Lettre à Babacar Ngom. L’art du peu ou l’agriculture à l’épreuve de la culture. (Par El hadji Malick Ndiaye)

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Cher Babacar,

Je fais partie de cette catégorie de la population qui ne sert à rien et qui ne fait que parler, c’est à dire les universitaires, et qui plus est, intervenant dans les sciences humaines. Je n’ai pas l’intention de vous juger sur Ndingler et je me réjouis que vous ayez accepté de céder un peu de terrain aux paysans.Je m’excuse aussi de m’adresser à vous plutôt qu’à la SEDIMA comme vous l’auriez peut-être souhaité. Il se trouve que c’est vous même qui avez entretenu la confusion puisque vous dites qu’en vous retirant des affaires, vous irez quand même vous installer sur les terres de la SEDIMA. Si vous pouvez vous octroyer ce privilège, c’est peut-être parce qu’en un sens la SEDIMA c’est vous.

Il ne s’agit donc nullement de vous critiquer, mais en tant qu’apprenti-paysan de partager ma vision qui bien évidemment est aux antipodes de la vôtre. Il y a quelques années j’ai décidé d’investir dans l’agriculture, en achetant un petit lopin de terre (environ 2ha). J’aurais pu acheter plus grand, viser plus haut, m’inspirer, comme vous le dites si bien, des champions. Mais j’ai compris que la plus belle des réussites, ne sera jamais d’accumuler des terres et de la richesse, mais de contribuer à faire de l’Afrique un endroit meilleur à vivre. C’est l’ambition qui devrait nous animer pour ce millénaire, et c’est sûrement le vôtre, mais je me permets de vous dire avec beaucoup d’humilité que certains moyens peuvent être discutables. S’octroyer des centaines d’hectares n’est pas forcément le choix le plus productif de faire de l’agriculture. Ni le meilleur moyen de promouvoir plus de justice sociale, vous vous en êtes rendu compte. Mais au-delà de votre personne, c’est notre pays qui se fourvoie dans son idée de la réussite.

Le plus grand désastre de la colonisation, c’est peut-être pour l’Afrique, ce grand complexe du gigantisme. Notre course au succès est en décalage total avec des phénomènes aussi simples et décisives que le développement humain et l’intelligence communautaire. Nous sommes tous convaincus que nous avons besoin d’en amasser le plus possible pour être au sommet. Au moment même où les pays qui nous servaient de modèles font leur mea-culpa, repensent leurs économies pour réduire leur impact sur l’environnement et offrir plus de place au vivant.

Nous sommes convaincus que l’agro-business doit être le choix ultime alors tous les gouvernements responsables encouragent la permaculture et l’occupation intelligente des terres et l’agroforesterie. Sur les 12170 millions d’hectares de terres plus ou moins utiles sur cette planète, nous utilisons environ 2,9 hectares par personne, encore que la biocapacité individuelle est largement inférieure (1,7 ha/per capita). Notre responsabilité n’est pas de produire plus que les autres, mais de produire assez pour vivre et durer. Nous célébrons un contre-modèle de développement malgré le succès discutable des cultures latifundiaires américaines et brésiliennes. Ces pays où l’heure est davantage aux questionnements sur des modèles d’agriculture durable et respectueux des sols. En homme intelligent et informé, vous avez certainement entendu parler du SARE (The Sustainable Agriculture Research and Education) aux USA et de l’AS-PTA (Assessoria e serviços a projetos em agricultura alternative) au Brésil. L’agro-écologie est incrite au c?ur des politiques gouvernementales de la France, de l’Allemagne, de la Suède…Ces initiatives visent à imaginer des pratiques agricoles favorables au plus grand nombre et non plus à enrichir de grands investisseurs. Et ne parlons pas d’autosuffisance alimentaire. Nous savons aujourd’hui que les techniques de permaculture intensive permettent d’obtenir sur 1000 m2 une production égale ou proche à celle d’un hectare d’agriculture motorisée. Mais cela demande de l’effort et de l’imagination. C’est certainement aussi une question de vision.

Le monde qui nous fascine, celui des occidentaux qui nourrit notre névrose est d’accord pour inscrire le biologique comme priorité dans son alimentation. Les Occidentaux veulent une agriculture à taille humaine, des circuits de production de plus en plus courts. Ils veulent des moyens de transports plus propres, plus d’activités physiques, moins de sucre, moins de gras. Tout ce que nous avions chez nous et que le consumérisme radical nous apprend à dévaloriser et à détester. Vous savez tout cela. Mais vous nous dites que le fastfood c’est bien, les tracteurs qui déracinent les baobabs c’est bien, les tonnes de méthane et de gaz à effet de serre issues de l’agriculture industrielle c’est bien. Pour vous, imaginer un modèle calibré sur ce que notre sol peut contenir ressemble à un manque d’ambition. C’est d’ailleurs ce qui ressort de votre lecture des pratiques séculaires agricoles. Ces « riens », ces grandes surfaces inexploitées sont notre plus grande richesse, ne les saccageons pas pour le profit. J’applaudirais si les 300 hectares que l’on vous a octroyés pouvaient servir à développer des modèles alternatifs de cultures en s’appuyant sur la paysannerie et son savoir-faire. Je ne dis pas que c’est votre responsabilité, vous êtes libre d’utiliser votre fortune comme bon vous semble. Mais vous parlez beaucoup de votre amour du Sénégal, et j’essaie d’attirer votre regard sur ce qui pourrait servir aux paysans sénégalais : ce n’est pas le cultiver plus, c’est le cultiver mieux. Mettez vos moyens à disposition de nos communautés, apportez une expertise, une logistique, financez la recherche et respectez le choix de ne pas demander à la terre plus que celle qu’elle ne peut donner. Vous serez mon champion.

