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La Femme-parfum, Abdoulaye Elimane Kane: hymne à la beauté noire

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Editions Presses universitaires de Dakar : La Femme-parfum, Abdoulaye Elimane Kane

Avec un titre quelque peu provocateur, le lecteur peut s’imaginer que cet ouvrage constitue la suite des « Magiciens de Badagor » avec les sortilèges olfactifs aux effets rémanents que l’on retrouve souvent sous la plume de l’auteur. En réalité, l’orientation et l’objectif d’Abdoulaye Elimane KANE sont tout autres.

Ici, il s’agit du carrefour des arts nègres et des lettres de noblesse de la création artistique africaine en général et sénégalaise en particulier. L’ancien protecteur des arts délégué s’investit dans un domaine qu’il maitrise parfaitement pour avoir eu à diriger ce département ministériel pendant prés d’une décennie. Lorsqu’un homme de culture de son rang a été porté à ce haut degré de responsabilité, une telle gageure est attendue avec beaucoup d’intérêt et de fébrilité. La « Femme- parfum » s’annonce comme un vaste combat. C’est la défense et illustration de la propriété individuelle afin que « le grain ne meure ». Cet ouvrage constitue un vaste programme auquel A. E. KANE va s’atteler consciencieusement eu égard à la sophistication des supports de l’intelligence économique et au don d’ubiquité de ses suppôts. Aucune composante des arts ne restera en rade : la couture, la sculpture, la musique et la peinture sont ici présentées et représentées. Abdoulaye Kane, chantre des arts nègres vante leurs valeurs, suggère leur représentation dans le cadre des expositions universelles ou intercontinentales en vue de leur reconnaissance internationale. Il était une fois, un lieu-dit qui sort du lieu commun de notre dépendance vis-à-vis de l’Etranger. Ce petit village-Sinthiou Pathé attise la convoitise à l’échelle mondiale grâce à un secret de fabrication dans un domaine aussi pointu que la biotechnologie. Il s’agit d’un secret largement vulgarisé, avantageusement exploité en vase clos par une communauté rurale à l’orée de l’autarcie mais non divulgué hors de ce petit territoire. Ainsi, ce « pays » a vocation de réaliser cette vision exaltante de l’historien breton Ernest Renan : « le commun vouloir d’un destin commun ». Il n’est pas question de revenir sur les circonstances qui ont favorisé l’éclosion de ce cadre de vie à nul autre pareil où toutes les délibérations sont soumises à un consensus, mais sachez simplement que rien ne filtre des résultats de ces débats. Abdoulaye Elimane KANE a usé de tous les artifices pour capter notre attention. La conspiration des prédateurs regroupés autour de la « Coalition Globale » s’emploiera à briser le mur de silence qui entoure cette charte fondamentale villageoise. Toutes les agences de l’intelligence économique des grandes puissances, coalisées, mobilisent leurs énergies et leurs logistiques dans un combat qui semble disproportionné mais dont l’issue est loin d’être certaine. Sinthiou Pathé fera l’actualité mondiale. Quel écheveau ! Mais l’auteur le dévidera avec savoir faire voire avec génie. Son fil d’Ariane le guidera des dédales et souterrains de Gorée jusqu’au fleuve Sénégal. Son œuvre est empreinte de passages émouvants sur Gorée. Quant au fleuve, il est décrit dans le clair-obscur comme l’aurait fait Verlaine : « Pas la couleur, rien que la nuance, Ô la nuance seule fiance le rêve au rêve et la flûte au cor ». Si cet ouvrage est entièrement consacré aux arts ce n’est pas la « faute à Voltaire ou à Rousseau ». L’ancien protecteur des arts délégué qui veille sur son ouvrage s’oppose sans violence aux divers thèmes suggérés par le philosophe qui s’invite souvent à la table de travail de l’écrivain. Autant de thèmes qu’il abordera probablement avec pertinence dans d’autres ouvrages. Abdoulaye Racine Kane a la magie des mots et il insuffle celle-ci à ses personnages tous parés de cette qualité. Kadia la « magicienne du fil »faite de « grâce » et « assurance » aux « rêves fous de couleurs et de perles rares. » ; Soma le sage du village avant l’âge, magicien en tout genre. Pathé le fondateur de Sinthiou architecte paysagiste plein de talent et visionnaire ; Diarno, blé en herbe, aux charges multiples, dont la plus prestigieuse est d’être le disciple que Soma prépare en vue de la relève ; enfin Gaspard signe d’une diaspora sevrée de cette sève nourricière du vieux continent et qui le parcourt inlassablement à la recherche d’une identité comme enfouie dans les arts nègres. Cet ouvrage est un hymne à la beauté noire et à la réalité de la créativité des artistes africains ; un encouragement à soutenir tout effort participant à faire connaître ses œuvres d’art par tous moyens et canaux appropriés. Il fortifie les créateurs dans leur détermination à faire échec aux prédateurs et contrefacteurs. C’est une œuvre colorée baignant dans des sonorités magiques. Rites et rythmes s’y côtoient dans une « musique somptueuse » et des « mélodies voluptueuses ». Quelle féerie ! Un air de fête flotte sur Gorée et Dakar, tandis qu’un souffle nuptial berce Sinthiou la vertueuse. Autant de créations africaines de qualité pour flatter la muse d’Abdoulaye Elimane KANE ! La seule concession faite à l’Occident étant l’adagio d’Albunoni dont la seule évocation fait vibrer toutes les fibres de mon cœur. Au clair obscur qui inspire Gaspard dans sa peinture, s’oppose la clarté qui sied à Kadia. Admirons au passage la description balzacienne des ateliers de « la magicienne du fil », les gestes précis de celle qui crée en se récréant comme si Abdoulaye Elimane KANE n’a jamais rien connu d’autre que l’univers du stylisme. Je ne sais pas pourquoi cela me rappelle le « Mannequin d’osier » d’Anatole France lequel pourtant baigne dans la solitude et l’amertume à cause de cette couturière adultère. Contrairement à la « Maison du figuier », ouvrage conçu comme une monographie d’un ethnologue relative aux coutumes, croyances, tabous et habitat du Fouta de jadis et naguère, ne laissant aucune place à l’imagination et à l’évasion, la « Femme-Parfum »est une œuvre bâtie sur des ruines, excavations et fouilles que l’auteur a voulues ; il a remodelé son monde en commençant par Gorée et nous a rapproché du futur en l’installant au Fouta. Il nous livre un message de grande portée dans un style fort agréable qui laisse espérer que demain, « le soleil se lèvera aussi » sur une Afrique réhabilitée et courtisée pour sa créativité.

Samba Sala Hawa LY

ferloo.com

1 COMMENTAIRE

  1. pffff…
    Encore nou, réclamant la beauté de nos femmes… nous ne sommes plus au 17eme siecle… C’est bon on a compris, plus besoin de le dire.
    Femme noire, blanche, arabe, chinoise etc, c’est pareil, il y’en a des moches comme des belles, de vertueuses ou pas, la beauté ne se mesure plus à la couleur de la peau et j’ai l’impression que nous sommes les derniers à le réaliser.
    Merci

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