« PLACE DE L’EUROPE » À GORÉE : LE POUVOIR N’EST PAS LE SAVOIR

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La plupart de nos hommes politiques et même certaines personnes à qui on a conféré une parcelle de pouvoir chez nous, pensent qu’ils détiennent le savoir par le seul fait de détenir cette parcelle de pouvoir. Leurs décisions sont souvent présentées comme des doctrines et vérités incontestables. Le pouvoir confère le savoir chez eux.

Immense erreur!

C’est ce qui est arrivé un peu au maire de l’île de Gorée, M. Augustin Senghor.

Voilà son raisonnement pour justifier l’inauguration d’une « Place de l’Europe » sur l’île : « Je veux simplement m’assumer. Un bon Goréen ne peut pas dire je suis simplement Goréen, je suis simplement Sénégalais. Cette île, plus que tout endroit au monde, appartient à l’humanité. Son passé appartient au monde entier. »

C’est l’exemple type du raisonnement en apparence tout beau mais qui ne résiste pas à une analyse profonde. Donc, parce que Gorée a une partie européenne, il faut donc y ériger une place de l’Europe?

On ne s’amuse pas avec les lieux de mémoire.

Un lieu de mémoire, lié à un contexte traumatique n’est pas un endroit comme un autre. Une « Place de l’Europe » à Dakar n’aurait probablement pas choqué, de même qu’une « Place de l’Afrique » en plein New York. Mais un lieu de mémoire, parce que témoignant d’événements exceptionnels du passé, n’est pas une ville comme Dakar ou New York. Tout ce qui s’y déroule doit être bien pensé afin de ne pas heurter la mémoire de dizaines, de centaines voire de milliers de victimes.

Il ne viendrait à l’esprit d’aucun Européen sensé l’idée d’ériger une « Place de l’Allemagne » en plein Auschwitz ou Buchenwald.

Il peut bien y avoir une « Rue de l’Allemagne » ou une « Place de l’Allemagne » en France, mais jamais une « Place de l’Allemagne » dans des lieux de mémoire en France comme Dachau, le camp de Natzweiler-Struthof ou encore le camp de Drancy. Le souvenir de l’internement et de la déportation des Juifs nous interdit de raisonner de cette façon.

Non, ce n’est pas parce qu’Auswitz appartient à l’humanité, qu’il faudrait y ériger une Place de l’Allemagne. De même, on n’érigera jamais une « Place de la Serbie » en plein Srebrenica. Une telle pensée heurte la symbolique du lieu de mémoire et le bon sens. Elle banalise la charge historique de ce lieu.

Une Place de l’Europe à Gorée, île considérée par l’Unesco comme « centre historique du commerce triangulaire » dans lequel L’Europe trempa grandement, n’est pas tout à fait normal comme le pense le maire de Gorée. Une telle conception ravive des souvenirs douloureux, heurte la sensibilité et remet en selle les questions mémorielles.

Voilà pourquoi la décision unilatérale du maire de Gorée choque et crée un précédent dangereux. Elle doit, pour cette raison, être dénoncée et combattue. La clameur, nous n’en doutons pas, viendra de partout dans le monde dans les jours prochains.

Et dire qu’il y a quelques jours, le maire recevait une centaine d’afro-descendants venus se reconnecter avec la Terre-mère, dans le cadre du « Konvwa pou réparasyon », organisé par Mame Hulo. (voir photos).

La mémoire est une affaire sérieuse. Ce n’est pas une marchandise qu’on brade au plus offrant. Khadim Ndiaye

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