Sept ans après son lancement, la compagnie nationale Air Sénégal traverse une nouvelle zone de turbulences. Un audit interne, transmis récemment au directeur général Tidiane Ndiaye, met en évidence de graves irrégularités dans la billetterie et la collecte des recettes, couvrant la période 2022-2024. Le rapport chiffre le préjudice à 40,614 millions de francs CFA.
Des irrégularités financières confirmées
Selon l’audit, pas moins de 18 employés seraient impliqués dans ces pratiques frauduleuses :
- 13 ont accepté un règlement à l’amiable,
- 5 contestent les montants réclamés, parmi lesquels figurent deux délégués du personnel. Ces derniers risquent des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement, ce qui ouvre un front social délicat pour la direction.
Les pratiques relevées incluent :
- la non-collecte de pénalités,
- la manipulation manuelle de données,
- et la possible existence d’un réseau interne structuré, capable de contourner les contrôles en place malgré l’interconnexion avec Amadeus, le système international de suivi des opérations, utilisé par Air Sénégal depuis 2021.
Un problème de gouvernance récurrent
Au-delà des pertes financières, le rapport met en lumière un enjeu structurel : la gouvernance. En sept ans d’existence, Air Sénégal a connu au moins cinq directeurs généraux, une instabilité qui fragilise la mise en œuvre durable des réformes et des contrôles internes. La récente réorganisation, avec la nomination d’un directeur adjoint et un nouvel organigramme, relance le débat sur l’efficacité des simples changements de dirigeants.
Trois enseignements clés
De cette crise émergent trois grandes leçons :
- La stabilité managériale est indispensable : des changements fréquents à la tête de l’entreprise empêchent la consolidation d’une véritable culture de conformité.
- La digitalisation ne suffit pas : même avec des outils comme Amadeus, des manipulations internes restent possibles, ce qui impose une surveillance humaine renforcée.
- Le dialogue social doit être intégré à la gouvernance : la contestation des délégués du personnel illustre la nécessité de concilier gestion syndicale et stratégie organisationnelle.
Transformer la crise en opportunité
Air Sénégal, qui ambitionne de s’imposer comme un leader du transport aérien en Afrique de l’Ouest, fait face à une équation délicate : restaurer la confiance, renforcer la gouvernance et stabiliser son management. Cette nouvelle affaire pourrait néanmoins constituer un levier de résilience et d’excellence opérationnelle, si des réformes profondes et cohérentes sont mises en place.
Pour l’ensemble du secteur aérien africain, le signal est clair : la croissance rapide et la digitalisation ne peuvent produire des résultats durables que si elles s’accompagnent d’une gouvernance robuste et d’une culture interne de transparence. À défaut, les risques financiers et réputationnels demeurent majeurs.