Pour finir, je vous dirai que j’ai aucune animosité à votre égard, je n’ai aucune ambition politique, aucun désir de vous mettre à mal contre qui que soit. Ne développez pas cette paranoïa de penser que tous ceux ne sont pas d’accord sur Ndingler ont quelque chose contre vous. Je m’adresse à vous comme à tous les capitaines d’industrie de notre pays. L’ultralibéralisme n’est pas l’avenir de l’Afrique. C’est un système qui ne marche nulle part sauf pour une petite partie de la population. En cela, il est injuste. Vous avez certainement votre ambition et les lois de notre pays avec vous. Cela peut se concevoir. Mais il y a deux choses que nos paysans ont avec eux : la dignité et la sagesse. Et c’est ce qui les rend si admirables à nos yeux.

EL HADJI MALICK NDIAYE

Associate Professor

French and African Studies

Seattle University

4 Commentaires

  1. Moi je suis extrêmement déçu que des universitaires défendent autant l’immobilisme et le manque d’ambition des Africains ! Après un certain Pr Loum installé au Canada, voici Pr Malick Ndiaye un autre « professeur indigne » installé lui aux USA. Leur point commun ? Vouloir figer nos paysans dans le travail éternel de la houe, la daba et le hilaire ! C’est pas sérieux et cela prouve non seulement l’hypocrisie de nos « intellectuels », mais aussi leur égoïsme et leur refus naturel du développement en Afrique. Sarkozy avait certainement raison : l’inertie médiévale des Africains n’est pas due aux autres mais aux africains eux-mêmes ! Sinon comment comprendre l’appel des Pr Loum et Ndiaye de demander à Babacar Ngom de renoncer à son projet d’exploitation agro-industrielle en zone rurale ? Et toujours pour de faux prétextes moralisants ou écologiques ? C’est un terrible défaitisme sénégalais ! Mais heureusement pas africain car on voit les pas de géant de pays comme le Rwanda, le Ghana, le Maroc, le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Ethiopie, le Kenya, l’Égypte qui ont clairement des stratégies nationales d’autosuffisance alimentaire et de fondation de secteurs économiques forts notamment dans l’agro-industrie. Mais les sorties démagogiques de nos « intellectuels » rétrogrades et de tous les faux « défenseurs émotifs » des paysans de Ndengler confirment au moins une chose : un investisseur sénégalais vraiment ambitieux doit aller s’installer dans des pays africains qui prônent le modernisme économique, la protection de l’entrepreneur et l’ouverture sur le monde…

    • Moi, je ne suis pas decu par ta contribution parce que c’est ceux a quoi on pouvait s’attendre de toi: Insulter, mepriser les autres au lieu d’ecouter leurs arguments et d’argumenter. Dans tous les pays que tu cites dans ta contribution, je te defie de me montrer un seul cas ou les paysans sont prives de leur terres par un entrepreneur sans leur consentement et une contrepartie. Il faut te documenter et t’instruire sur ce que M. Ndiaye te dit et ensuite reviens vers nous. Personne ne nous impose rien du tout mais quand le raisonnement se limite en complotisme, on produit ce type de charabia : on te demande de te baser sur les retours d’experience de ceux que M. Ngom veut copier et tu insultes. L’insulte c’est pour les gens qui n’ont pas d’arguments !!!
      M. Ngom ne fait pas dans l’agrobusiness des qu’il cherche un titre foncier sur les terres arrachees impunement aux paysans. Dites moi combien valent 200 ha en titre foncier et ensuite on en reparlera. Cette histoire me revulse car c’est un cas d’enrichissement sans cause et en privant les populations de moyens de subsistance. Est il legal d’attribuer des terres agricoles en titre foncier ?

  2. Le problème c’est justement de s’émouvoir de ce que dit Sarkozy. Continuez à courir derrière Sarkozy. C’est tellement plus la plus intelligente des options en effet.

  3. Ce texte est très difficile à comprendre pour des esprits tordus et des abrutis comme cet ancien gérant de bistrot comme ce parvenu arrogant méprisant bandit de NGom Guinar et explicite et clair pour les esprits honnêtes et vertueux
    Professeur n’insistez pas peine perdue NGom Guinar n’est pas à la hauteur pour comprendre votre message c’est un parvenu ex pauvre sur qui des milliards sont tombés sur sa tête le rendant complètement debile et cynique arrogant il ne pense qu’à écraser les faibles avec son fric il exploite ses ouvriers et terrorise sous le regard faible et froussard de Macky Sall et son gouvernement les pauvres paysans sans défense

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