Terrorisme : l’urgence d’une démarche spécifiquement africaine. Par Boucar Diouf

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La sidérante attaque terroriste à Paris, marquée du sceau de la barbarie et de la bestialité doit être condamnée et l’a été avec la dernière énergie, notamment du fait que les cibles sont des civils innocents, à mille lieux de maîtriser et de valider les décisions de leurs dirigeants.
A tous ceux qui ont été atteints directement ou indirectement par les tueries du terrorisme international, en France ou en Afrique, nous leur manifestons notre compassion.
Pourtant, contrairement aux pays africains, qui subissent de plein fouet les effets de la férocité des animateurs de cette caricature de l’Islam sans savoir pourquoi, la France savait qu’elle était sous la menace de l’Organisation de l’Etat Islamique, en raison de l’évolution du conflit syrien et de ses prises de position au sein de la coalition internationale pour la Syrie. C’est ce qui ressort d’ailleurs des revendications de cet attentat, commis par un groupe de jeunes, la plupart français de confession musulmane et qui a fait plus de 130 victimes.
C’est le lieu d’ailleurs de louer le professionnalisme des forces de sécurité, qui ont évité le pire pour ce qui concerne les attaques au Stade, qui auraient pu se solder par un plus grand nombre de victimes. Elles ont fait preuve de perspicacité en organisant un blackout des communications dans l’enceinte et aux alentours, permettant ainsi au match de se poursuivre et à la garde rapprochée d’exfiltrer le Président sans dommages.
En effet, c’est un secret de polichinelle que certains djihadistes en Syrie ont été importés de l’Irak, un pays où l’Organisation Etat Islamique contrôle une partie du territoire, avec des combattants armés et financés par des puissances étrangères qui collaborent avec la France au plan militaire.
Et l’Afrique dans tout ça ?
Elle s’est empressée de condamner à tout va, faisant preuve d’une compassion débordante qu’on ne lui connaissait pas, certains allant même jusqu’à décréter des jours de deuil, alors qu’à deux pas de chez eux, et pour les mêmes causes, des populations civiles se font étriper tous les jours, sans leur faire froncer ne serait ce qu’un sourcil. Le Président sénégalais étant l’exception qui confirme la règle. Il a fait l’objet de chahuts lors de la marche de Charlie Hebdo et aurait du, en retour, par convenance république, être félicité par ses opposants pour la promptitude avec laquelle il s’est rendu au Mali et pour les trois jours de deuil national décrétés pour des victimes africaines du terrorisme.
En posant ces actes de haute portée morale, il nous rend notre fierté et nous rappelle que la perte d’une vie garde le même sens, qu’il s’agisse d’une vie malienne ou française, contrairement à certains sénégalais qui ont tenté de violer nos conscience, en nous faisant croire que l’attaque contre la France, était une attaque contre l’humanité.
Sur un autre versant, le paradoxe a par contre voulu que, comme un pied de nez aux organisateurs, les attentats de Paris et Bamako aient été perpétrés juste après qu’un forum sur la paix et la sécurité en Afrique se soit tenu à Dakar, avec une participation française de haut niveau et avec, comme thème central, le terrorisme. Les auteurs des attentats voudraient-ils remettre en cause la pertinence de cette grande messe sécuritaire qu’ils n’auraient agi autrement.
C’est d’ailleurs l’occasion d’attirer l’attention du Président de la République sur certaines réunions, organisées en grande pompe et à coup de millions pour les consultants, mais qui, en définitive, sont d’une utilité marginale. Qui disait qu’au Sénégal, on a tellement fait des réunions que maintenant, on fait des réunions sur les réunions?.
Sauf erreur de ma part, ce forum de Dakar prévu lors du sommet de 2013 devait se tenir en 2014 s’est déjà tenu.
En effet, à Paris les 6 et 7 décembre 2013, s’est tenue un Sommet sur la paix et la sécurité en Afrique, le partenariat économique et le développement, le changement climatique.
A la clôture de ce sommet, la recommandation n° 4, alinéa 2 stipule « Ils ont également pris note de la proposition d’organiser en 2014, au Sénégal, un Forum informel sur la sécurité en Afrique en liaison avec des partenaires internationaux et l’Union africaine, afin d’approfondir la réflexion sur les engagements pris lors du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique ».
Il s’agissait donc avant tout d’évaluer les progrès enregistrés dans la mise en œuvre des recommandations du sommet en matière de sécurité (la paix ne figure pas dans la recommandation) et de dégager de nouvelles pistes dans la sécurisation des personnes et des biens. Ce qui ne semble pas avoir été le cas car les objectifs fixés par la résolution 4 était de’’ parvenir à une pleine capacité opérationnelle de la Force africaine en attente et de sa Capacité de déploiement rapide à l’horizon 2015, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), telle que décidée par le Sommet de l’Union africaine en mai 2013’’.

