Seydou Diouf sur la caisse d’avance et les fonds politiques: « Le régime des fonds politiques n’existe pas les collectivités »

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Seydou Diouf, l’ancien député et spécialiste des questions de décentralisation est formel : le régime des fonds politiques n’existe pas dans les collectivités locales. Attestant par ailleurs qu’il n’y a aujourd’hui, au Sénégal, «  aucune commune à statut  spécial au plan juridique », le successeur de feu Me Mbaye Jacques Diop à la tête du Ppc lève un coin du voile sur la fameuse « caisse d’avance » qui vaut au maire de Dakar, Khalifa Sall, des démêlés avec la justice. Une caisse d’avance appelée par ailleurs régie d’avance en droit, qui relève d’un principe dérogatoire du droit commun budgétaire et qui est tout, à l’exception de fonds politiques au sens strict du terme.

Que dit l’Acte III de la  décentralisation par rapport à l’existence ou non des fonds politiques ?

L’Acte III de la  décentralisation ne  fait que  reproduire la nomenclature  budgétaire partagée par l’ensemble  des collectivités locales. Cela, il  faut le clarifier. Il n’y a aujourd’hui au Sénégal aucune commune à statut  spécial au plan juridique. Cela veut  dire que les mêmes règles budgétaires qui prévalent dans la  commune  de Fongolémi prévalent sur Dakar. Il n’y a pas de statut particulier pour Dakar du point de vue  de sa nomenclature budgétaire, de l’exécution du budget de la collectivité locale qu’est la mairie de Dakar.  La deuxième chose à relever, c’est que ce qui est communément appelé fonds politiques n’existe pas dans les collectivités locales. Le décret portant  régime financier des collectivités locales et même avant le décret, la loi portant Code général des collectivités locales ne prévoit pas un tel mécanisme pour les collectivités locales. Cela pour la bonne et simple raison que ce que l’on appelle fonds politiques concerne beaucoup plus des crédits spéciaux ou des fonds de solidarité africaine et cela  est expressément prévu dans la nomenclature budgétaire de l’Etat.  Lorsqu’on regarde le budget de la présidence  de la République, il est prévu des crédits spéciaux et des fonds de solidarité africaine sous forme de lignes budgétaires très lisibles dans le budget de la Présidence. Ces ressources oscillent entre 06 et 08 milliards. C’est ce qu’on appelle fonds politiques. Cela procède d’une appellation. Mais, il y a une différence, parce que le Président incarne la souveraineté nationale et fort  de cela,  il peut être amené à prendre  des décisions qui requièrent la mobilisation des fonds spéciaux, dans la plus grande discrétion. Pour des raisons de secret de défense, la loi lui confère les moyens financiers de pouvoir agir. La particularité de ces ressources, c’est que ce  sont des ressources qui font l’objet d’une ligne budgétaire avec un montant alloué, mais son utilisation est laissée à la discrétion du président de la République. Et, en général, de tels crédits ne font pas l’objet d’un contrôle, même à postériori.

Cela vaut-il également pour l’Assemblée et la Primature?

Dans la pratique, pour ce qui concerne l’Assemblée comme la Primature, dans le budget de fonctionnement, il y a juste une ligne ou dotation de fonctionnement qui est laissée à la discrétion des autorités qui président aux destinées de ces institutions de la République. Il arrive très souvent qu’un président d’institution soit sollicité pour  des cas de maladies ou autre. Ce sont des choses qui ne peuvent pas être prévues à l’avance et c’est pourquoi dès lors qu’on est dans le cadre du principe d’autonomie financière  de l’institution parlementaire, on lui confère des crédits et, d’ailleurs même, la  réforme budgétaire à venir va davantage globaliser les crédits et on va parler de dotation budgétaire pour l’Assemblée nationale. Dans le cas de l’autonomie, le budget de l’Assemblée est structuré par l’institution avec différentes lignes. Mais, il y a dans le cabinet du président une dotation mensuelle  qui lui permet de subvenir à certaines sollicitations. Cela, c’est réel parce que le mécanisme  de fonctionnement  de l’Assemblée le permet.

Qu’en est-il de la ville  de Dakar ?

