poser le debat.Nous y reviendrons en reflexion.

  6. A vous qui montez deja sur vos grands cheveaux avec vos commentaires au ras de paquerettes, avez vous pris le temps de lire cette contribution? Ou etiez vous juste aux aguets, attendant que quelqu’un osat penser pour le porter au pilori? NE faudrait-il pas que nous eumes la decence de donner aux idees le respect qui leur est du, et assez de temps de vivre pour soit s’envoler de leurs propres ailes o
    u de se faner si tel doit etre leur sort?
    Nous clamons a tout vent vouloir le changement, alors que toutes nos actions et paroles tendent a la perennisation du statu-quo ante, et nos reactions cutanees allergiques a la pensee nous installent dans le trivial. Critiquez donc! Il y va de la richesse du debat et de la sante de notre democratie. Mais je trouve les intentions douteuses celles la qui sont toujours a detruire sans jamais apporter de substitut consommable a cela a quoi elles s’attaquent!
    Je ne vois rien en cet article qui soit equivoque, alarmiste qui vaille qu’on donnat a son auteur l’injonction de se taire! Rien qu’une vision prospective adossee sur l’histoire, a laquelle cette meme histoire donnera raison.

  7. Vous avez tout faux, « docteur »! Ces soi-disants « membres d’Al qaida » ne sont personnes d’autres que de paisibles citoyens sénégalais, aussi sénégalais que vous, ayant choisi de vivre correctement leur religion. Ils ne sont un danger pour personne; leur credo: suivre les enseignements du Prophète (SAW), enseigner le bien et interdire le mal.
    Par vos analyses à la noix, dénuées de fondement, vous vous révélez comme un piètre complexé de l’occident.

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