Dans un contexte marqué par une volonté de refondation institutionnelle, l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté, à une très large majorité, le projet de loi portant création d’un nouvel Office national de lutte contre la corruption (ONLC), appelé à remplacer l’actuel OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption).
Sur les 165 députés que compte la chambre, 130 ont voté pour le texte, une voix s’est opposée, tandis qu’un parlementaire s’est abstenu. Ce vote s’est déroulé en session extraordinaire, dans une atmosphère marquée à la fois par l’urgence politique et les attentes croissantes de la société civile.
Un vote presque unanime, mais des appels à l’action
Si le vote s’est déroulé sans véritable opposition, plusieurs élus ont tenu à insister sur l’importance de l’application effective de la loi. Abdoulaye Tall, président de l’intercommission des lois et des finances, a appelé ses collègues à “sensibiliser les populations” et à veiller à la mise en œuvre stricte des nouvelles dispositions.
« Nous devons tout faire pour assurer son suivi et son application », a-t-il martelé, en écho aux inquiétudes souvent formulées quant à l’écart entre les textes législatifs et leur concrétisation sur le terrain.
Une loi pour plus de transparence dans la gestion publique
Parmi les principales dispositions de la réforme figure l’obligation de déclaration de patrimoine pour certaines catégories de responsables publics. Abdoulaye Thomas Faye, député du groupe Pastef-Les patriotes, a estimé que “tous les députés” devraient s’y soumettre, au même titre que les magistrats, les inspecteurs des impôts et des domaines, ou encore les hauts fonctionnaires.
Le texte entend ainsi renforcer la transparence dans la gestion des biens publics, enjeu crucial dans un pays où la corruption reste régulièrement dénoncée par les ONG de gouvernance.
Sécurité des déclarants : le ministre de la Justice interpellé
Présent lors du débat, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a été interrogé sur les garanties offertes aux personnes tenues de faire une déclaration de patrimoine. La sécurité des déclarants et la protection de leurs données personnelles constituent en effet un point sensible.
Le garde des Sceaux a précisé que “tout le monde n’est pas concerné” par cette obligation, citant notamment les commerçants, qui n’occupent pas de fonctions publiques. Cette clarification vise à apaiser les craintes d’une généralisation arbitraire de la mesure.
Un outil de plus dans la boîte à outils institutionnelle
Cette réforme s’inscrit dans une série de textes votés par le Parlement en session extraordinaire, incluant notamment des lois sur l’accès à l’information, la protection des lanceurs d’alerte, et la transparence du patrimoine des agents publics.
Elle intervient dans un contexte de restructuration profonde des institutions, amorcée depuis l’élection du président Bassirou Diomaye Faye et la montée en puissance du parti Pastef. Pour certains analystes, la réforme de l’OFNAC vise aussi à tourner la page de l’ancienne gouvernance, marquée notamment par la présidence controversée de Serigne Bassirou Guèye à la tête de l’organisme.
Conclusion : une réforme saluée mais sous surveillance
Si la réforme anticorruption bénéficie d’un large consensus politique, elle n’échappe pas à la méfiance persistante de certains segments de l’opposition et de la société civile, qui appellent à un suivi rigoureux, loin des effets d’annonce.
Le défi à venir ne sera pas celui du vote, désormais acquis, mais bien celui de l’application effective, équitable et transparente de ces mesures dans l’appareil d’État.