L’ancien ministre d’État Abdou Fall a livré une réflexion de fond sur l’avenir de la gouvernance au Sénégal, mêlant analyse institutionnelle et plaidoyer pour un modèle démocratique plus apaisé.
Dans une récente intervention, l’ancien responsable politique a estimé que le pays devait sortir d’une culture de confrontation permanente pour bâtir un cadre politique davantage fondé sur le compromis et la coopération.
« Nous fonctionnons comme des Français alors que nos situations ne sont pas les mêmes », a-t-il déclaré, soulignant que les réalités sociales, économiques et historiques du Sénégal imposent des méthodes différentes.
Pour illustrer son propos, Abdou Fall oppose le « syndicalisme de classe » hérité du modèle français à la « démarche de coopération » qui prévaut en Allemagne. Dans ce dernier, la survie de l’entreprise et la préservation de l’emploi constituent un intérêt commun, ce qui favorise la stabilité sociale. « C’est dans la stabilité et le compromis qu’on construit une économie », rappelle-t-il, avant de citer Cheikh Anta Diop : « La sécurité et la paix sont les conditions du développement. »
Évoquant les pays scandinaves, il met en avant des démocraties où « tu ne sens même pas qu’il y a des élections », symbole selon lui d’une maturité politique et d’une efficacité institutionnelle. « Cette confrontation systématique, ce carnage fratricide sans fin… à terme, c’est mortel pour nous », met-il en garde.
Abdou Fall critique également la manière dont les alternances politiques sont vécues au Sénégal. Pour lui, le fait de « demander exclusivement des comptes aux antérieurs » relève d’une logique partisane plutôt que d’un principe institutionnel. « La reddition des comptes, c’est l’affaire des organes de contrôle et de la justice. Ce n’est pas l’affaire du politique », insiste-t-il.
L’ancien ministre rejette toute approche de mise à l’écart et défend l’idée que chaque ancien dirigeant doit être considéré comme un atout national. « Macky Sall est une ressource du Sénégal. Abdoulaye Wade est une ressource du Sénégal. Abdou Diouf est une ressource du Sénégal », affirme-t-il, déplorant le « gâchis des ressources humaines et intellectuelles » dans un monde où « le savoir gouverne ».
Pour y remédier, Abdou Fall propose la création d’un conseil consultatif réunissant des figures d’expérience issues de toutes les sensibilités politiques. Cet organe, selon lui, permettrait de préserver la mémoire institutionnelle, d’éviter les ruptures brutales et d’alimenter la continuité de l’État.
« Les mettre de côté parce qu’ils ne sont pas avec nous ? Ce sont des personnes-ressources qu’on doit pouvoir mettre à contribution », conclut-il, dans un appel à la sagesse et à la réconciliation politique.


