Parce que tous les chemins mènent au Magal de Touba, le conclave fait s’y croiser toutes les convoitises :. (Par

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Le Magal Touba édition 2019 se tiendra sous peu d’où le prétexte pour nous de faire ‘’un
constat de l’événement’’ (Magal) et de son siège (Touba). Du point de vue religieuse ou
culturelle, politique, sociale, mais économique le Magal de Touba est une date ou station
majeure. D’où mieux connaitre Touba et les toubiens, ce creuset de l’islam noir en effervescence
pour le Magal nous fera partir d’une présentation du fondateur (Ahmadou Bamba) et de sa
fondation (Touba et le mouridisme). Et le pèlerinage est un mouvement, un déplacement
appartenant au lexique de la religion cela en vue de se ressourcer, de se purifier, et de recueillir
ou rencontrer l’agrément d’un être vénérable, d’une divinité. Entre puristes et profanes,
unicistes et pluralistes réside une différence d’appréciation de sa motivation car les uns
déclarant que tout pèlerinage doit être une quête d’agrément d’un Dieu unique d’où Ibn Arabie
de déclarer qu’en embrassant la pierre de la Kaaba, il lui avait d’avance déclaré ne le faire que
par et pour Dieu car celle-ci ne saurait le nuire ou le combler. L’autre courant défend l’idée
selon laquelle le ou la visité(e) ou retrouvé (e) en un lieu localisé est doté (e) de potentiels aptes à
satisfaire leurs quêtes ou requêtes en tout lieu. D’où un éternel débat dont l’arbitrage n’est pas,
ici, notre principale préoccupation.
-Une aspiration, un élan vers la pureté personnelle et populaire :
Située dans la région de Diourbel, plus exactement à l’Est dans le département de Mbacké, zone
frontalière d’avec l’arrondissement de Ndindy, Touba est la mythique capitale du mouridisme. Elle a
été fondée vers 1888 par Cheikh Amadou Bamba, initiateur d’une voie musulmane… Le fondateur
de la cité et du Magal, à l’origine dans son hameau à travers ses écrits «Matlaboul Fawzaini»
notamment rêvait d’une ville singulière ou du moins de la trempe des villes références
islamiques : la Mecque, Médine…. Ce religieux rêveur comme on s’en doute pensait avant
tout sa ville sous des contours religieux « Accorde moi à Touba une science utile, élevée et de
référence qui va avec la crainte de Dieu…Faites de ma cité éternellement une référence en
matière de sciences religieuses, de réflexions, et de compréhension, une cité de correction
…Seigneur exaucez et accomplissez mes intentions à Touba, où à cause de vous des édifices
sont édifiés pour Vous » (dans Matlaboul Fawzaini et Wa lakhad karamna). Ainsi Touba est,
aujourd’hui, un centre d’instruction et d’éducation religieuse remarquable à ses daaras, ses
dahiras, sa bibliothéque, ses mosquées, ses instituts Al hazar de Serigne Mourtala… Formatés
dans la cité et la confrérie mourides, ils sont nombreux, à Touba ces disciples, qui comme
l’indique le terme désignant la confrérie (le mouride, le nostalgique de Dieu) se veulent des
exemples vivants du soufisme mouride. Cette instruction religieuse axée surtout sur le coran
et les khassaides (écrits du Cheikh) est pour les toubiens une référence dans et en tout d’où à
Touba le religieux plane sur tous les segments de la vie. Dans le domaine de l’éducation,
l’instruction islamique est donc dominante et préférable pour ces croyants plus confiants aux
débouchés de la libre entreprise qu’a ceux de l’administration « la vente et l’achat sont les
sources de la richesse : Diaye ak dieunde nioye indi alal » (Wade, 1968, p21). Ainsi pour ces
ruraux-urbains nostalgiques de leur créateur (mourides), il urge plus de connaître la volonté
de son seigneur que les connaissances matérialistes de l’occident. L’accès aux daaras y est
assuré à plus de 80 % or moins de 70% y avaient accès dans les villages de départ des

