Série de retraits de la Cpi : L’Afrique se détourne de la Haye

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Une pluie de démissions s’est abattue sur la Cour Pénale internationale en l’espace d’une semaine : le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie. Ces départs sont le résultat d’un long malaise entre l’Afrique et la Cpi.

Elle est solennelle, la voix par laquelle la Gambie s’est exprimée pour annoncer le retrait de son pays de la Cour pénale internationale (Cpi). C’est le ministre de l’Information Sheriff Bojang  qui  a déclaré : «À partir de ce jour, mardi 24 octobre, nous ne sommes plus membre de la Cpi….». Légale, est-elle par ailleurs, la voie empruntée par le pays de Yahya Jammeh pour se retirer de la Cour : «Et avons entamé le processus prescrit par le statut fondateur», dixit le ministre Bojang. Quant aux motifs évoqués lors de cette déclaration à la télévision gambienne, c’est une rengaine bien connue : «persécutions envers les Africains, en particulier leurs dirigeants». A contrario, la Cpi n’inquiète pas les pays occidentaux dont «au moins 30 (…) ont commis des crimes de guerre», selon Banjul. C’est aussi l’avis du Burundi et de l’Afrique du Sud qui, tour à tour, ont annoncé leur retrait de La Cour de la Haye, au cours de la semaine écoulée. Une crise de confiance affecte visiblement les relations Cpi/ Pays africains. Puis un à un, ils s’en vont de l’institution. Et si c’était le début de la procédure de divorce instituée par l’Union africaine en janvier 2016 ?

Les résolutions de  l’Ua contre le Statut de Rome
À la clôture du sommet de l’Ua, le 31 janvier à Addis Abeba, le Président kényan a fait adopter une résolution en faveur du retrait des pays africains de la Cpi. Uhuru Kenyatta, qui a été inculpé par la Cpi pour crimes de guerre ainsi que son Vice-président, a alors plaidé pour que son continent se désolidarise du statut de Rome qui a fondé la (Cpi) dans les années 2000. Cette Cour pénale n’inculpe que des Africains. C’est le reproche que lui fait l’Ua. Son Curriculum Vitae est fait d’inculpations, en Côte d’ivoire, au Soudan, en Libye, et surtout au Kenya. Pourquoi la Cour de la Haye ne juge-t-elle que des  Africains ? Peut-être parce que son budget vient principalement de pays européens ! C’est pourquoi la plupart des leaders africains menacent de partir. Menaces en cours de matérialisation par trois pays déjà. Pis, les nuages s’amoncellent toujours en Afrique contre la Cpi après une pluie d’inculpations mouillant uniquement des Africains, ces dernières années. Les temps sont mauvais.

Après le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie, à qui le tour ?
L’annonce de retrait de Bu­jum­bura est perçue sur le plan international comme une fuite en avant de la part du Président burundais. Le régime Nkurun­ziza risque des poursuites de la part de la Cpi qui enquête d’ailleurs déjà sur de présumés crimes commis par le pouvoir depuis avril 2015 lors des premières manifestations anti-Nkurunziza alors réprimées dans le sang. A partir du 20 septembre dernier, un rapport accablant sur les violations des droits de l’homme a fait monter la pression. Les enquêteurs mandatés par l’Onu auraient ainsi compilé une liste d’une douzaine de noms d’auteurs présumés de ces crimes, tous proches du pouvoir actuel. Le retrait du Burundi de la Cpi s’affiche comme une précaution anti-poursuite.
La Gambie de Yahya Jammeh ne se retire pas pour les mêmes raisons exactement, mais elle n’en est pas loin.  Parvenu au pouvoir par un coup d’État sans effusion de sang en 1994, Yahya Jammeh a été élu en 1996, puis éternellement réélu depuis. Il briguera un cinquième mandat en décembre prochain. Son pouvoir est accusé par des Ong et par le département d’État américain de disparitions forcées et de harcèlement de la presse et des défenseurs des droits humains. Netsanet Belay, directeur de la recherche et du plaidoyer pour l’Afrique à Amnesty Inter­na­tional, ne cache pas sa déception après la décision de Banjul : «Cette annonce est un coup porté à des millions de victimes à travers le monde, en particulier car elle intervient peu après la décision prise récemment par l’Afrique du Sud et le Burundi de se retirer eux aussi de la Cpi. L’annonce faite par la Gambie est tout particulièrement affligeante, car la procureure de la Cpi, Fatou Bensouda, est elle-même gambienne et elle soutient fermement la justice internationale et le combat contre l’impunité au niveau mondial.»
Quant à l’Afrique du Sud, son retrait est beaucoup plus lié à «l’incident Omar el-Béchir». L’annonce sud-africaine de retrait semble avoir vu le jour depuis un peu plus d’un an. C’était suite à la visite en Afrique du Sud, du président soudanais Omar el-Béchir, premier chef d’Etat en exercice inculpé par la Cpi en 2009 pour sa présumée responsabilité lors de massacres au Darfour. En tant que membre de cette instance, l’Afrique du Sud aurait reçu des pressions internationales pour procéder à l’arrestation du président soudanais. Jacob Zuma n’avait pas cédé, malgré une décision indépendante de la justice sud-africaine qui a demandé en vain à Pretoria, d’empêcher le départ de Béchir à l’issue du sommet de l’Union africaine.
La rupture avec la Cpi semble aujourd’hui la chose la mieux partagée par les pays africains. Mais chacun sait pourquoi il divorce. Ces désamours risquent de toucher dans les tous prochains jours, le Kenya de Uhuru Kenyatta également. Les jours sont comptés.

Le Quotidien

2 Commentaires

  1. Il est plus que temps que l’Afrique (celle à laquelle il reste de la dignité) quitte cette Cour Pénale Indigène (CPI). C’est une honte que cet instrument continue de servir d’outil que les lobbys occidentaux utilisent pour faire torturer des africains rebelles à leurs dictats par d’autres africains soumis jusqu’à la moelle de leurs os. Que la Gambie quitte et que Bensaouda, la gambienne, reste est plus qu’un symbole.
    Observez toute la torture que cette sinistre cour, plus cynique que la Gestapo, fait subir à Gbagbo. Depuis toutes ces années que cette ignominie de Cour le garde elle n’arrive même pas à formuler ses accusations. Pis lorsque la CPI va utiliser des vidéos d’émeutes réprimées au Kenya comme preuve de violence d’état sous Gbagbo le cynisme en devient insultant pour l’Afrique (celle qui a de la dignité, je reprécise).

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