Pape Diop: «Le Pds n’est plus attractif»

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La tête de liste de la coalition Bokk Guis Guis, Pape Diop, révèle que des personnes tentent de le rencontrer pour le réconcilier avec Me Wade. Mais, précise-t-il, «il n’y a pas de pourparlers», et se demande sous quel angle cela pourrait-il se faire «puisque le climat est déjà vicié par les déclarations de Wade». Dans le même entretien, Pape Diop décline l’offre, au cas où on lui donnerait le Pds «sur un plateau d’argent», parce que «ce parti n’est plus attractif». Non sans railler ces ex frères, dont Ousmane Ngom, Fada, Omar Sarr…

Après avoir visité les trois départements des régions de Ziguinchor et de Sédhiou, quel est le sentiment qui vous anime?

Je suis animé par un sentiment de tristesse, au regard de l’état des routes de toute la région de la Casamance naturelle. Je suis meurtri parce que cette belle région qui devait être le moteur du développement du Sénégal, a été dans une situation lamentable. Peut-être que c’est dû en partie à la rébellion qui a un peu retardé son développement. En dehors de cela, j’ai été triste quand j’ai vu les fruits pourrir en brousse alors que des usines de transformation auraient dû être implantées ici depuis longtemps. C’est pourquoi je pense que le gouvernement à qui le Mfdc a tendu la main, devait aller autour d’une table pour engager des négociations sérieuses qui pourraient nous amener à retrouver définitivement la paix ici en Casamance. Il y a aussi dans les régions de Saint-Louis et de Matam des productions d’ognons et tomates qui pourrissent. Les producteurs sont laissés à eux-mêmes.

A qui s’adressent ces critiques?

Il y a une grande part de responsabilité du Ps qui a fait quarante ans au pouvoir. Nous sommes arrivés après et nous avons une part de responsabilité également. Maintenant, je souhaite que l’actuel gouvernement résolve ces problèmes et cela peut aider le Sénégal à régler beaucoup de situation. Nous sommes confrontés au chômage des jeunes et on ne peut pas régler ce problème sans passer par l’agriculture et le tourisme. Il y a aussi un secteur aussi important : c’est l’artisanat qui ne se réduit pas aux sculpteurs, les fabricants de chaussures, alors qu’il regroupe 109 métiers. En France, il est considéré comme le premier poste budgétaire. Là également il y a quelque chose à faire pour créer des emplois pour la jeunesse désœuvrée de Dakar à Saint-Louis, de Matam à Ziguinchor.

Vous reprochez au gouvernement du Président Macky Sall de ne pas ouvrir des négociations avec le Mfdc. Il semble qu’il a opté pour la discrétion. Est-ce efficace comme méthode ?

C’est possible. En tout cas, nous aurions souhaité que des négociations s’ouvrent entre le Mfdc et l’Etat. Tant mieux s’ils ont opté pour travailler dans l’ombre. Si cela doit déboucher sur la paix, nous allons soutenir cette voie.

Ousmane Ngom a été cueilli à Kolda. Quel commentaire faites-vous ?

Lorsque j’ai appris cette nouvelle, je l’ai condamnée avec la dernière énergie. Parce que quoi que Ousmane Ngom a pu faire, il n’est pas un malfrat. C’est un candidat aux élections législatives et en tant que tel, il doit bénéficier d’une liberté. On n’est pas en face d’un cas de flagrant délit. Le gouvernement aurait dû attendre la fin de la campagne électorale pour le convoquer. Ousmane Ngom est un citoyen honnête qui a servi l’Etat du Sénégal. Rien n’obligeait les gens, surtout à aller le cueillir jusqu’à Kolda.

Le comportement de l’ex ministre de l’Intérieur n’est-il pas de nature à fragiliser les institutions ?

Pas du tout. On aurait dû attendre, la campagne finit bientôt, pour le convoquer. Si dans ce cas, il ne répond pas, la justice peut aller le prendre chez lui. On a aussi vu le cas de Awa Ndiaye qui est candidate, alors qu’elle est en train de battre campagne. Là aussi, je n’ai pas compris.

Vous critiquez les positions du gouvernement, sans dénoncer les comportements d’Ousmane Ngom qui défie l’autorité, est-ce à dire que vous êtes d’accord avec lui ?

Je ne suis pas d’accord avec lui. Moi je ne suis pas comme ça. J’ai été convoqué en tant que Président du Sénat. Et pourtant, j’avais le droit de ne pas y aller, mais en tant que républicain ayant une grande considération pour la justice sénégalaise et le peuple, j’ai déféré à cette convocation. Mais je ne ferai jamais comme il a fait pour défier l’autorité, je ne le ferai pas. Je condamne également l’attitude du gouvernement qui consiste à aller prendre Ousmane Ngom à Kolda, comme un malfrat, alors qu’on n’est pas en face d’un cas de flagrant délit.

Nous avons appris qu’il y a des pourparlers entre vous et Me Wade. Qu’en est-il exactement?

Pas du tout. Je m’inscris en faux contre ces allégations. Il n’y a pas de pourparlers. Il y a des personnes qui essaient de se rapprocher de moi, je ne sais pas exactement ce qu’elles veulent. Je crois savoir que c’est de cela qu’il s’agit, mais il n’y a pas encore de pourparlers. S’il devrait y avoir de pourparlers, je ne sais pas sous quel angle ils se dérouleront, parce que le climat a été vicié par certaines déclarations, de telle sorte que je crois que pour nous ce problème est derrière nous.

Vous êtes dans une situation de non retour, n’est-ce pas ?

