Après de longs mois de détention, Abdou Nguèr retrouve enfin la liberté. Une liberté qui aurait dû être la sienne depuis longtemps, tant son incarcération illustre les dérives d’une justice sénégalaise où la détention préventive supplante trop souvent la peine.
Reconnu coupable et condamné à six mois de prison, dont trois ferme, Abdou Nguèr aura pourtant passé près de sept mois derrière les barreaux. Pire encore, il vient d’être relaxé purement et simplement, ce qui rend son enfermement encore plus absurde et révoltant. Comme l’a écrit un commentateur, « presque une année de détention pour rien du tout ».
La détention préventive comme punition anticipée
Dans une tribune empreinte de gravité, l’homme politique Thierno Bocoum, président du mouvement AGIR – Les Leaders, dénonce une situation où « la détention préventive est devenue une condamnation avant le jugement ». Selon lui, la justice sénégalaise semble désormais confondre la procédure et la punition.
Il rappelle que cette mesure exceptionnelle est censée protéger l’enquête, non servir à museler la parole. Pourtant, dans les faits, elle s’impose comme un outil de répression, visant ceux qui « parlent trop, pensent trop ou dérangent trop ».
Le cas d’Abdou Nguèr, arrêté le 17 avril 2025, en est une illustration éclatante. Pendant que lui retrouve enfin l’air libre, d’autres restent derrière les barreaux : Badara Gadiaga, détenu depuis le 14 juillet 2025, ou Soya Diagne, enfermé depuis le 16 octobre 2025. Tous deux attendent toujours d’être jugés.
Une justice à deux vitesses
Ces affaires traduisent un mal plus profond : une justice à deux vitesses, prompte à sévir contre les voix critiques, mais hésitante face aux dérives du pouvoir. La détention préventive devient alors un message politique, un avertissement adressé à ceux qui oseraient contester l’ordre établi.
Pour Thierno Bocoum, la libération d’Abdou Nguèr doit être à la fois une victoire morale et un signal d’alarme. Victoire, car un homme injustement privé de liberté retrouve sa dignité. Alerte, car d’autres continuent de subir en silence la même injustice.
La justice à l’épreuve de la liberté
Le cas Nguèr pose une question fondamentale : que vaut une justice qui punit avant de juger ? Quand la prison précède la condamnation, c’est la justice elle-même qui devient coupable.
Comme le conclut Bocoum :
« Lorsque la prison précède le jugement, c’est la justice elle-même qui devient coupable. »
Abdou Nguèr est libre, mais sa liberté résonne comme un rappel amer : au Sénégal, la justice reste encore à délivrer.


