MINISTERE DE LA JUSTICE Ces dossiers qui attendent Aminata Touré

Date:

Nouvellement installée à la tête du ministère de la Justice, Aminata Touré hérite d’un chapelet de dossiers brûlants, urgents et en souffrance. Des dossiers qui exigent une prise en charge judicieuse et rigoureuse. Il s’agit, entre autres, de l’effectivité de l’assistance des mis en cause dès les premières heures de la détention, de la corruption au sein de la magistrature, des désagréments liés à la loi Latif Guèye, de la révision du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature…

Aminata Touré, la nouvelle patronne du ministère de la Justice, a du pain sur la planche. Une pile de dossiers visant à redorer le blason de son «nouveau monde», fortement écorché par des récriminations, s’entassent sur son bureau. Ces questions brûlantes qui méritent pour la plupart, un toilettage judicieux et rigoureux des textes, voire une réforme du Code de procédure pénale et du Code pénal, exigent, au-delà d’une ambition, un état d’esprit fort pour répondre aux attentes pesantes des citoyens.

Révision du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature

Parmi ces questions brûlantes qui interpellent la nouvelle patronne de la Justice sénégalaise, figure en bonne place, celle relative à la révision du Conseil supérieur de la magistrature. Cet organe, présidé par le chef de l’Etat avec comme vice-président le ministre de la Justice, est composé, entre autres, des chefs de juridictions (choisis par l’Exécutif )et de deux magistrats élus par leurs paires (donc sous représentés). Ce conseil est perçu par une bonne frange des techniciens du droit comme une entité qui ne s’occupe que d’affections de magistrats. Sa prérogative première, celle-là fortement attendue, est, de l’avis de plusieurs «robes noires» comme Me Assane Dioma Ndiaye de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme, de se distinguer comme un véritable garant de l’indépendance des juges. Pour y parvenir, Me Ndiaye est d’avis qu’il faut, dans un premier temps, ouvrir les portes de ce Conseil supérieur de la magistrature à d’autres citoyens non-magistrats, notamment de la société civile, des chefs d’entreprises, des universitaires… Une mesure qui permettrait à ce Conseil «de se soustraire de l’emprise de l’Exécutif et permettre aux magistrats de gérer eux-mêmes leur carrière». Dans la même veine, ces mesures outilleront suffisamment ce Conseil, «afin qu’il puisse garantir l’effectivité du principe de l’inamovibilité des magistrats du siège, en mettant fin au prétexte de l’intérim qui permet d’affecter les magistrats du siège, (surtout ceux catalogués récalcitrants ou intègres), sans leurs avis.

Indépendance des juges

Autre question importante, celle de l’indépendance des juges. Ce principe consacré par les textes, mais qui reste à l’état de vœu pieux, doit, selon des juristes s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, être un nouvel état d’esprit. Ce qui, d’après eux, permettrait de «freiner toute immixtion intempestive de l’Exécutif, ceci, même si le Procureur dépend de lui. Le judiciaire étant un pouvoir à part, il doit être disjoint du pouvoir exécutif Ce qui favoriserait une indépendance totale du travail judiciaire et permettrait au Procureur de faire prévaloir sereinement son pouvoir d’auto-saisine, sans craindre des «représailles» du pouvoir exécutif».
L’autre dossier brûlant qu’attend la locataire du 7e étage du Building administratif est la mise en place effective, au Sénégal, «du juge de la détention». A l’instar de la France, ce juge de la détention se chargera «d’apprécier de la détention où non d’une personne déférée devant le Procureur». Ce qui permettrait de rétablir un «déséquilibre qui jusqu’ici dorme des pouvoirs exorbitants au Procureur qui a la prérogative de décider du sort de la personne déférée devant lui, ceci, au grand dam de l’avocat de la partie déférée. Un impair que «le juge de la détention pourrait résorber, car supposé plus indépendant que le Procureur», dixit le patron de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme.

Assistance d’un mis en cause par un avocat dès les premières heures de la garde à vue

Une autre question relative aux droits de l’Homme qui attend le ministre de la Justice relève de la lancinante question qui devrait permettre à toute personne interpellée par la police ou la gendarmerie, s’il le désire, d’être assistée par un avocat, dès les premières heures de sa garde à vue. Une question ardemment défendue par les organisations de défense des droits de l’Homme. Ces derniers pensent que cette mesure permettrait de conjurer les allégations d’aveux extorqués ou autres tortures dans les lieux de la détention servies à la barre par les mis en cause. Pour y parvenir, des techniciens du Droit préconisent de se conformer à la Constitution qui dispose que «toute personne a droit à une assistance d’un conseil tout au long de la procédure pénale». Or, il se trouve que la garde à vue est une phase importante de la procédure pénale. Dans la même veine, l’assistance d’un médecin dès les premières heures de garde à vue est souhaitable.
A la longue liste des priorités du ministre de la Justice, figure en bonne place la question du dédommagement des accusés qui, après avoir purgé une détention préventive relativement longue, sont acquittés par les Cours d’Assises. Une question qui vient rappeler le nombre consistant d’accusés acquittés, sans qu’il ne s’ensuive une réparation à la mesure du préjudice subi. Me Mbaye Guèye pense que, au-delà de ça, il faudrait aussi que les praticiens du Droit s’y mettent «en ayant le réflexe d’assigner l’Etat en réparation».

