Depuis quelques jours, les clients de CANAL+ Sénégal sont informés d’une augmentation de 10 % des tarifs de leurs bouquets. La décision, annoncée par un bandeau explicatif à l’écran, est justifiée par l’opérateur par une “évolution de la redevance dans le secteur audiovisuel au Sénégal”. Cette hausse tarifaire, jugée nécessaire par CANAL+, vise à maintenir une “expérience télévisuelle de qualité” tout en contribuant au financement de la création audiovisuelle locale.
Mais cette annonce a rapidement fait réagir plusieurs acteurs politiques et de la société civile, notamment le député Guy Marius Sagna. Dans une série de publications sur Facebook, l’élu a tenu à contextualiser cette décision et à en expliciter les origines, tout en saluant la nouvelle posture du gouvernement sénégalais vis-à-vis des grandes entreprises étrangères opérant sur le territoire.
Selon Guy Marius Sagna, une convention liant CANAL+ Sénégal à l’État depuis 2011 prévoyait une redevance annuelle fixe variant selon le chiffre d’affaires hors taxes (HT) de l’entreprise, selon des paliers : 15 millions FCFA pour un CA inférieur à 5 milliards FCFA, jusqu’à 35 millions FCFA au-delà de 20 milliards. Un montant que beaucoup jugent dérisoire au regard des revenus de l’opérateur.
En 2021, un montant forfaitaire unique de 75 millions FCFA a été institué, quel que soit le chiffre d’affaires. Il a fallu, selon M. Sagna, l’élection du président Bassirou Diomaye Faye et la nomination de son Premier ministre Ousmane Sonko pour que CANAL+ s’acquitte effectivement de cette redevance en 2023.
Aujourd’hui, l’État sénégalais envisage d’aller plus loin : un projet de réforme propose de fixer la redevance à 9 % du chiffre d’affaires hors taxes de CANAL+ Sénégal. Cette orientation s’inscrit dans une volonté affirmée de renforcer la souveraineté culturelle et de stimuler la production audiovisuelle locale.
Le gouvernement actuel ambitionne de faire des médias un levier stratégique pour l’emploi et la valorisation de l’identité nationale. Dans cette optique, un Fonds d’Appui à la création locale devrait être mis en place, avec des critères mieux adaptés à la réalité culturelle sénégalaise. L’objectif : soutenir la production de films, de séries, mais aussi de dessins animés mettant en scène des personnages qui parlent davantage à la jeunesse africaine.
Ce tournant vise également à répondre à une préoccupation récurrente : le manque de représentativité et d’ancrage culturel des contenus télévisuels disponibles sur les plateformes étrangères opérant en Afrique
La réaction de CANAL+ à travers cette hausse de 10 % est interprétée par certains comme une répercussion directe de la volonté étatique de faire contribuer davantage les multinationales aux finances publiques. Guy Marius Sagna, tout en saluant le changement de cap du gouvernement, appelle les Sénégalais à “rester à l’écoute” de l’État face à cette décision de l’opérateur privé. Il insiste : “la gouvernance change avec les patriotes”.
De leur côté, plusieurs abonnés expriment sur les réseaux sociaux leur frustration face à la hausse des prix, dans un contexte économique déjà tendu. Le débat soulève ainsi une question plus large sur l’équilibre à trouver entre l’attractivité pour les investisseurs privés, la justice fiscale et les impératifs culturels et sociaux du pays.
Ce bras de fer implicite entre l’État et un acteur majeur du paysage audiovisuel sénégalais met en lumière des enjeux fondamentaux : fiscalité des multinationales, accès équitable à la culture, défense de la souveraineté médiatique, et nécessité de soutenir une industrie locale encore fragile.
Si la hausse des tarifs est réelle, elle s’inscrit dans une dynamique plus large où le Sénégal semble vouloir reprendre la main sur son espace médiatique, en exigeant une contribution plus juste des opérateurs étrangers à l’économie et à la culture nationales.