« Le cœur des tensions réside dans la relation entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko », estime Le Quotidien. Le premier incarne désormais l’État, son autorité et la stabilité institutionnelle ; le second, chef historique du mouvement Pastef, porte l’âme militante et la contestation qui ont conduit le duo au pouvoir.
Depuis plusieurs semaines, des signaux laissaient entrevoir un désalignement stratégique. L’absence du Premier ministre lors du Conseil des ministres — officiellement pour congé — a été interprétée comme un signe de distance. Les médias sénégalais évoquent désormais la possibilité d’une rupture politique ouverte. « Le divorce semble consommé entre Diomaye et Sonko », écrit Walfquotidien, prédisant « la formation de deux camps issus de la majorité présidentielle » à l’approche des prochaines échéances électorales.
Un enjeu politique et institutionnel
Pour nombre d’observateurs, cette recomposition traduit une tension classique entre légitimité électorale et légitimité institutionnelle. Diomaye Faye, élu président sous la bannière du Pastef, cherche aujourd’hui à consolider un appareil politique propre à sa gouvernance. « Diomaye veut un appareil politique pour soutenir son action ; Sonko, lui, veut préserver son contrôle partisan et préparer l’avenir », analyse le politologue Maurice Soudieck Dione dans L’Info.
Le même expert avertit : « Le Premier ministre n’est fort que parce que le président veut bien lui laisser la place. Si la cohabitation devient impossible, la clarification est nécessaire. » En d’autres termes, la confrontation semble inévitable si les deux figures ne parviennent pas à définir clairement leurs rôles respectifs dans la direction du projet politique.
Des répercussions économiques et institutionnelles possibles
Au-delà du jeu politique, les observateurs redoutent les conséquences économiques d’un éventuel éclatement de la majorité. Sud Quotidien rappelle qu’« une dissension au sommet de l’État pourrait entamer la confiance des investisseurs et compromettre la dynamique économique » d’un pays déjà confronté à une situation budgétaire tendue.
Dans le même temps, Le Soleil met en avant la continuité de l’action gouvernementale. Le président a notamment réaffirmé sa volonté de renforcer le contrôle national sur l’exploitation de l’or et d’accélérer la restructuration de la Somisen et de la Miferso. Une manière de rappeler que, malgré les turbulences politiques, « l’État ne s’arrête jamais ».
Un contexte de fragilité financière
Cette instabilité politique intervient alors que le Sénégal traverse une période financière délicate. Les Échos et Tribune rapportent qu’un récent rapport international cite le pays parmi « le trio des nations africaines au bord de la faillite », aux côtés du Gabon et du Mozambique, en raison de son refus de restructurer sa dette publique.
Ce climat de tension pourrait peser sur la confiance des partenaires internationaux, déjà ébranlée par la transition politique rapide du printemps 2024.
Une équation à plusieurs inconnues
La situation actuelle met en lumière les contradictions d’une alliance née dans la contestation mais désormais confrontée à la réalité du pouvoir. Entre l’exigence d’unité gouvernementale et les ambitions partisanes, Bassirou Diomaye Faye doit composer avec un Premier ministre charismatique, populaire et politiquement autonome.
La nomination d’Aminata Touré, personnalité expérimentée et respectée, apparaît dès lors comme une tentative de rééquilibrage. Mais elle pose aussi une question de fond : le président peut-il consolider son autorité sans renier l’esprit du mouvement qui l’a porté à la tête de l’État ?
Au Sénégal, la cohabitation entre l’institution et le militantisme s’annonce comme l’un des grands défis des prochains mois.


