L’agence de notation financière Standard & Poor’s a de nouveau abaissé la note souveraine du Sénégal, soulignant les tensions accrues sur les équilibres macroéconomiques et la détérioration de la situation budgétaire du pays. Cette révision marque un nouveau revers pour un État déjà confronté à des défis structurels lourds et à des incertitudes politiques grandissantes.
Une notation sous pression
Dans son dernier rapport publié ce lundi, S&P a rétrogradé la note de crédit du Sénégal de B à B-, tout en maintenant une perspective « négative ». L’agence cite « un creusement préoccupant du déficit fiscal », « une capacité d’absorption de la dette de plus en plus contrainte » et « un contexte politique moins prévisible depuis l’alternance au sommet de l’État en mars 2024 ».
Cette dégradation reflète une confiance en berne des marchés internationaux envers la capacité de l’État sénégalais à honorer ses engagements à moyen terme. L’agence pointe également une dépendance excessive à l’endettement extérieur, à l’heure où les conditions de financement deviennent plus strictes, notamment dans un environnement mondial marqué par le resserrement monétaire.
Réaction du gouvernement
Le ministère des Finances, dans un communiqué publié peu après la parution du rapport, a regretté une décision « sévère et prématurée », tout en reconnaissant « la nécessité de renforcer la rigueur budgétaire et d’accélérer les réformes structurelles ». Il a également annoncé une série de mesures « pour restaurer la crédibilité macroéconomique du pays », dont un gel temporaire de certaines dépenses publiques non prioritaires et la révision des subventions énergétiques.
Mais ces annonces peinent à rassurer les investisseurs. Les spreads sur les eurobonds sénégalais à échéance 2033 ont bondi de 58 points de base dans les heures qui ont suivi, signe d’une nervosité palpable sur les marchés.
Des fondamentaux fragiles
Le Sénégal, malgré son potentiel – notamment gazier avec les projets GTA et Sangomar – peine à transformer ses perspectives en réalité tangible. La croissance, attendue à 6,5 % en 2025, repose essentiellement sur l’entrée en production des premiers barils de pétrole et mètres cubes de gaz. Mais les retards d’exploitation, conjugués aux incertitudes contractuelles et aux tensions sociales, obscurcissent le tableau.
La dette publique, elle, dépasse désormais les 76 % du PIB, selon les dernières données du FMI, bien au-delà du seuil recommandé par l’UEMOA. Le service de la dette absorbe près de 35 % des recettes fiscales, un niveau jugé « insoutenable à moyen terme » par plusieurs analystes internationaux.
Climat politique et incertitudes
Sur le plan politique, l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye a nourri de fortes attentes en matière de rupture, de transparence et de souveraineté économique. Mais les signaux ambigus envoyés aux bailleurs, combinés aux tensions avec certaines institutions financières multilatérales, inquiètent. La volonté affichée de revoir certains contrats miniers et d’hydrocarbures, bien que populaire sur le plan interne, est perçue avec prudence par les investisseurs.
S&P souligne également « une capacité d’exécution encore fragile des nouvelles autorités » et « un manque de visibilité sur la trajectoire budgétaire à horizon 2026 ».
Un avertissement pour la sous-région ?
Au-delà du cas sénégalais, cette dégradation est aussi perçue comme un signal plus large pour l’ensemble de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La stabilité financière de la zone repose en partie sur la crédibilité budgétaire des grandes économies comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Toute fissure dans cette architecture pourrait avoir des effets systémiques sur l’ensemble du marché régional de la dette.
Notation souveraine du Sénégal – Historique récent (S&P)
2022 : B+ (stable)
2023 : B (négative)
2024 : B (négative, confirmée)
2025 : B- (négative)
Sources : Rapport de Standard & Poor’s, Ministère sénégalais des Finances, FMI, données Bloomberg.