migrants (Senagrosol, 2007). Le Magal Touba est désormais un rendez vous international
pour répondre à l’invite du Guide d’une des rares voies (Tarikha) islamiques fondée par un
noir africain. Le Magal, le mouridisme, Touba sont donc l’expression de l’islam noir africain,
une guidance dont les ramifications sont désormais planétaires, d’où d’innombrables
questions, surtout concernant son fondateur : Ahmadou Bamba Mbacké,’’khadimou
rassoul’’(le serviteur de l’envoyé Mouhamed paix et salut sur lui). Ce guide soufi, mystique
est décrit par beaucoup de narrateurs selon divers angles attribués à sa personne. Mais, ici,
nous allons nous référer à un des ses écrits pour tenter de cerner l’immensité du personnage
de Cheikh Ahmadou Bamba, le serviteur du centre des équilibres. En effet, dans ‘’As
Sundidu’’, le serviteur de l’élu des envoyés (le prophète Mouhamed) par un recours entier à
l’infini, se dépouille de toutes vanités terrestres et invoque le très haut en magnifiant ses
divers envoyés dont le plus illustre, les anges, les compagnons du prophète, les oulémas, les
symboles grandioses de la royauté divine, les différents livres adressés aux peuples…le
fondateur du mouridisme prie pour les tiens disons pour toute la création pour qu’ils accèdent
à la félicité terrestre et dans l’au de là : « O mon Dieu, je t’invoque par considération pour
l’élu, le noble et généreux (Mouhamed)…Par tous les anges dont leur élite, Gabriel…Par les
compagnons du prophète dont Aboubakr, le véridique…Par les oulémas dont Malik (Ibn
Anas), le très distingué…Par la table, la plume bien gardée, puis par ton trône immense et par
le siège, O mon Dieu…Seigneur! Faites descendre sur nous le voile de la bonne santé, exauce
nos vœux ici bas et dans l’au de là, O mon Dieu!…». Aujourd’hui, c’est ce recours, cette
référence à un Dieu unique qui a comblé son serviteur, lequel lui exprime sa gratitude
personnelle et populaire qui est à l’origine de ce conclave multicolore.

  • Au point de vue sociologique, une réactualisation de la réponse sociale
    Touba, terre du mouridisme est d’intégration facile par « l’esprit ouvert » et donc la
    commodité du mouridisme. Le mouridisme idéologie de référence à Touba, est une tarikha
    « voie » sunnite, fondée par Cheikh Ahmadou Bamba .D’abord, érudit enseignant les sciences
    religieuses, le cheikh devint initiateur d’une voie mystique musulmane, sufi (plus que
    l’enseignement il se proclama une passerelle vers le prophète et Dieu lui-même). Cette voie
    est devenue depuis plus d’un siècle une des plus grandes confréries du Sénégal dont le chef
    suprême est le Khalife général, héritier biologique, mais surtout spirituel, du fondateur. De
    nos jours le mouridisme est une organisation structurée et hiérarchisée opérant ou influant au-
    delà du religieux. Très au fait et ancré dans la société sénégalaise, le mouridisme est une
    réponse constamment adaptée aux défis des temps : né en réponse ou riposte religieuse et
    culturelle d’un peuple colonisé, consolidé comme un interlocuteur avisé, écouté et estimé des
    différents corps composants de la nation sénégalaise; le mouridisme de nos jours étend ses
    tentacules dans le monde entier et semble s’investir dans tous les secteurs de développement.
    D’abord, l’agriculture, ensuite le commerce, les mourides ne connaissent plus de
    frontières dans les métiers: « La confrérie mouride est l’un des groupes emblématiques et

porteurs de cette évolution. Devenue un mouvement socio-religieux migrant, elle a pris une
envergure nationale par les milieux ruraux et les milieux urbains, puis internationale en
intégrant les interstices d’une économie mondiale dont on dit pourtant qu’elle est globalisante
et dominatrice. Je le souligne avec Mamadou Diouf, les Mourides s’inscrivent dans une
logique de participation active à la mondialisation dont ils surfent sur la vague » (C Guéye
,2001). Au début plutôt rurale, la confrérie s’est urbanisée. Cette ascension fulgurante du
mouridisme basée sur le charisme, « la baraka » de son initiateur est aussi le fait de sa
structuration adéquate et avisée aux temps et milieux : « parce qu’elle semble attirer à loisir
les contradictions (le mouridisme se veut à la fois la voie de l’élite et celle des masses,
l’orthodoxie la plus rigide peut y côtoyer le syncrétisme le plus audacieux, les bons marabouts
peuvent y avoisiner avec de vulgaires affairistes ». (Mori Magassouba, 1985, p30).
Hormis le khalife et son état major composé des Mbacké et cheikhs. Le gros de la troupe est
composé de disciples disséminés en deux sous confréries : la confrérie civile disons des
mourides simples et celle des « enrôlés » ou baye fall, sous groupe minoritaire. Les membres
du premier sous groupe sont aussi hétérogènes qu’est le peuple sénégalais voire l’humanité
tant dans leurs races, leurs conditions sociales, nationalités…Le deuxième sous groupe des
baye fall plus restreint est composé le plus souvent d’hommes optant pour cette forme de
particularité ou tout simplement en marge de la société : « Elle (le premier sous groupe) leur
impute non sans raison la responsabilité des jugements abrupts, voire des accusations de
coupable déviation dont la doctrine d’Ahmadou Bamba est souvent l’objet de la part des
autres confréries islamiques» (Pélissier,1966). La structuration du bas ou discipline
confrérique est essentiellement soutenue par deux piliers fondamentaux que sont le daara et le
dahira. Les daaras, lieux d’enseignement des sciences islamiques, sont aussi des cellules de
production agricole pouvant avec le temps constituer un village. Les dahiras constituent
l’organe de propagation, d’encadrement et de liaison des disciples d’avec l’autorité
maraboutique. Leur importance est telle qu’on pourrait dire qu’ils sont les remparts
irremplaçables de la confrérie en face des mutations : « Organisée sur la base du lieu de
résidence ou de travail, le dahira peut compter plusieurs dizaines de membres toutes
catégories sociales et toutes ethnies confondues. Aucune discrimination à caractère de caste
n’y est tolérée et le seul critère d’adhésion est le « djébelou »au même guide spirituel. Les
dirigeants de ces dahiras qui sont démocratiquement élus par les talibés, présentent en milieu
urbain, la particularité d’être pour la plupart des lettrés (souvent des fonctionnaires). Le choix
des instruits n’est pas du au hasard dans la mesure où il facilite grandement toutes les

demandes à caractère administratif » (Mori Magassouba, 1985, p37). Ces dahiras sont de nos
jours des organes de brassage, d’intégration, de soutiens sociaux partout à travers le monde
: « Au début des années 1940, Khalifa Ababacar Sy, le guide spirituel de la branche Sy du
Sénégal a été le premier à créer des dahiras en ville. Par la suite tous les autres lignages
confrériques ont initié ce modèle….De toutes les confréries sénégalaises ce sont, toutefois, les
mourides qui ont fait de la dahira non pas seulement un mécanisme essentiel de leur insertion
en milieu urbain, mais aussi un outil fondamental de leur organisation et de leur dynamisme »
(Cheikh Sarr, 2003, p170) Ils font aussi office de réservoirs et de bailleurs de fonds (mains
financiers) de la confrérie.
-Touba, terre des wolofs, ethnie de l’ouverture
A Touba, les wolofs constituent la population majoritaire et facilitatrice de toute intégration,
et même au delà du territoire toubien, d’où une facilité d’insertion de Touba. Cette ethnie
souvent citadine au Sénégal y a dans nombre de domaines et contexte fait montre d’une
capacité d’adaptation rapide. En effet, les wolofs y ont été les premiers à oser s’implanter en
ville et s’urbaniser. Ce constat est d’autant plus importante qu’en Afrique pendant longtemps
la ville «création du blanc » a été stigmatisée comme le lieu de tous les maux, inhumaine,
faite de dérives, dépravations, cruautés (Ville cruelle Eza Botto ; Cette Afrique là de Jean
Ikellé Matiba ; Kocoumbo, l’étudiant noir de Aké Loba ; Maimouna de A Sadji…) Renier la
ville était donc une autre forme de rejeter le blanc. Cette ouverture wolof est corroborée par
Makhtar Diouf : «Les wolofs qui constituent le groupe dominant ont une attitude très positive
envers leurs autres compatriotes. Par contre, les autres membres interviéwés, des autre
groupes ethniques s’ils s’épargnent entre eux, réflexes de solidarité des groupes minoritaires,
sont en général assez sévères à l’endroit des wolofs « (Makhtar Diouf , Sénégal, les ethnies et
la nation).
-L’intégration socioculturelle à Touba
A Touba y’a deux demeures celle du marabout et celle du talibé, tels sont les propos d’un
vieux mouride pour résumer la société toubienne. Ici, l’homogénéité est la règle, pour les
autochtones se dire égaux aux nouveaux venus est un signe d’humilité; et pour les nouveaux
un signe d’intégration, de bien être dans la cité. L’homogénéité de la société toubienne
s’affirme aussi par la dominance de l’ethnie wolof avec plus de 95% de wolofs et 98,8% de
mouride (Sénagrosol, 2007). Il faut aussi relever que le mouridisme fut une réponse à la
dislocation des repères de la société wolof. En effet, celle-ci fortement stratifiée a avec la

