Quand le Baccalauréat devient une affaire de sous…

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«Dis-moi quels correcteurs tu envoies, je te dirai quels bacheliers ils t’apporteront»

Depuis que le Cusems – n’en déplaisent aux nostalgiques de la bonne vieille époque d’un syndicalisme révolu – a tordu la main à l’Etat sénégalais pour qu’il daigne enfin aligner les indemnités de déplacement des enseignants sur celles des autres agents privilégiés de la Fonction publique,?mettant ainsi un terme à une injustice manifeste, les examens et concours de fin d’année scolaire en général et le Bac­ca­lau­réat en particulier sont devenus une aubaine à la merci de différents aventuriers et mercenaires sans aucune retenue ni scrupule : c’est une course effrénée,?la ruée folle vers les sommes, somme toute, importantes aux yeux de ceux pour qui l’enseignement, loin d’être un sacerdoce, représente un gagne-pain. Ainsi, tous les moyens, même les plus mesquins sont bons pour faire partie des heureux élus de l’Office du bac dans le cadre de cette vaste entreprise de notation nationale de nos pauvres potaches. En effet, avant les élèves, ce sont d’abord leurs professeurs qui doivent passer le «Cenacec» (Certificat national d’aptitude à la correction des examens et concours). Au demeurant, cela n’aurait rien de méchant si cette sélection se faisait dans la transparence, autrement dit avec des critères clairement définis et acceptés au préalable à tous les niveaux.?Mais, c’est loin d’être le cas : c’est une nébuleuse.
Les conséquences de cette situation sont incommensurables et toutes aussi nuisibles les unes que les autres à l’endroit de notre système éducatif. Nos établissements sont le théâtre de guerres larvées, de toute sorte de coups bas et mesquineries qui se font dès que la fin d’une année scolaire est sifflée. Oui, il faut oser le dire, les emplois du temps se marchandent dans certains établissements car étant établis en fonction de la nouvelle donne?: l’argent du Bac. D’aucuns n’hésitent pas à cirer les bottes d’un chef d’établissement véreux pour décrocher le jackpot, c’est-à-dire un emploi du temps favorable, taillé sur mesure. Quelle abjecte bassesse!
Désormais, c’est la chasse au per diem et tous les moyens sont mis en branle, l’essentiel étant de se retrouver en fin d’année avec le sésame : une convocation en mains. Il n’est pas rare de voir un chef d’établissement faire royalement fi de la hiérarchie de ses adjoints en distribuant des emplois du temps tout à fait arbitraires et parfois même simplement renversants, voire révoltants.
Que dire de ces conseillers pédagogiques et inspecteurs de spécialité qui ont quitté les salles de cours depuis Mathusalem et qui n’hésitent pas à s’inviter par on ne sait quelle magie au festin ? Enfin, il n’est pas rare de rencontrer un correcteur qui, loin d’être à la hauteur, attend impatiemment le corrigé de l’épreuve sans lequel il ne peut évaluer la moindre copie et, de guerre lasse, finit par se résigner et s’engager dans la facile voie de l’amateurisme et du tâtonnement dont les conséquences coulent de source : des résultats qui obéissent à tout sauf à la logique et, pour se dédouaner, on se réfugie dans la formule passe-partout ?: l’examen est une question de chance.?S’il vous plaît?!
Je lance un appel à tous les acteurs et partenaires du système éducatif. Enfin, je demande à l’Office du Bac de revoir ce critère saugrenu de classes tenues qui ne repose sur aucun fondement scientifique, sinon sur le bon vouloir du maître de cirque dont la seule préoccupation est de pistonner des larbins.
Quand le Baccalauréat devient une affaire de sous, il n’est pas surprenant de voir un vétéran longtemps déchargé des classes s’armer de sa vieille plume et ses binocles pour corriger à tout prix des épreuves portant sur un programme qu’il n’a pas enseigné.

Amadou SOW
Professeur au Lycée Taiba-Ics
de Mboro

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