Je pense plutôt que si Bokk Guis Guis arrive devant, les autres frères et sœurs du Pds vont venir nous appuyer dans notre coalition. Mais pour que nous retournions au Pds, ce n’est pas à l’ordre du jour.

Allez-vous créer un bloc avec le Pds à la prochaine Assemblée nationale ?

Je ne peux pas répondre, parce que Bokk Guis Guis ce n’est pas seulement Pape Diop, c’est une coalition où les gens discutent autour des différentes questions et s’accordent sur la démarche à adopter. Si tel était le cas, une discussion allait s’ouvrir, tout le monde allait se prononcer et la majorité indiquerait la voie à suivre.

Si Wade venait à regretter les propos qu’il a tenus à votre endroit, seriez-vous prêt à lui pardonner ?

J’ai pardonné depuis le premier jour, mais je n’oublie pas. On a eu à partager beaucoup de choses, je pense qu’il est allé un peu loin. Si vous avez partagé des choses avec un individu, il faut se retenir, il faut savoir raison garder, parce qu’on ne sait pas de quoi sera demain sera fait.

Est-ce cette attitude de Wade qui vous a poussé à vous radicaliser, au point de vouloir créer un parti ?

Non, pas du tout. Tout à fait au début, on a réaffirmé notre appartenance au Pds, on a même blagué pour dire que c’est une sorte de primaire entre le Pds et nous. Nous sommes prêts à nous ranger derrière le Pds si par extraordinaire il arrivait devant. Si c’est le contraire, eux aussi doivent avoir la même attitude. Dès le lendemain, nos frères se sont empressés de convoquer un Comité directeur pour nous exclure. C’est comme si la peur les habitait déjà pour l’issue des élections. Demain, il fera jour, on verra. Mais en tout cas, d’après ce que nous avons vu sur le terrain, le Pds ne pourra pas être devant nous.

Ousmane Ngom vous a traité de «traitre» lorsque vous avez créé Bokk Guis Guis. Quel commentaire ?

On connait les circonstances dans lesquelles lui, avait quitté le Pds. Le parti était dans d’extrêmes difficultés après les élections de 1998. Entre 98 et 2000, le Pds a traversé les moments les plus difficiles, pendant ce temps j’étais dans le parti, avec mes moyens. J’ai consacré tout mon temps et mon argent au Pds. Donc, ce n’est pas maintenant que je vais trahir. Si j’étais un traitre, je l’aurais fais pendant qu’on était dans l’opposition. J’ai été sollicité pour quitter le Pds contre beaucoup de choses, mais moi je ne suis pas un traitre. Je ne veux pas polémiquer avec ces gens pour dire qui est traitre et qui ne l’est pas. Du fond de leur cœur, ils savent si je suis un traitre ou pas. Seuls sur leur lit, je leur laisse avec leur conscience.

A quand la création d’un nouveau parti. Votre compagnon Abdoulaye Baldé a aussi dit la même chose. Quelle est votre position ?

Pour l’instant, on n’a encore rien décidé. Même pas Abdoulaye Baldé. Il avait commencé à dire qu’il allait créer un parti, mais aujourd’hui je pense qu’il a mis le pied sur la pédale douce, le temps de réfléchir. Aujourd’hui tout le monde sait que c’est une grande force. Si quelqu’un venait à se désolidariser, je pense que ce ne serait pas bon pour notre coalition, mais aussi pour le parti qu’il va créer. Donc, je ne peux pas dire si Abdoulaye Baldé est toujours décidé à créer un parti. Peut-être qu’il est en train de réfléchir avec ses amis. Il a la liberté d’agir. En tout cas nous aurions souhaité, si demain on devait créer un parti, qu’il reste avec nous comme tous les autres. Nous avons avec nous plus de cinquante députés. Nous serions très heureux de créer un très grand mouvement politique qui intégrerait beaucoup de Sénégal.

Le Président du Senat que vous êtes est-il prêt à aller à l’Assemblée, en cas de victoire?

C’est un faux débat. J’ai pris l’engagement de ne pas siéger comme député simple. Mais être sur les listes, c’est une position politique, c’est d’ailleurs celle qui est à l’origine de nos divergences au sein du Pds. Etre tête de liste est une position politique, stratégique. Ces gens qui nous faisaient cette critique, il y en a combien parmi eux qui veulent succéder à Wade ? Il y en a cinq au moins qui se battent pour hériter des restes du Pds.

Qui ?

Il y a Ousmane Ngom, Diagne Fada, Mamour Cissé, Omar Sarr … Il y a d’autres qui se battent pour hériter des restes, il n’y a que des restes. Tout le monde est parti.

Vous ne niez pas que le Pds est un grand parti, non ?

Je suis d’accord avec vous, le Pds était un grand parti, mais aujourd’hui tout le monde est parti, ce qui a perdu nos ex frères qui font des sorties fracassantes. Si on était parti sans personne, cette réaction n’aurait pas eu lieu. Elles sont donc dues au fait que les gens ont constaté qu’à la base et au niveau des cadres, tout le monde est parti.

Et si on vous donnait le Pds, serez-vous preneur ?

Je ne suis plus preneur. Le Pds aujourd’hui n’est plus attractif et on le constate même pendant la campagne électorale. A Goudomp, ils étaient à côté et ne faisaient pas quinze personnes. C’est le cas lorsque nous étions à Kolda. Nous avons organisé des meetings dans ces deux localités et qui ont drainé beaucoup de monde. Ce n’est pas le cas pour le Pds qui n’est plus attractif.

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