L’ambassadeur de France à Dakar, Jean Christophe Rufin, dans une interview diffusée sur Rfi samedi dernier, est revenu sur la fermeture prochaine de la base militaire française. Sans entrer dans les détails des accords à signer avant le cinquantième anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale prévu le 4 avril prochain, le diplomate français assure que ‘l’Emprise de Bel Air qui a été demandée sera restituée’.
Est-ce que le choix de Libreville au profit de Dakar était déjà prévu dans la révision des accords de défense ?
Jean Christophe Rufin : Non. Pas du tout. On est entré dans un processus de renégociation des accords après le discours du président de la République au Cap dans un esprit complètement ouvert qui obéissait à deux principes. Premièrement, la transparence ; plus d’accords secrets, plus de dissimulation de quoi que ce soit, tout est public. Et deuxièmement, une forme de partenariat complet. Nous ne voulons plus imposer notre présence à qui que ce soit. Nous voulons discuter avec les pays concernés, les gouvernements pour savoir ce qu’ils veulent, ce qu’ils attendent de nous et ce qu’ils étaient prêts à nous accorder comme facilités. Et les Sénégalais, dans cette négociation, ont marqué un certain nombre de décisions spécifiques. Premièrement, que le terme, le concept de base militaire ne soit plus appliqué à notre présence militaire ici. Ce qui signifie plus de coopération militaire que de présence militaire opérationnelle. Et par ailleurs, ils ont souhaité reprendre certaines emprises (foncières, Ndlr) qui, je le rappelle, sont sénégalaises et qui ont été mises à notre disposition. Donc, il n’est pas question pour nous de contester cela. L’emprise de Bel Air, en particulier, qui a été demandée, sera restituée.
Qu’en est-il des emprises de Ouakam et de l’Arsenal ?
Je rappelle que cet accord n’est pas signé. Hervé Morin, le ministre de la Défense, est venu remettre en main propre un exemplaire de cette nouvelle mouture qui tient compte de ce qui nous a été demandé par le président Wade. En l’état actuel, cela ne remet pas en cause l’implantation des forces françaises dans l’emprise de Ouakam, ni sur la partie la plus importante de l’unité marine du Port.
Quels sont les effectifs du nouveau dispositif ?
Les effectifs annoncés par le président de la République sont de 300 hommes pour Dakar. C’est une réduction significative. Mais qui correspond aussi à un changement de mission. Cette plate-forme sera complétée par des facilités d’escales sur le plan aérien et maritime. Elle a surtout pour vocation la formation, l’assistance et surtout la construction des forces africaines en attente.
Le 23e Bima va-t-il fermer ici au Sénégal ?
Je ne veux pas entrer dans les détails de la transaction parce qu’ils ne sont pas encore connus. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils vont se faire vite. Ça, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais comment cela va se faire, avec quelles forces, avec quelles décisions ? Cela est laissé à la discrétion de l’Etat-major qui va en discuter. Cela va prendre du temps à se mettre en place. Je ne peux pas vous donner de réponse.
Peut-on dire qu’il n’y a pas de discussion entre la France et le Sénégal sur la question des emprises foncières ?
Il n’y a aucun désaccord. C’est un véritable accord de partenariat où chacun a fait valoir ce qu’il souhaitait. Nous avons fait comprendre aux Sénégalais que nous n’avions pas du reste les moyens de délocaliser les troupes ailleurs, c’est-à-dire de construire de nouvelles implantations. Donc, ils savaient que notre accord était conditionné au maintien ou non du dispositif actuel. Il s’avère qu’ils ont souhaité le modifier, nous avons pris note et nous le leur avons signifié. Donc ce n’est pas un constat de désaccord, mais d’un accord absolu, parfait. Nous étions très ouverts. Car nous avions plusieurs possibilités ; les Sénégalais nous ont proposé une solution, nous l’avons adoptée.
Qu’est-ce qui va demeurer dans la coopération militaire entre le Sénégal et la France ?
Dans le nouveau dispositif, les éléments de coopération viennent au premier plan. Mais c’est moins la présence de nos troupes que le renforcement des capacités des Sénégalais. D’ailleurs, le Sénégal a souhaité qu’à côté de l’effort que nous faisons dans le développement des écoles militaires au Sénégal, nous maintenions un fort taux d’admission des Sénégalais dans les écoles militaires en France comme Saint Cyr, les écoles d’officiers et d’application. Le ministre de la Défense a assuré le président Wade de notre intention de maintenir ou d’augmenter la présence des Sénégalais dans ces écoles dans la limite du possible. Je pense que les liens historiques, plus que centenaires entre les forces armées sénégalaises et les armées françaises, ne sont pas du tout rompus. Ce changement n’est pas une rupture. C’est pour coller à la modernité. Cinquante ans après les indépendances, nous voulons un dispositif encore rénové.
Mamadou SARR (Source Rfi)
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