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Entre réussite et échec Par Abdou Latif Coulibaly

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Oublions tout ce qui peut énerver ou rendre triste tout citoyen qui pense qu’on pouvait faire autrement, dépenser moins, pour édifier au Sénégal un monument pour magnifier symboliquement la Renaissance Africaine. Oublions, enfin, le manque d’élégance et la cupidité qui ont amené le président de la République à immatriculer dans le registre des propriétés intellectuelles et artistiques, en son nom propre et à décider de le faire gérer par sa famille. Oublions son coût évalué non sans raison à 75 milliards de FCfa.

Photo: xalima

Pour ou contre l’œuvre, on ne pourra plus jamais faire comme si ce monument n’existait pas. Et l’opposition, comme les citoyens qui débattent encore à ce sujet, ne peuvent plus se contenter de dénoncer l’œuvre et de vilipender tout ce que nous avons tenté d’expliquer à l’entame de cet éditorial. L’esprit attaché au monument qui met l’Afrique dans une posture singulière qui la voit sortir des ténèbres pour enter dans les lumières ne peut laisser personne indifférent.. Les opposants au pouvoir se doivent ainsi de proposer une offre de politique culturelle nouvelle qui tienne nécessairement compte de ce monument et qui intègre l’esprit de l’existant et son principe. Cette nouvelle offre culturelle des opposants ne pourra plus se contenter de l’idée simple et simpliste qui prône la destruction de l’édifice, une fois qu’ils seront portés au pouvoir par le peuple.

L’idée de sortir de l’obscurantisme pour se diriger vers la lumière que symbolise le monument actuel ne peut laisser personne indifférent dans ce pays. De ce point de vue, il importe de distinguer le principe de la construction de l’édifice des considérations politiciennes et du culte de la personnalité qui a motivé le bâtisseur du monument. L’histoire donnera l’occasion aux successeurs du président le soin d’en décider. Et c’est la raison pour laquelle, les opposants d’aujourd’hui ne peuvent plus tenir le même discours. Il y a, désormais, l’avant inauguration et l’après inauguration. Et cette offre nouvelle culturelle que l’opposition doit porter, disons-nous, devrait se structurer autour de l’idée de constituer une commission nationale qui, sous l’impulsion de l’autorité politique, travaillerait à mettre en place toutes les connaissances et savoirs artistiques du Sénégal et de l’Afrique, pour proposer une autre œuvre qui symboliserait sur les mêmes lieux la Renaissance de l’Afrique. Nous le ferons avec bonheur par le biais d’un concours artistique panafricain, voire international qui aiderait à dessiner la nouvelle architecture de l’œuvre qui remplacerait l’actuelle.

Par ailleurs, nous devons à la vérité d’écrire que le président Abdoulaye Wade a bien réussi l’inauguration de son édifice. L’Afrique (22 chefs d’Etats africains présents) et une bonne partie de la diaspora à travers la présence à Dakar de ressortissants américains et de la Caraïbes ont adhéré au projet et magnifié l’œuvre du président de la République. Même si la fête a été essentiellement diplomatique et a du coup oublié d’être populaire, Abdoulaye Wade peut se montrer content et fier d’avoir été célébré par ses pairs africains. Content et fier avec mesure, cependant, si toutefois il en est capable.

Le président a été souvent amené à croire que l’histoire du Sénégal a démarré avec son avènement au pouvoir. C’est certainement une telle conception qui l’a conduit à oublier d’inviter à Dakar l’ancien président Abdou Diouf pour assister au défilé traditionnel. Aucun des anciens dirigeants encore en vie, par exemple, les anciens ministres : Amadou Makhtar Mbow, Assane Seck, Abdoulaye Ly et d’autres figures emblématiques des combats menés avant l’indépendance n’a été convié à la fête de l’indépendance. On en a peut-être oublié que ce n’était pas le cinquantenaire du président ou celui de son parti qui était célébré. L’absence de l’opposition aux cérémonies marquant le cinquantième anniversaire de l’indépendance est certes triste. Mais elle est tout de même logique, dans un contexte où le seul mode d’échanges entre elle et le pouvoir se résume à des attaques et à des répliques. C’est le plus grand échec de notre démocratie. Mais, c’est surtout, la plus grande faillite de ce pouvoir et la traduction concrète de son incapacité à rendre plus performant le projet démocratique national, depuis que le suffrage universel l’a désigné en mars 2000, comme l’acteur principal qui assure la marche quotidienne de ce projet.

Les étrangers présents parmi nous ont dû se demander si le pays compte des opposants, tant ceux avec qui ils ont échangé au cours des cérémonies se caractérisaient par l’homogénéité de la pensée et par l’unanimité pour tout ce qui a été fait ou dit autour d’eux. Une démocratie fonctionne sur la base de grands consensus qui se construisent avec tous ses acteurs, dans le respect mutuel des uns et des autres. Le problème chez nous, c’est que le pouvoir n’a aucun respect pour l’opposition, en dehors d’un rapport que celle-ci réussit à lui imposer.

La preuve évidente nous a été fournie samedi avec la marche interdite puis autorisée de l’opposition réunie autour du front Bennoo. En vérité, le marabout Abdou Aziz Sy Junior qui a prétendu avoir convaincu la président Abdoulaye Wade pour qu’il consente à autoriser la marche joue son rôle jusqu’au bout, celui de cheval de Troie du pouvoir qu’il aide à désamorcer toutes les bombes qui sont susceptibles de précipiter sa déflagration.

Nul ne sait ce qui pourrait arriver si le samedi 3 avril 2010, le pouvoir restait dans sa position radicale. Il aurait suffi d’un mort, ou même d’un blessé grave, au cours de la manifestation prévue ce jour, pour que le cours de la fête prévue dans l’après-midi du samedi même, avec l’inauguration du monument de la Renaissance, prenne une autre tournure. Ce fut heureux que le pouvoir ait compris que la seule issue face à la détermination de l’opposition était la capitulation. Cette capitulation intelligente prouve que rien ne sera concédé aux combattants de la démocratie par le pouvoir en place, en dehors d’un rapport de force qui s’avère défavorable au président Abdoulaye Wade. En dépit de son apparence belliqueuse et de son caractère va-t-en guerre, le chef de l’Etat sait bien mesurer la détermination du camp en face et apprécier à sa juste valeur le volume des minutions dont dispose l’adversaire et refuser d’engager le combat avec lui. Alors opposant, il savait envoyer dans la rue des jeunes pour affronter la violence des forces de l’ordre, tout en prenant le soin de se mettre à l’abri, en ménageant en même temps des positions de négociations auprès de l’adversaire socialiste. C’est cela la nature de l’homme.

Abdou Latif COULIBALY

LAGAZETTE.SN

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