Correctionnalisation de la Loi Latif Guèye

L’application de la Loi Latif Guèye qui criminalise le trafic international de drogue crée plus de problèmes qu’il n’en règle. «Elle est des plus malvenues. Il est impératif de la lever urgemment, parce qu’en définitive, elle n’a fait qu’aggraver les sanctions. L’esprit de cette loi était de faire reculer le trafic international de drogue en dissuadant les trafiquants. Mais la criminalisation de ce type d’infraction n’a pas eu le résultat escompté», a rappelé Me Guèye. Le trafic international de drogue est encore plus présent qu’avant. Or, avec son application, c’est une des vertus de la justice qui s’effondre, selon une robe noire qui a cité, en exemple, le cas d’un jeune client de 20 ans qui, depuis 1 an, est en détention préventive pour complicité de trafic international de drogue. A supposer qu’il soit coupable, il se pourrait qu’il ait trébuché, mais avec la Loi Latif Guèye, il perd une, voire plusieurs années de détention préventive et peut être condamné à une peine de 20 ans. Il faut ramener le jugement de ces affaires au tribunal correctionnel en maintenant la peine prévue par la Loi Latif Guèye, s’il le faut. La révision du Code pénal avec la criminalisation du délit de viol, bien que très actuelle au regard de l’ampleur des cas quotidiennement évoqués, n’emporte pas l’assentiment de certains juristes. Ces derniers pensent que les peines en vigueur (5 à 16 ans) sont assez lourdes. «Ce n’est pas une question qui relève uniquement du ministère de la Justice. Il faut l’étendre à d’autres départements pour éduquer, sensibiliser, assister les personnes incriminées dont certains sont malades. Cependant, lorsque l’acte délictuel est assorti d’acte sauvage, barbare…, il faudrait se référer, là également, à l’arsenal juridique qui prévoit de sévir graduellement et proportionnellement à la mesure des faits.
La Corruption au sein de la magistrature est un autre dossier de taille pour le ministre de la Justice. Pour stopper ou atténuer ce phénomène, des robes noires approchées ont confié que la première mesure à prendre est de demander aux magistrats de se limiter à leur statut. Leur interdire d’intervenir, ou de faire des consultations, ou conseils (écrites ou verbales) à un justiciable, sur des questions susceptibles d’intéresser la justice: Ceci afin d’éviter qu’ils ne conseillent un justiciable sur une affaire pendante qu’ils pourraient hériter. En Angleterre, par exemple, un avocat qui souhaite discuter de son dossier avec un magistrat qui l’instruit est tenu de s’y rendre avec le confrère de la partie adverse. A défaut, la conversation qu’il a avec ce magistrat doit être enregistrée et remise à l’avocat de la partie adverse, afin que tout soit contradictoire. Cette mesure appliquée posera le premier jalon essentiel pour lutter contre la corruption. Ensuite, préconisent des robes noires, «il faut des sanctions positives qui consistent à faire la promotion des magistrats intègres, des sanctions négatives qui ne se limitent pas seulement à des sanctions disciplinaires pour les magistrats véreux. En cela, il faudrait également que l’Inspection générale des affaires judiciaires (Igaj) qui relève du ministère de la Justice joue pleinement son rôle.

Dépénalisation des délits de presse

Enième question brûlante : la dépénalisation des délies de presse. Ce dossier toujours pendant et qui attend d’être validé serait une bonne chose pour le renforcement de la démocratie et de la liberté de la presse. Même si, de l’avis de juristes, cette dépénalisation instaurerait deux catégories de citoyens coupables de ces délits commis par moyens de publication (Radio, Tv, affichage…). Sa mise en application nécessite au préalable «un nettoyage des textes afin que l’esprit de cette mesure garde toute sa pertinence». Par ailleurs, nos interlocuteurs pensent que le nouveau ministre pourrait s’inspirer de la dépénalisation des délits de presse, effective dans certains pays développés et qui font office de modèle de démocratie.

SOURCE : L’OBS ABDOULAYE DIEDHIOU

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Gouvernement : Un projet de réforme du code du travail pour promouvoir l’emploi et la protection des travailleurs

XALIMANEWS- Le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye,...

Abrogation des décrets de Macky Sall : Ousmane Diagne convoque une importante réunion avec les magistrats

XALIMANEWS- Une importante rencontre est programmée au ministère de...

La photo officielle de Bassirou Diomaye Diakhar Faye dévoilée

XALIMANEWS-Le portrait officiel du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye,...