Serigne Diop: le Pds n’est pas un parti libéral…

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Le Pr. Serigne Diop médiateur de la République, revendique un compagnonnage « engagé » avec le regretté Pr. Amadou Booker Sadji, membre fondateur du Parti démocratique sénégalais (Pds). Lui rendant hommage hier, mardi 1er mars à l’occasion d’un colloque en mémoire des Professeurs Uta Sadji et Amadou Booker Sadji, germanophiles, pionniers de la « germanistique » au Sénégal par l’Association sénégalaise de coopération décentralisée (Asecod) et la Fondation Konrad Adenauer (Fka), il a déclaré en substance que « Amadou Booker Sadji était trop pur pour rester en politique ».

Revisitant toutefois l’histoire pas si lointaine du Pds, Serigne Diop a indiqué que c’est la loi des trois puis quatre courants de Senghor qui a fait basculer le Pds dans le champ libéral. Or, ils étaient nombreux dans le parti à ne pas se retrouver dans ce courant libéral où la loi voulait confiner leur parti. Alors, selon Serigne Diop, le compromis était de dire « qu’aux termes de la loi, le Pds était du courant libéral ». Selon l’homme politique et non moins praticien émérite du droit, « ce compromis nous permit d’éviter l’implosion du parti».

L’Association sénégalaise de coopération décentralisée (Asecod) et la Fondation Konrad Adenauer (Fka) ont organisé hier, mardi 1er mars à Dakar, un colloque en mémoire des Professeurs Uta Sadji et Amadou Booker Sadji, germanophiles, pionniers de la « germanistique » au Sénégal  et non moins militants politiques engagés. Une occasion pour le Pr. Serigne Diop, médiateur de la République, qui s’honore d’un compagnonnage « engagé » avec l’ancien membre fondateur du Parti démocratique sénégalais (Pds) de lui rendre un hommage appuyé. Le Pr. Amadou Booker Sadji décédé le 20 août 2009 à Thiès à l’âge de 75 ans était surtout connu pour son engagement idéologique pour la disparition des classes sociales et l’avènement « utopique » d’une société égalitaire que le marxisme, cette puissante pensée du siècle dernier continue cependant à convoquer et à vouloir réaliser « sur les cendres et ruines d’une société capitaliste décadente ». Il avait milité au Parti africain pour l’indépendance (Pai) et à la Fédération des étudiants africains en France (Feanf).

Ah qu’ils sont nombreux les camarades d’Amadou Aly Dieng qui ont agi à la suite de Booker Sadji à la Feanf! Alpha Condé, président désormais de la Guinée Conakry, Ange Félix Patassé, candidat malheureux à la dernière présidentielle dans son pays, la République centrafricaine (Rca), qu’il a pourtant dirigé avant d’ y être chassé à son tour par un putsch. L’ancien président Tchadien, Hissène Habré hôte du Sénégal depuis sa chute, vaincu par la « traîtrise du cousin ». Ou encore un certain Abdoulaye Wade, « social-travailliste ?». La liste est loin d’être exhaustive. Tous ont milité pour l’émancipation du continent et même si les trajectoires ont varié d’un individu à l’autre ainsi que les destins, ils ont aidé à écrire les pages d’une Afrique indépendante qui cherche encore à consolider ses Nations, ses Etats et ses Républiques en construit.

L’autre facette cependant d’Amadou Booker Sadji est celle d’un professeur émérite des Universités, pionnier de la germanistique au Sénégal et en Afrique. Momar Thiam, Proviseur du lycée Blaise Diagne de Dakar, un autre germaniste s’est attelé hier, à en lustrer le parcours universitaire et culturel de fort belle manière. Mme Ute G Bocandé présidente de la Fka dans son mot de bienvenu et faisant l’économie du colloque avait déjà insisté sur toute la germanophilie des Sadji, « deux compagnons que seule la mort a séparés». Selon elle, «  les Prs Sadji furent de grands initiateurs de projets littéraires, culturels et politiques. Ils ont joué un rôle central dans la rencontre des civilisations allemande et sénégalaise. N’oublions pas qu’ils ont passé une grande partie de leur vie à traduire Goethe en wolof… »

« Un militant trop pur pour rester en politique »

Le Pr. Serigne Diop s’est fait, a-t-il indiqué, un devoir et un honneur à venir témoigner. Avec une communication pleine d’anecdotes et de poignantes « dépositions », il  conta à l’assistance presque par le menu le compagnonnage politique qu’il a eu avec Booker Sadji, le militant de la première heure du Parti démocratique sénégalais (Pds), dont il fut à la naissance, le Secrétaire national chargé de l’orientation idéologique, et lui, Serigne Diop, le premier Secrétaire général du mouvement des Jeunes du parti. Une période historique souvent lue jusqu’ici sous le seul prisme des « vainqueurs de mars 2000 ». Il est vrai qu’entre temps, il est retourné à la faveur de la survenue de l’alternance politique du 19 mars 2000 à la maison du « Père » comme tant d’autres.

