Plus de six mille enseignants portés disparus : L’Etat paie 54 milliards à des fantômes

Date:

Le Sénégal connaît une inefficience de financement de son système éducatif. Le montant des salaires du personnel absent des classes pour tous les cycles, révélé hier lors d’un panel autour du ‘financement de l’éducation et l’efficience’, est effarant. Selon les résultats d’un audit réalisé en 2008, l’enveloppe ne serait pas inférieure à 54 milliards de francs Cfa.

Les enseignants qui n’enseignent pas coûtent les yeux de la tête au contribuable sénégalais. Selon le directeur de la Réforme et de la Planification de l’éducation (Dpre) qui animait hier à l’Ucad II, dans le cadre du Forum social mondial, un panel sur le ‘financement de l’éducation et l’efficience’, il existe, au chapitre de l’utilisation des ressources, beaucoup d’inefficiences. Djibril Ndiaye Diouf estime qu’à ce niveau, l’impact négatif est plus ressenti au niveau des salaires des enseignants dans le budget. D’après les résultats d’un audit réalisé, à cet effet, en 2008, par des économistes nationaux et internationaux, ‘28 % des dépenses de salaire sont utilisées pour payer le personnel non-enseignant, c’est-à-dire les enseignants qui ne sont pas dans les salles de classe’, révèle-t-il. Un pourcentage qui équivaut, selon le directeur de la Réforme et de la Planification de l’éducation, ‘à 54 milliards de francs Cfa’.

Selon Djibril Ndiaye Diouf, ce personnel absent des salles de classe est constitué, entre autres, de mille deux cents enseignants dans les collèges et lycées, de mille trois cents suppléants, de plus de mille directeurs déchargés d’écoles et plus de deux mille cinq cents personnes dans les services administratifs de l’Etat. Cela, ajoute-t-il, ‘compte non tenu des enseignants qu’on n’arrive pas à repérer’. Pour lui, ces 54 milliards utilisés pour le personnel qui évolue hors des salles de classe est supérieur aux dépenses totales d’éducation du Mali pour son cycle primaire.

Par ailleurs, le directeur de la Réforme et de la Planification de l’éducation (Dpre) soutient que le système éducatif sénégalais est encore marqué par des taux d’abandon et des taux de redoublement élevés. Ce qui, à ses yeux, implique un gaspillage énorme en termes de ressources mobilisées. A titre d’exemple, cite M. Diouf, ‘le taux d’abandon dans le primaire est de l’ordre de 11 % en 2010. Ce même taux peut atteindre 17 % au secondaire’. Il en est de même, selon lui, concernant les cas de redoublement dans le primaire où les taux restent encore élevés. ‘En 2009, le taux de redoublement global est de 7,6 %. Ce qui est largement supérieur à la moyenne’, fait noter M. Diouf pour qui, ‘un élève qui abandonne à la cinquième année ou un enfant qui redouble, représente un budget d’investissement inutile’.

Du point de l’efficacité, poursuit le panéliste, il existe des indicateurs dont l’un reste le taux d’efficacité. Ainsi, pour le primaire, dans les quatre dernières années, le taux d’efficacité interne est de 64 % en 2008. Ce qui veut dire, d’après Djibril Ndiaye Diouf, qu’au courant de l’année 2008, 36 % des ressources mobilisées pour le primaire ont été gaspillées, pour la simple raison que ces ressources servent ou ont servi à payer les années d’élèves redoublants ou qui ont abandonné l’école.

Quid du second indicateur relatif à l’espérance de vie qui mesure la durée moyenne qu’un enfant peut passer à l’école ? Il se situe juste à la moyenne nationale. Il est passé de 5 points 6 à 7 points entre 2005 et 2008. Ce qui, pour le panéliste, représente une médiocre performance, ‘si l’on compare notre pays à d’autres qui ont le même niveau de Produit intérieur brut (Pib)’. C’est le cas du Cameroun, de la Colombie, du Maroc et de la Tunisie. A l’en croire, tous ces pays ont onze années d’études. Toutes choses qui le conduisent à conclure ‘qu’à ressources égales, le Sénégal dépense beaucoup d’argent pour beaucoup d’échecs’.

Pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement de l’éducation pour tous (Ept) à l’horizon 2015, il faut 1 million 900 mille enseignants dans le monde. Seulement, souligne pour le dénoncer, pour sa part, Gorgui Sow, coordonnateur du Réseau africain pour la campagne sur l’éducation pour tous (Ancefa), ’la peur bleue qui habite les pays africains reste le diktat de la Banque mondiale qui les empêche de recruter des enseignants de qualité. On nous demande de prendre des volontaires pour combler le gap’. D’après M. Sow, ‘alors qu’il faut 16 milliards de francs Cfa pour l’atteinte de cet Omd au Sénégal, moins de 4 % des ressources arrivent à l’école dans les cartables des élèves et dans les dossiers des enseignants’.

Dans son intervention en faveur des populations déficitaires de l’éducation, Ydo Yaho de l’Unesco Breda croit nécessaire l’existence de politiques linguistiques clairement définies en Afrique dans chaque pays. ‘Il le faut, il faut les codifier, et produire des manuelles scolaires et former les enseignants pour leur utilisation’, préconise-t-il. Selon lui, ‘à la nouvelle Guinée où il existe plus de huit cents dialectes, pas moins de quatre cents sont utilisés avec succès à l’école’.

Abdoulaye SIDY

walf.sn

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

CAN 2023

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE