Il était une figure aussi redoutée que controversée du paysage numérique sénégalais. Derrière le pseudonyme “Kocc Barma”, se cachait El Hadji Babacar Dioum, 38 ans, père de famille, aujourd’hui au centre d’une enquête aux ramifications tentaculaires. Interpellé par la Division spéciale de lutte contre la cybercriminalité (DSC), il est accusé d’être le principal responsable de la plateforme pornographique Babiporno, alimentée notamment par des vidéos obtenues par chantage ou manipulation.
C’est une plainte déposée par une jeune femme de 16 ans, soutenue par sa sœur aînée, qui a déclenché la tempête. L’adolescente serait l’une des nombreuses victimes de chantage sexuel perpétré par un certain “Mouha”, personnage désormais identifié comme l’un des relais de Dioum. Selon les premiers éléments de l’enquête, cette plainte a ouvert la voie à une série de perquisitions, permettant aux forces de l’ordre de saisir des véhicules, du matériel informatique, des liasses d’argent liquide, ainsi que plusieurs armes à feu.
La DSC, qui a pris le contrôle du site Babiporno, a confirmé avoir récupéré des centaines de fichiers compromettants. L’analyse du matériel saisi révèle un système bien rodé : des vidéos à caractère sexuel, des preuves de transactions bancaires, et des paiements réguliers via des plateformes anonymes. Le site servait aussi de point de diffusion de contenus à forte valeur de nuisance, visant parfois des personnalités politiques, des journalistes, des artistes et de simples citoyens.
Les chiffres donnent le vertige : entre 2018 et 2025, plus de 5 000 plaintes auraient été enregistrées par la police et la gendarmerie contre les agissements de Kocc Barma, souvent en vain, faute de preuves ou de coopération des victimes.
Au-delà des faits, cette affaire soulève des questions profondes sur la protection de la vie privée, les dérives des réseaux sociaux et le vide juridique entourant la cybercriminalité au Sénégal. Pour de nombreux citoyens, cette arrestation représente un tournant : celui d’une prise de conscience nationale face aux menaces numériques et à la banalisation des violences en ligne.
La justice poursuit ses investigations pour établir toutes les responsabilités. D’autres individus, y compris l’épouse du mis en cause, pourraient être entendus. Dans les rues de Dakar comme sur les réseaux sociaux, le nom de Kocc Barma est désormais synonyme d’une ère numérique trouble que beaucoup espèrent voir définitivement close.
avec lobservateur et liberation