Ce forum informel s’est déjà tenu le 15 décembre 2014 et un deuxième n’était pas prévu, tout juste peut-on lire à la recommandation n°6 Les chefs d’État et de gouvernement ont félicité l’Union africaine pour la tenue annuelle d’une Retraite de haut niveau pour la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique et l’ont encouragée à renforcer ce forum, y compris en s’inspirant d’expériences internationales pertinentes. Notons que l’ordre du jour de la retraite est plus chargé que celui du forum et cela explique peut être l’absence des anglophones.
Si nous étions dans le cadre de cette retraite de haut niveau, force est de constater qu’on devait uniquement retrouver les décideurs et les experts et qu’on n’aurait pas autant communiqué sur l’événement. En lieu et place, on a installé une tribune pour mettre certains sous le feu des projecteurs et mettre ainsi le Président dans la situation inconfortable de devoir communiquer sans préparation minutieuse, sur un sujet aussi glissant que la lutte contre le terrorisme.
D’ailleurs, en faisant le lien entre ce forum et ce même sommet de l’Elysée, mon attention a été attirée par la recommandation n°1 qui précise que « Les chefs d’État et de gouvernement ont réaffirmé leur attachement à la sécurité collective sur le continent africain et leur engagement à favoriser la paix et promouvoir les droits de l’Homme, en conformité avec les buts et principes de la Charte des Nations unies et de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Ils ont appelé de leurs vœux le renforcement du dialogue stratégique entre l’Afrique et la France pour une vision commune des menaces. »
Une autre occasion pour appeler les fonctionnaires internationaux à plus de vigilance quant aux stipulations des textes qui leur sont soumis.
Les chefs d’Etat que nous nous sommes choisis ont fait le vœu (la prière avec) de renforcer le dialogue avec la France dans le but d’arriver à une vision commune des menaces liées au terrorisme.
Cette disposition est somme toute surprenante et il n’est nul besoin d’être mage ou Saltigué pour savoir que la vision africaine de la lutte conte le terrorisme ne peut en aucune manière se rattacher aux contours de celle française. Pour mémoire, les vendredis 13 sont craints chez les européens, pas chez nous.
Elle a surtout tendance à apporter de l’eau au moulin de ceux qui accusent les présidents africains de réciter des sourates françaises, notamment le nôtre à propos du voile intégral. Une sortie du Président pourtant compréhensible en raison du but visé, c’est-à-dire limiter les risques liées au modus operandi des djihadistes, mais qui, au final a soulevé toute une controverse en raison principalement de l’angle de communication. A mon sens il ne doit pas s’agir d’interdire ou la bourka ou le Tchador, ni de convoquer nos us et coutumes, qui son multiples et parfois inadaptées au bureau ou à la prière (l’exemple du ndiatta de mes cousins peulhs). Pour retrouver le caractère général et impersonnel d’une éventuelle mesure et ne pas tomber dans le piège de la stigmatisation, l’interdiction doit porter sur le port d’un masque qui serait de nature à empêcher l’identification de l’individu, quitte à déplaire à mes parents peulhs, maures et sérères.
Enfin, pour revenir à la défense stratégique, il est évident que la complexité des nouveaux enjeux liés au terrorisme fait que vouloir mettre vaille que vaille le curseur sur la vision française serait contreproductive pour les Etats africains. Par contre, pour faire bouger les lignes au plan géostratégique, l’urgence recommande de mettre en place un grand Centre d’Etudes Stratégiques et Internationales, spécifiquement dédié à notre sous région, afin de mieux saisir les opportunités et de répondre avec vigueur aux menaces de type nouveau auxquels nous devons faire face, et pour lesquels, la France est souvent autant la solution que le problème. Il s’agit simplement d’inventer une manière africaine de voir le monde qui tienne principalement compte de nos propres intérêts. Les africains doivent savoir que leur principale force réside dans l’union ainsi que dans la mutualisation de leurs propres capacités d’analyse, d’anticipation et de réaction.
En effet, contrairement aux Etas africains, la France d’aujourd’hui est ‘’ballastée’’ par une attaque terroriste de grande ampleur et une crise migratoire sans précédent, qui ont la regrettable faculté de brouiller ses radars sociaux et de transformer ses belles certitudes d’hier en doutes. L’autre facteur d’analyse non moins important s’attache aux buts, à la pertinence et à la légitimité des actions militaires françaises (soutien ou engagement direct) ces dernières années. Barak Obama, son principal allié, ne reconnaissait-il pas lors d’un discours à West Point que ’’ depuis la seconde guerre mondiale, quelques unes de nos erreurs les plus coûteuses sont venues non pas de notre retenue, mais de notre tendance à nous précipiter dans des aventures militaires, sans réfléchir à leurs conséquences ’’ ?.
Boucar DIOUF
Coordonnateur National de la CIAR
(Convergence d’Idées Autour de la République)
[email protected]

3 Commentaires

  1. C’est vrai que Cheikh Tidiane Gadio fait de l’activiste sur un sujet qui est glissant. C’est le seul moyen pr lui de trouver argent et nom; Le PR ne doit pas le suivre. Le terrorisme ne se combat pas sur la place pubique; Ce sontv les institions qui font des réunions pour rien;

  2. Gadio veut apparaître en public rec. il afllait le voir donner des leçons et plastronner. C’est de l’argent dépensé pour rien et le PR n’y voit que du feu. Et comme c’est informel, le Ministre fr de la défense peut tout se permettre entre amis.

  3. je milite pour des solutions locales. il faut identifier les communautés islamistes ou assimilées et faire pression sur elles au niveau interne dans chaque pays ! il est très difficile de mener, autrement, une lutte conventionnelle contre ces illuminés.
    pas de liberté aux ennemis de la liberté !

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