Pourquoi le peuple ne croit plus en la classe politique

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Après des heurts entre manifestants et forces de l’ordre, la situation reste tendue au Sénégal. Si la validation de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade cristallise les critiques, selon le philosophe sénégalais Cheikh Mbacké Gueye, ces violences illustrent surtout la fracture grandissante entre l’élite politique et le peuple.
Les manifestations violentes qui secouent actuellement le Sénégal sont certes soudaines et brutales, mais elles étaient aussi prévisibles pour bon nombre d’observateurs de la scène politique sénégalaise. En effet, les rapports déjà tendus entre la coalition au pouvoir et l’opposition dans son ensemble avaient fini de culminer avec la validation par le Conseil constitutionnel de la candidature (pour un troisième mandat) du président sortant, Abdoulaye Wade.

Ainsi, le slogan « tout le monde sauf-Wade », porté par l’opposition avec l’aide inestimable d’une frange de la société apolitique (constituée de la société civile traditionnelle et des jeunes regroupés autour du mouvement « Y’en a marre ») a pris davantage de sens et de portée après la décision des « cinq sages » du Conseil constitutionnel. Bien que considérée par la majorité des constitutionnalistes sénégalais comme non conforme au droit et à la Constitution, la candidature du président sortant vient d’être forcée comme une pilule au peuple sénégalais. La goutte d’eau qui fera déborder le vase ?

Des heurts entre manifestants et la police à Dakar, le 31 janvier 2012. (Gaby Barnuevo/AP/SIPA)

Peut-être. Mais il ne faudrait pas limiter les causes des soulèvements récents seulement à cette candidature controversée. En effet, le climat délétère qui prédominait au sein de la classe politique, qui en réalité avait rompu le dialogue depuis longtemps, ainsi que le délabrement du tissu social fortement causé par la cherté de la vie et l’accentuation du chômage des jeunes, ont fortement contribué à cette situation explosive. On pressait déjà le signal d’alarme devant l’indifférence désobligeante des politiques aux besoins fondamentaux des populations qui ont pour noms santé, éducation, travail,…

Par conséquent, ayant senti la démission des gouvernants qui faisaient aussi montre d’une condescendance déplacée, le peuple a su trouver refuge chez les « apolitiques » qui non seulement lui ont prêté oreille attentive, mais l’ont aussi accompagné dans ses revendications légitimes. Ainsi a-t-on assisté à de nombreuses manifestations contre la vie chère et le train de vie élevé de l’État.

Cette société apolitique a de la sorte réussi à restaurer la confiance au peuple en ses capacités à réclamer ses prérogatives souveraines. La prouesse du groupe de jeunes rappeurs qui pilotent le mouvement « Y’en a marre » par exemple est d’avoir pu/su parler à la population un langage qu’elle comprenait et d’être allé la chercher là où elle se trouvait. Le contact fusionnel s’est donc établi dès lors que l’on se reconnaissait et s’identifiait.

« Y en a marre »

La classe politique, dans son ensemble a fait tout le contraire et posé les jalons de son éloignement avec le peuple. De l’opposition qui était incapable de satisfaire la demande du peuple de présenter un seul candidat contre le président sortant, à la majorité présidentielle qui semblait préoccupée plus par sa cour que par les revendications du peuple (avec la prise d’un chapelet de décisions tout aussi impopulaires qu’inopportunes comme l’augmentation des salaires de certains magistrats, ministres et autres privilégiés du régime, ou encore la construction de monuments inutiles et onéreux), l’échec de la classe politique à se placer du côté du peuple reste flagrant.

Ainsi au vu des mobilisations importantes lors des manifestations, il faut se garder de croire que ce sont les partis politiques qui font sortir le peuple. La situation aurait été différente si la société apolitique dans son ensemble avait été absente.

Faudrait-il pour autant disqualifier la classe politique ? Je crois que non. Et cela pour trois raisons. Premièrement, pour que le peuple puisse se débarrasser du régime en place, il aura besoin de l’appareil de l’opposition. L’histoire du Sénégal a montré, en effet, que les élections ont toujours été gagnées que par des candidats dont le projet est porté par un parti politique reconnu et fortement établi à travers le pays. Deuxièmement, il est possible de changer les choses de l’intérieur même des partis politiques. Troisièmement, on assiste à l’émergence d’une nouvelle génération de leaders politiques qui s’inscrivent plus ou moins dans un civisme « intégratif » qui pourrait bien trouver un écho favorable au sein du peuple.

La situation actuelle du Sénégal reste très déplorable et préoccupante car nul ne peut prédire son aboutissement. On comprend, cependant, qu’elle découle d’une longue série de manquements de la classe politique dans son ensemble et qu’elle ouvre une ère nouvelle où la société apolitique occupera une place prépondérante. Et quand bien même cette société apolitique ne sera pas aux devants de la scène, elle contribuera tout de même à ce que les demandes du peuple soient désormais sérieusement prises en compte.

« Y’en a marre » n’est pas seulement un slogan contre une classe politique et ses manières de faire. C’est encore et surtout un peuple qui se retrouve et qui (ré)affirme sa souveraineté.

Par Cheikh Mbacké Gueye Docteur en philosophie
nouvelobs.com

1 COMMENTAIRE

  1. Continuer à n’avoir comme dénominateur commun le « combat » perdu contre la validation de la candidature de Wade qui est derrière nous très intelligente mais improductive de se passer de débats programatiques devant les deux millions de Sénégalais qui vont se mobiliser en votre faveur, dans l’ensemble, au soir du 26 février 2012. Ce que les Sénégalais ignorent et que vos principaux leaders savent depuis que vos amis de l’extérieur vous ont fait transmettre, après la dislocation de « feu BENNO » l’information, d’après leurs services, que 1er ou 2ème, aucun d’entre vous ne sera en mesure de battre WADE DANS les urnes, c’est que vous, chefs de cette opposition, avez décidé de ne même pas dépenser plus d’argent qu’il ne faut, en attendant, comme vous l’ont conseillé vos « amis » de l’extérieur, une hypothétique élection anticipée en… 2015(?). Depuis que j’ai eu cette information, c’est moi même qui en ai informé Monsieur le Premier Ministre Souleymane N’DENE N’DIAYE. Depuis ce jour, Vous, leaders de l’opposition, avez mis en lumière une stratégie consistant à tout faire pour qu’il y ait des troubles qui provoqueraient des morts et des blessés, filmés devant les caméras et photographes de quelques pays,dont certains sont déjà à Dakar. Le plan de l’opposition, par le biais de Bara Tall, YOUSSOU N’DOUR et LES MENEURS DU M23 AYANT échoué durant ces deux jours de troubles, décision a été prise de remettre ça dès la proclamation du résultat que les chefs ont déjà intégré. Souleymane JULES DIOP sait de quoi je parle, nous en avions parlé au téléphone, s’il dément, je rendrais publique notre entretien que j’ai enregistré pendant trente cinq minutes et 21 secondes.

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