Guinée-Bissau : Quand les militaires reprennent la main, Dakar retient son souffle (Par Papa Ibrahima Diop PIDVito)

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La Guinée-Bissau replonge dans une zone de turbulence politique. Le pouvoir, désormais accaparé par les militaires, renvoie ce petit pays frontalier du Sénégal à ses vieux démons : instabilité chronique, incertitude institutionnelle, lutte d’influence. Une situation qui, loin d’être un simple épisode interne, porte en elle des risques majeurs pour la stabilité sous-régionale — et en particulier pour le Sénégal.

Un voisin fragile… donc stratégique

Le Sénégal entretient avec la Guinée-Bissau une frontière à haute sensibilité : une frontière qui touche la Casamance, territoire encore marqué par des décennies de rébellion. C’est précisément dans cette zone que la stabilité politique de Bissau a toujours eu un impact direct sur la sécurité sénégalaise.

À cet égard, l’ère Umaro Sissoco Embaló avait constitué un tournant. Son alliance assumée avec Dakar avait permis au Sénégal de disposer d’un appui solide dans sa stratégie contre les groupes armés du Sud. Embaló, tout comme son homologue gambien Adama Barrow, avait montré une volonté claire : collaborer avec le Sénégal pour réduire la marge de manœuvre des rebelles et consolider l’espace sécuritaire régional.

Un vide politique… une brèche pour les groupes armés

Le basculement du pouvoir entre les mains des militaires remet cette dynamique en question.
Un pouvoir militaire, par nature préoccupé par sa propre survie et soumis à des jeux d’influence internes, n’offre pas la même lisibilité ni les mêmes garanties qu’un allié politique fort.

Ce changement ouvre plusieurs risques :
• Recomposition des alliances locales, où certains groupes armés pourraient tenter de se repositionner.
• Affaiblissement de la coopération sécuritaire régionale, jusque-là incarnée par le trio Sénégal–Guinée-Bissau–Gambie.
• Possibilité d’instrumentalisation de la frontière sud, zone historiquement poreuse.

Pour Dakar, ce n’est pas une simple affaire de voisinage : c’est une question de sécurité nationale.

Embaló parti, l’équation diplomatique change

On peut reconnaître, sans détour, que l’arrivée au pouvoir d’Embaló en Guinée-Bissau et celle d’Adama Barrow en Gambie avaient modifié les rapports de force dans la sous-région au profit du Sénégal.
Ces deux présidents avaient fait front commun avec Dakar contre les tentatives d’affaiblissement du Sénégal, notamment au moment où des stratégies politiques internes cherchaient à isoler le pays ou à réduire son influence.

Aujourd’hui, cet équilibre vacille.

Le départ d’Embaló n’est pas qu’un changement de visage : c’est un changement de doctrine. Le Sénégal perd un allié fiable dans un environnement géopolitique déjà fragilisé par les bouleversements au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Une question : Dakar doit-il s’inquiéter ?

Oui — et agir avec finesse.
La situation en Guinée-Bissau exige une diplomatie active, anticipatrice, plurielle.
Il faudra à la fois :
• renforcer la coopération avec les autorités militaires pour éviter un vide sécuritaire ;
• multiplier les relais politiques et communautaires à Bissau ;
• consolider la présence militaire sénégalaise dans le Sud, sans provoquer les voisins ;
• maintenir un dialogue constant avec la CEDEAO pour éviter que la situation ne dégénère.

Parce que l’histoire est têtue : chaque fois que la Guinée-Bissau vacille, la Casamance tremble

PID.

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