Dans un contexte international marqué par la volatilité des marchés et la raréfaction des financements à conditions avantageuses, le gouvernement sénégalais a décidé de se tourner vers une ressource longtemps sous-exploitée : l’épargne de sa diaspora. Lancé le 22 septembre, un emprunt obligataire inédit baptisé Diaspora Bonds vise à mobiliser 300 milliards de FCfa d’ici au 10 octobre, selon les autorités.
L’opération, présentée lors d’une émission spéciale diffusée sur YouTube le 27 septembre, s’inscrit dans une stratégie plus large de renforcement des ressources internes. Pour l’État, il s’agit à la fois de répondre à un impératif de financement budgétaire et de consolider la souveraineté économique en limitant le recours aux marchés extérieurs, souvent soumis à des taux élevés.
Un contexte budgétaire contraint
Trois facteurs principaux motivent cette initiative, selon Alioune Diouf, directeur de la dette publique. D’abord, la forte instabilité des marchés internationaux impose une diversification des sources de financement. Ensuite, le cadre légal de la Loi de finances rectificative permet à l’État d’emprunter en monnaie locale, réduisant ainsi l’exposition au risque de change. Enfin, la situation financière du pays est jugée suffisamment solide pour absorber de nouveaux engagements dans des conditions jugées favorables.
« L’objectif est de mobiliser 300 milliards de FCfa. Les souscriptions ont démarré le 22 septembre et se poursuivront jusqu’au 10 octobre », a précisé M. Diouf.
Un produit financier accessible et compétitif
Pour susciter l’adhésion, l’État a opté pour une offre accessible : le ticket d’entrée est fixé à 10 000 FCfa, permettant à tout citoyen, où qu’il se trouve, de participer à l’effort national. Les taux d’intérêt proposés varient selon la durée : 6,4 % sur trois ans, 6,6 % sur cinq ans, 6,75 % sur sept ans et 6,95 % sur dix ans. Le capital, quant à lui, sera restitué intégralement à l’échéance.
Au-delà de l’attractivité financière, les autorités insistent sur la portée stratégique de l’initiative. « Les recettes fiscales et les financements classiques ne suffisent plus. Il est impératif de mobiliser des ressources internes », a souligné Abdou Karim Sock, directeur du contrôle budgétaire. Les fonds ainsi levés seront orientés vers des projets structurants, notamment dans le secteur agricole, un levier central pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Une gestion numérisée et encadrée
La gestion de l’emprunt a été confiée aux 31 sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI) agréées au sein de l’espace UEMOA. La souscription est entièrement dématérialisée, afin de permettre à la diaspora d’y accéder facilement, quel que soit son lieu de résidence.
Ababacar Diaw, directeur général d’Impaxis Securities, assure que l’opération se veut transparente et sécurisée. « Les taux sont compétitifs, les remboursements débuteront six mois après la souscription, et le calendrier est parfaitement encadré pour garantir la confiance des souscripteurs », a-t-il affirmé.
Un précédent pour l’avenir ?
Ce produit obligataire représente une première au Sénégal. Il témoigne d’un changement d’approche dans la manière de penser la diaspora : non plus seulement comme une source de transferts individuels, mais comme un acteur structurant du financement national. Si l’opération atteint ses objectifs, elle pourrait ouvrir la voie à une série d’initiatives similaires, articulées autour d’une mobilisation de l’épargne nationale à grande échelle.
« Si l’opération rencontre l’adhésion espérée, elle pourrait constituer un précédent et ouvrir la voie à une nouvelle ère de mobilisation de l’épargne au service du développement », a conclu Alioune Diouf.