colonisation et autres bouleversements induits par l’étranger connu un désarroi : « Les rois
vaincus, la superstructure politique et sociale éclatée, l’économie monétaire instituée (l’impôt
de capitation et culture de l’arachide). Cheikh Ahmadou Bamba, qui bénéficiait déjà d’une
aura certaine dans sa famille et son entourage depuis son jeune âge, devient à partir de 1881,
(un puissant élément polarisateur)  face au désarroi de toutes les composantes de la société
wolof. « (Cheikh Guéye, 2002, p40). Jean Copans parlait de Conditions d’apparitions alors
que pour Cheikh Guéye, cette situation a motivé une riposte : « Cette réponse est religieuse,
politique, et se soucie également de restaurer des équilibres affectifs et symboliques « (Cheikh
Guéye, 2002, p37). Le réconfort religieux exploité avant et ailleurs d’où Nitch parlait de
l’opium du peuple a été ici aussi présent : « la confrérie est une réponse religieuse à la rupture
partielle des bases sociales wolof. » (Cheikh Guéye, 2002, p37). Le rôle conciliateur ou
calculateur tenu par le système maraboutique dans cette situation est souligné par Samir
Amin : « l’islam est devenu un moyen puissant d’intégration de la périphérie nouvelle et de
soumission du centre ». Cet aspect n’a pas échappé à la vigilance de Marty : « le marabout
remplaçant par ou sans notre faute, le chef traditionnel c’est autour de lui que la société noire
tend à s’organiser, son autorité remplace celle des anciens chefs du pays et s’accroît même du
prestige religieux ». Aujourd’hui encore, cette déviation de destination est louée et
chantée : « Boudoul wone serignebi wolof nassaranou sé kone nieup nirani » (chant wolof
disant si ce n’était le Cheikh le wolof serait devenu comme le blanc et ainsi nous tous serions
voués à la géhenne). Touba est donc le lieu de la réactualisation de la réponse sociale mouride
aux défis des temps.
-Une foire géante
Les fondements de l’initiative économique mouride 
En bonne place dans l’éducation religieuse de Cheikh Ahmadou Bamba, insistons dans
l’éducation religieuse, car il ne s’agit pas d’au-delà de l’éducation religieuse, mais bien d’une
composante à part entière de cette éducation, est le devoir d’entreprendre. « La sueur du
travail conduit au paradis » (la doctrine économique du mouridisme, Wade 1968). Et Me
Wade définissait le travail dans l’optique mouride comme étant « l’échelle concrète» qui
permet d’accéder au paradis. Et parler du travail mouride ne peut se faire sans l’exemple
inégalable qu’est : « Cheikh Ibra fall ou le travail devenu condition suffisante » (Wade, 1968,
p27)
Commerce et Marchés dans Touba

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