Par rapport à Dakar, il n’y a pas de fonds politiques pour la ville comme il n’y en a pas pour Rufisque ou toute autre commune. A la ville  de Dakar, ce dont il s’est agi, c’est  d’une caisse d’avance qui est appelée régie d’avance en droit. La régie d’avance c’est un principe dérogatoire du droit commun budgétaire. Parce que le droit commun budgétaire permet à une collectivité locale de ne payer une dépense qu’après service fait. En somme, lorsqu’une mairie doit faire face à une dépense, y compris pour l’Etat, ou lorsqu’une collectivité publique doit faire face au paiement d’une  dépense, le  receveur ne peut payer la dépense qu’une  fois le service rendu.  Mais pourquoi cette dérogation ? Parce que vous pouvez  être, en tant qu’autorité locale ou publique, être appelé à faire face à une situation d’urgence où le temps ne permet pas de faire toute la procédure budgétaire comptable, avec toutes les étapes, en termes d’engagement, d’ordonnancement, de liquidation pour arriver enfin au paiement. Il faut faire face à l’urgence. On autorise la collectivité locale à disposer  d’une  régie d’avance. Et, celle-ci n’est pas l’apanage des collectivités locales, on la trouve dans les ministères. Le décret portant régime financier de  1966 prévoit en son article 16 la possibilité de créer une régie de recette ou une régie de dépense.

Est-ce à dire que l’utilisation de la caisse d’avance est bien structurée ?

Pour permettre à la collectivité de faire face à des dépenses urgentes mais de faibles montants, on l’autorise à disposer d’une régie d’avance.  Celle-ci lui permet  de procéder  au paiement de la dépense avant que le service ne soit effectué. Mais, à la fin du mois, l’ensemble des pièces justificatives doivent  être rassemblées et remises au  receveur percepteur municipal avant tout renouvellement de crédits d’avance.  Le receveur-percepteur procède au contrôle de la régularité des justificatifs avant  de pouvoir  alimenter à nouveau la  régie  d’avance. Donc, c’est un principe dérogatoire, le service n’est pas encore fait et on a les ressources pour payer. A Dakar en réalité, ce qu’on appelle fonds politiques si cela existait, ce serait prévu sur une ligne dans la nomenclature budgétaire. Mais dès lors que cela n’existe pas, on pense à l’utilisation qui en est faite pour  caractériser  la dépense. Or, l’utilisation est une chose, l’existence légale est autre chose. Il faut d’abord avoir une existence  légale de crédits  spéciaux qu’on peut appeler fonds politiques avant de parler de la  destination de la ressource. Mais ici, ce n’est pas parce que la mairie de Dakar utilisait les ressources de la caisse d’avance pour  procéder à des dépenses de soins pour des personnes ou bien  pour  aider des gens ou organiser des manifestations politiques que c’est forcément des fonds politiques. Les fonds politiques ne sont pas créés ex-nihilo. Ils sont créés clairement dans le cadre d’une nomenclature budgétaire qui procède d’une loi.

Aujourd’hui, n’y a-t-il pas besoin de réformer ou de supprimer ces fonds ou cette caisse d’avance ?

Pas  de la supprimer ! Il ne faut pas, parce qu’il y a un problème  ponctuel sur Dakar, penser à supprimer la régie d’avance. Celle-ci est nécessaire dans le fonctionnement d’une administration locale et d’une administration de l’Etat. Parce qu’à tout moment, une administration doit pouvoir être en mesure de faire face à une  dépense urgente à caractère exceptionnel. Sans ces régies d’avance, toute dépense qui devrait être effectuée par une administration nécessiterait une procédure comptable avec ses quatre phases. Ce n’est pas parce qu’il y a eu des abus qu’il faut supprimer. Les abus, il faut les combattre et ramener tout le monde à l’orthodoxie, c’est-à-dire la capacité à justifier clairement une  dépense sur la  base de  pièces régulières. Le problème de Dakar, ce n’est pas un problème de destination des fonds, c’est un problème de validité des pièces justificatives. C’est uniquement ce problème-là. Personne ne peut cependant reprocher au maire de Dakar d’avoir utilisé les ressources pour pouvoir aider des populations de Dakar en situation de besoin. C’est légitime, il est maire de Dakar, mais encore qu’il faille que, du point de vue de la procédure utilisée et de la base légale de la dépense, qu’on puisse la justifier clairement. Ici, c’est un problème de pièces justificatives plutôt qu’un problème d’opportunité  de la dépense. Parce que le percepteur, lui, dans sa mission ne peut pas faire de contrôle d’opportunité. Il ne peut faire qu’un contrôle  de régularité. C’est  ce que la loi lui assigne comme compétence. L’opportunité ressort de la compétence exclusive du maire…

Source: SUD QUOTIDIEN

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