Tout le monde veut la paix… mais prépare la guerre – Par Madiambal Diagne

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De nombreuses personnes nourrissent des appréhensions quant à la date fatidique du 19 janvier 2017. On se demande comment les populations gambiennes et sénégalaises se réveilleront ce matin-là ? Tout porte à croire que le Président Yahya Jammeh, bien que battu à l’élection présidentielle, ne voudra point rendre le pouvoir au Président légitimement élu, Adama Barrow. Il s’agira alors de lui imposer une passation du pouvoir, pour être conforme à la légalité internationale. Le Conseil de sécurité des Nations-Unies et des instances de l’Union africaine et de la Cedeao, ont clairement indiqué leur position commune selon laquelle, «aucune transaction ne sera possible dans la dévolution du pouvoir en Gambie au Président Adama Barrow». Seulement, Yahya Jammeh s’engage dans une bravade, montrant n’avoir cure de telles résolutions et se prépare à la guerre. Les différents corps de l’Armée gambienne ont fini de lui renouveler leur loyauté et leur engagement et il est de notoriété publique que Yahya Jammeh s’occupe à préparer ses troupes et à faire venir des mercenaires de l’étranger. Des combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) sont enrôlés pour se battre aux côtés des soldats restés fidèles à Yahya Jammeh et d’autres mercenaires sont recrutés à partir du Liberia. L’arrivée des renforts de mercenaires libériens est bien constatée par les différents services secrets et le convoyage se fait à partir d’un pays voisin du Sénégal. Ainsi, au moment où tous les diplomates voudraient donner la chance à une issue pacifique du conflit, Yahya Jammeh prépare la guerre, comme il l’a d’ailleurs toujours fait. En effet, le régime de Yahya Jammeh a toujours préparé la guerre en se lançant dans une course à l’armement, convoyant des armes lourdes d’Iran ou en signant des accords militaires avec des pays comme le Nigeria, la Russie, la Mauritanie ou la Turquie. Cette agitation guerrière ne pouvait qu’être dirigée contre le Sénégal qui est le seul et unique pays avec lequel la Gambie entretient des frontières. On ne voit pas la Gambie préparer une guerre contre un autre pays ! Il s’y ajoute que Yahya Jammeh s’est montré dangereux et continue de l’être en suscitant, entretenant et exacerbant des clivages ethniques dans son pays.
C’est dire qu’il le veuille ou pas, le Sénégal sera amené à une confrontation militaire avec la Gambie de Yahya Jammeh. On aura beau chercher à être pacifiste mais on n’a pas véritablement le choix. On ne peut pas éviter de faire cette guerre et donc elle sera fatalement engagée et il faudra la mener et la gagner. Le Sénégal la mènera-t-il seul ? Sans doute que non. La Communauté internationale se fera le devoir de joindre ses forces à celles du Sénégal pour déloger, le plus rapidement possible, Yahya Jammeh, de son Palais et d’assurer l’installation d’un pouvoir légitime démocratique. De toute façon, la guerre sera d’abord une guerre du Sénégal qui aura à chercher à assurer sa propre sécurité intérieure. Aucune armée du monde ne tirera un coup de feu si le Sénégal s’abstient et croise les bras. Alors qu’il ne saura être question de laisser Yahya Jammeh se faire entourer de mercenaires du Mfdc qui, d’une façon ou d’une autre, dirigeront leurs armes contre les populations du Sénégal. C’est ce qui avait justifié l’engagement, dans une situation pareille, en Guinée-Bissau en 1998, quand les troupes sénégalaises qui, conjointement avec l’Armée de la Guinée Conakry, n’avaient pas hésité à s’engager pour combattre des mutins appuyés par des éléments du Mfdc et conduits par le Général Ansoumana Mané, qui cherchaient à renverser le Président légitime Nino Vieira. La Guinée et le Sénégal avaient estimé qu’il y allait d’abord de leur propre sécurité intérieure. C’est la même logique qui avait guidé les opérations Fodé Kaba I et Fodé Kaba II, qui consistaient en des engagements de l’Armée sénégalaise pour voler au secours d’un pouvoir légitime à Banjul, celui de Dawda Kairaba Jawara. Le Sénégal estimait, en 1981 et 1982, que l’installation à Banjul d’un régime putschiste de Kukoy Samba Sanyang, soutenu par le Colonel Mouamar Kadhafi de la Libye, constituait un gros risque de déstabilisation pour le Sénégal. Aussi, l’Armée sénégalaise avait été en opérations militaires pour constituer, avec notamment des troupes du Nigeria, l’ossature de l’Ecomog pour des interventions au Liberia en 1990 et en Sierra-Leone en 1991. L’histoire de l’Armée sénégalaise est donc riche d’expériences où il fallait prendre l’initiative d’un engagement militaire pour créer les conditions de s’assurer une sécurité intérieure ou de préserver ou restaurer une légalité constitutionnelle dans des pays voisins.
Il reste que si on n’y prend garde, le maintien de Yahya Jammeh en Gambie consacrera une situation qui ferait des émules dans de nombreux pays de la ceinture de feu du Sénégal. On ne peut ignorer en Mauritanie par exemple, les velléités de conservation du pouvoir, en dépit des règles constitutionnelles. Le régime du Président Abdel Aziz se prépare à des situations troubles et multiplie les provocations en direction du Sénégal. De toute façon, la Communauté internationale, qui s’était fait le devoir de bouter Laurent Gbagbo du pouvoir en Côte d’Ivoire en 2011, est tenue d’assurer la légalité internationale en Gambie et de se donner les moyens pour arriver à une telle fin. Hélas, en dépit des tous les efforts consentis pour ramener Yaya Jammeh à la raison, il s’entête dans sa folie, comme s’il appelait de ses vœux la fin inéluctable qui l’attendDéjà, le Département d’Etat américain ne fait point mystère de l’inéluctabilité d’une confrontation militaire en Gambie et a demandé aux ressortissants américains de quitter ce pays avant le 19 janvier prochain. Par ses rodomontades, Yahya Jammeh cherche à faire impression et à chercher à se prévaloir d’une certaine puissance de feu et avec des séances de libation pour préparer ses soldats. Le but de la manœuvre est tout simplement de pousser à ce que des concessions lui soient faites afin de lui garantir une impunité. Yahya Jammeh ne peut se soustraire à une action pénale pour les nombreux crimes qu’il a commis durant ses vingt-deux années de règne. On verra bien si ses bains mystiques et autres amulettes anéantiront les canons. D’autres étaient déjà passés par là et se sont finalement révélés comme de vulgaires lâches, une fois que les combats avaient été engagés. L’histoire enseigne que les autocrates et despotes sanguinaires finissent toujours en lâches.

Madiambal Diagne

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