Serigne Diop est-il pour autant un libéral, lui qui est revenu dans un parti qui se réclame du libéralisme ? Ne doit-on pas aujourd’hui, avoir aussi une lecture relativisée, voire corrigée des événements  de 1987 qui ont vu son exclusion du Pds et la naissance dans la foulée du Parti démocratique sénégalais/Rénovation (Pds/R) qu’il dirigea jusqu’à la (re)fusion avec le Pds originel?  Un Pds/R dont les objectifs déclarés étaient : « la réalisation de l’unité africaine ; à l’échelon du Sénégal, la réalisation d’une démocratie pluraliste ; sur le plan économique et social, la réalisation d’une société socialiste fondée sur la justice sociale » ? Toujours est-il que Serigne Diop revisitant l’histoire pas si lointaine du Pds a indiqué que la loi des trois puis quatre courants de Senghor a failli créer la première crise au sein de la formation naissante. Ils étaient nombreux en effet dans le parti à ne pas se trouver dans le courant libéral où la loi voulait confiner leur parti. Alors, selon Serigne Diop le compromis était de dire « qu’aux termes de la loi, le Pds était du courant libéral ». Selon l’homme politique et non moins praticien émérite du droit, « ce compromis nous permit d’éviter l’implosion du parti».

Revenant sur la vie militante de son aîné de compagnon des premières heures, le médiateur aujourd’hui de la République qui séchait des heures de cours à l’Ucad pour cause de tournées politiques, de souligner en substance que « Amadou Booker Sadji était de ces intellectuels et hommes politiques qui ont éprouvé les limites de la vie politique légale. Venu à la vie politique légale, il a été confronté à l’impact de la classe maraboutique dans les décisions et engagements, de la place de l’argent et des comportements sociaux. Il est revenu de ses illusions comme ce combattant de la Guerre d’Espagne. Lui et tous ceux qui comme lui ont quitté la clandestinité militante ont éprouvé les limites de l’action politique légale, limites liées simplement à la nature humaine et à la sociologie de nos pays. Ils sont trop purs pour rester en politique » Et c’est ainsi le « 4 mai 1981, il quitte le parti après avoir gelé de 1980 à cette date ses activités politiques », ajoute Serigne Diop.

Au préalable il a fait l’économie de plusieurs autres crises au sein du Pds de cette époque-là, notamment celle survenue au sortir des élections générales de 1978 où le pouvoir Ups/Ps leur affecte 17 députés au lieu de 18 parce que le 18e, Laye Diop Diatta était un transfuge du Ps et maire d’Oussouye. Ce qui était inadmissible pour le pouvoir senghorien.

Pour en revenir à Amadou Booker Sadji et sa compagne, Serigne Diop a souligné que le Pr Sadji a légué à la postérité deux ouvrages qui constituent un précieux témoignage sur un pan entier de l’histoire politique du Sénégal et qui aident à mieux comprendre sa vie. Il s’agit de « Le rôle de la génération charnière ouest africaine : Indépendance et développement » (L’Harmattan, 2006) et l’émouvante biographie qu’il a consacré à son père, l’écrivain, « Abdoulaye Sadji : Biographie 1910-1961, sa vie et sa pensée à un tournant de l’histoire africaine » (Présence Africaine, 1997).

Deux ouvrages rédigés sous forme de mémoire. Le premier est conçu comme un complément à la biographie de l’écrivain où sont relatées les relations multiformes entre les personnes de sa génération (celle d’Abdoulaye Sadji), celle des pères fondateurs (Lamine Guèye, Senghor, Mamadou Dia, Houphouet-Boigny, etc.), celle qui englobe en même temps que nous-mêmes nés dans les années trente, nos aînés nés dans les années vingt (comme Majhemout Diop, Khalilou Sall, Amadou Makhtar Mbow, etc.). Selon Serigne Diop, c’est un devoir de mémoire que le Pr. Amadou et le militant Booker Sadji ont voulu remplir. Mais c’est aussi un « refus » de réduire l’histoire de l’Afrique au seul rôle des politiques… »

La rencontre d’hier au siège de la Fondation Konrad Adenauer, a été rehaussée par la présence de plusieurs personnalités parmi lesquelles, le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom, le ministre de l’Enseignement supérieur, des Centres universitaires régionaux et des Universités Amadou Tidiane Bâ et le professeur Saliou Ndiaye, recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).

sudonline.SN

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