Fin de la présence militaire française au Sénégal : une page se tourne, une nouvelle doctrine de souveraineté s’écrit

Xalima
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Ce jeudi 17 juillet 2025 restera gravé dans l’histoire contemporaine du Sénégal comme le jour où le pays a officiellement tourné la page d’une longue présence militaire française sur son sol. Le camp Geille de Ouakam, emblématique base des forces françaises à Dakar, est restitué à l’État sénégalais lors d’une cérémonie solennelle présidée par le Général de Corps d’Armée Mbaye Cissé, Chef d’État-Major général des Armées. Une prise d’armes et des allocutions symboliques ont marqué la fin d’un chapitre vieux de plus de six décennies.

Cette restitution s’inscrit dans la droite ligne de la volonté du nouveau régime, dirigé par le président Bassirou Diomaye Faye, de redéfinir les fondements de la souveraineté nationale. Dès sa prise de fonction en mars 2024, le chef de l’État avait affirmé son intention de revoir la doctrine militaire du Sénégal, en mettant un terme à la présence de forces étrangères dès 2025. Cette orientation a été actée dans le cadre d’une commission conjointe franco-sénégalaise mise en place en février dernier.

Une coopération militaire en transformation

Depuis l’accord de défense signé en 1960, la France a maintenu une présence stratégique au Sénégal à travers les Forces françaises du Cap-Vert (FFCV), puis les Éléments français au Sénégal (EFS), avec jusqu’à 1600 militaires et civils stationnés sur différentes emprises. Ces forces avaient pour missions la défense du territoire sénégalais en cas d’agression extérieure, le soutien logistique et opérationnel aux armées sénégalaises, ainsi que des actions civilo-militaires au bénéfice des populations.

Mais en 2011 déjà, la France avait entamé une réduction drastique de ses effectifs et réorienté sa coopération vers la formation et l’assistance technique. L’accord du 18 avril 2012 actait cette mutation vers un partenariat plus discret, en retrait des fonctions de combat.

La cérémonie de ce jour consacre ainsi la restitution totale des emprises militaires françaises, notamment les bases de Rufisque, Maréchal, Saint-Exupéry, Protet et, aujourd’hui, le camp Geille et l’escale aéronautique de Diass.

Le Sénégal vers une nouvelle posture géopolitique

Ce retrait marque un changement majeur dans la diplomatie sécuritaire sénégalaise. Le régime du président Diomaye Faye, soutenu par le Premier ministre Ousmane Sonko, prône un retour à une souveraineté pleine et entière, dans une logique panafricaniste assumée. La fin de la présence militaire étrangère est à la fois un acte symbolique et stratégique, qui vise à redonner aux forces armées sénégalaises la pleine responsabilité de la défense nationale.

Ce retrait n’implique toutefois pas une rupture avec la coopération internationale. Au contraire, Dakar entend désormais bâtir un nouveau réseau d’alliances fondé sur un principe de partenariat d’égal à égal. Plusieurs pays africains, dont le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Niger, observent avec intérêt cette posture, dans un contexte où la CEDEAO elle-même est en pleine mutation. L’idée d’une coopération sécuritaire sous leadership africain, hors des tutelles traditionnelles, gagne du terrain.

Quelles alliances pour demain ?

La question cruciale est désormais celle des nouvelles alliances que le Sénégal pourrait envisager. Des ouvertures diplomatiques ont déjà été amorcées vers la Turquie, la Russie, la Chine ou encore le Brésil, avec des propositions de coopération militaire, de transfert de technologies et de formation. Cependant, le Sénégal semble vouloir éviter un simple remplacement d’une puissance par une autre. L’objectif affiché est la montée en puissance des capacités nationales et régionales, en misant sur des partenariats techniques, ponctuels, et respectueux de la souveraineté.

Dans ce cadre, les discussions au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), mais aussi avec des organisations comme l’Union Africaine et la future architecture de sécurité africaine, pourraient devenir centrales. Le Sénégal, qui a toujours été perçu comme un pilier de stabilité en Afrique de l’Ouest, entend désormais assumer un rôle de leader stratégique dans la redéfinition d’un modèle de sécurité collective africaine.

Une étape historique

Avec cette cérémonie, le Sénégal affirme son entrée dans une ère nouvelle, où la souveraineté n’est plus un mot d’ordre, mais un principe actif de gouvernance. L’armée nationale devient l’unique garante de l’intégrité territoriale, dans un monde multipolaire et incertain.

Mais cette transition exige des moyens : modernisation des équipements, renforcement du renseignement, formation continue des cadres militaires et investissement dans les industries de défense locales. Le pari est ambitieux, mais il peut devenir une référence si le pays réussit à conjuguer indépendance, efficacité et solidarité régionale.

La fin de la présence militaire française n’est donc pas une fin en soi, mais le début d’un rééquilibrage géostratégique que d’autres pays africains observent avec attention. Le Sénégal, fort de son histoire et de ses ambitions nouvelles, se positionne désormais comme l’un des symboles de la reconquête souveraine du continent.

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